Reprise sportive après ligamentoplastie antérieure du genou Thierry ALLAIRE* An
Reprise sportive après ligamentoplastie antérieure du genou Thierry ALLAIRE* Antoine ALLAIRE* Pierre-Antoine DUPRÉ* Céline TOURNEFORT* * Kinésithérapeute du sport Le Havre (76) Dr François TASSERY Médecin du sport Le Havre Les auteurs déclarent ne pas avoir un intérêt avec un organisme privé industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté RÉSUMÉ I SUMMARY Les études concernant la reprise sportive après ligamentoplas- ties montrent des résultats insuf sants. Ces résultats mitigés nous encouragent à proposer une rééducation et une réhabili- tation plus adaptée. Nous développerons les buts et les principes de la réhabilita- tion après ligamentoplastie du LCA. Nous aborderons plus pré- cisément le renforcement musculaire et la reprogrammation neuro-sensitivo-motrice. Le délai postopératoire ne doit pas être le seul élément de décision. De nombreux critères interviennent dans la décision de reprise du sport : le sexe, l’âge, le sport pratiqué, le niveau sportif, le type d’intervention, la motivation, les bilans clinique et fonctionnels... The literature lacks results regarding return to sport following liga- ment reconstruction. These mixed results encourage us to of er two dif erent types of rehabilitation. In our article we develop the aims and principles of rehabilitation following ACL repair. We focus on muscle strengthening and pro- prioceptive re-programming. Time post-op should not be the only factor to consider. Other fac- tors such as age, gender, type of sport and level of competition, the type of surgery, the patient’s motivation as well as the physiothe- rapy assessment should all be taken into consideration when deci- ding if the patient is ready to return to sport. MOTS CLÉS I KEYWORDS X Isocinétisme X Ligamentoplastie X Réhabilitation X Reprogrammation neuromusculaire X Isokinetics X Ligamentoplasty X Rehabilitation X Neuromuscular reprogramming Kinésithér Scient 2013;548:5-15 5 I l y a 20 ans, la rupture du ligament croisé anté- rieur (LCA) était vécue comme une véritable catastrophe par le sportif et son entourage. La technique chirurgicale « Kenneth Jones » était considérée comme le gold standard et la reprise sportive s’eff ectuait au bout d’un an. Depuis, il y a eu une banalisation de cette pathologie et la reprise sportive est passée de un an à 6 mois, quelle que soit la technique chirurgicale, le type de greff e ou de fi xation utilisé. De nombreux protocoles de rééducation plus ou moins agressifs sont apparus : – Shelbourne prônait l’isocinétisme à 6 semaines ! ; – Glasgow autorisait la reprise sportive à 3 mois ! Tout est allé de plus en plus vite (trop !) au détri- ment de la solidité du transplant entraînant des ruptures itératives et également des ruptures du LCA controlatéral. Lors du congrès SFTS de Toulouse en 2007, Schlat- terer répertoriait les études concernant les diff é- rents échecs de ligamentoplastie du LCA (Thomas (GB), en 2005 : 20 % d’échecs par an ; Stevenson (USA), en 1998 : 22 % chez les jeunes skieurs ; les études françaises notaient 20 % d’échecs ou de résultats incomplets). En 2011, Ardern et al. [1] notaient seulement 44 % de reprise du sport en compétition (5 570 ligamen- toplasties à 41 mois postopératoires). Ces résultats mitigés nous encouragent à proposer une réédu- cation et une réhabilitation après ligamentoplasie du LCA plus adaptée. BUTS ET PRINCIPES DE LA RÉHABILITATION Cette période de réhabilitation (reconditionne- ment), trop souvent sous-estimée, nécessite une prise en charge globale. Elle demande une intégrité articulaire, un équilibre musculaire ainsi qu’un par- fait contrôle neuro-sensitivo-moteur. Les deux grands axes de cette réhabilitation après ligamentoplastie du LCA sont : – optimiser la reprise pour espérer une reprise sportive au niveau antérieur ; – inclure des programmes de prévention dans notre réhabilitation afi n de prédire d’éventuelles récidives et d’éviter une rupture controlatérale. Cette réhabilitation débute aux alentours du 4e mois postopératoire et se termine vers les 7-8-9e... mois postopératoires. Reprise sportive après ligamentoplastie antérieure du genou Kinésithér Scient 2013;548:5-15 6 L’évolution s’eff ectue par étapes successives et les prises de décision sont collectives, dictées par des évaluations analytiques et fonctionnelles tout en tenant compte de l’impact psychologique de la reprise après ligamentoplastie. La décision de reprise du sport après ligamentoplastie est cor- rélée au niveau de réponse psychologique (ques- tionnaire de Webster, 2008). Cette réhabilitation intéresse tout type de patient, aussi bien le sportif compétiteur tout type que le sédentaire. Le but étant de retrouver son propre état antérieur, il est nécessaire d’individualiser notre prise en charge en fonction de l’âge, du sport pratiqué, du niveau du sportif (profession- nel, compétiteur, loisir), de la morphologie, du type d’intervention, des impératifs sportifs ou pro- fessionnels etc. La reprise sportive s’eff ectue en fonction de plu- sieurs indicateurs : – indicateurs médico-chirurgicaux : feu vert du chirurgien+++, et du médecin du sport++ en charge du suivi ; – indicateurs de niveau structurel : solidité, cicatri- sation ; – indicateurs biomédicaux (qui nous intéressent tout particulièrement) : – - niveaux de défi ciences : articulaire (goniométrie), musculaire (bilan isocinétique), fonctionnels (tests fonctionnels, scores COFRAS – IKDC, etc.) ; – indicateurs psycholoqiques (questionnaire de Webster). La réhabilitation doit respecter la ligamentisation du transplant et prendre en compte le detraining ou déconditionnement provoqué par l’arrêt spor- tif prolongé. Elle débutera après un bilan kinési- thérapique précis et visera à améliorer les qualités musculaires, la coordination neuromusculaire et la condition physique pour envisager une reprise du sport et de la compétition dans des conditions optimales. BILAN KINÉSITHÉRAPIQUE n Sexe Afi n d’éviter d’être nocif, nous devons adapter nos programmes en fonction du sexe. D’une manière générale, chez les femmes, on observe [2] : – une insuffi sance musculaire par rapport aux hommes ; – un valgus dynamique du genou plus important ; – une hyperlaxité plus importante, notamment en rotation tibiale ; – un contrôle sensitivo moteur inférieur à celui des hommes [3] ; – une fatigabilité neuromusculaire plus rapide que chez l’homme, entraînant une moins bonne pro- tection du genou, notamment lors de réception de saut. n Âge Les ruptures du LCA apparaissent de plus en plus jeunes. Les techniques chirurgicales peuvent être diff érentes en fonction de la maturation osseuse. n Bilan clinique • Taille, IMC, masse grasse, genou sec, tendinopa- thies, aff ections osseuses, etc. n Sport pratiqué • Pivot-contact, pivot non contact, niveau sportif, nombre d’heures d’entraînement hebdomadaire, calendrier des compétitions, etc. n Antécédents traumatiques Une simple limitation de fl exion dorsale de che- ville augmente les risques de tendinopathies patellaires [4]. Il en est de même pour un défi cit d’amplitude de hanche ou de genou. n Dossier médical La lecture du compte rendu opératoire nous renseigne sur d’éventuelles lésions associées : osseuses, cartilagineuses, méniscales (méniscec- tomie, sutures méniscales), ligamentaires, etc. n Bilan articulaire Il concerne toutes les articulations des deux membres inférieurs : hanches, genoux, chevilles, pieds. Kinésithér Scient 2013;548:5-15 7 n Troubles de la statique • Pieds varus, valgus, genou varus-valgus, aligne- ment des membres inférieurs. n Bilan musculaire Afin de commencer la phase de réhabilitation, il est nécessaire d’effectuer une évaluation musculaire analytique des quadriceps (Q) et des ischio-jam- biers (IJ) sous forme de bilan isocinétique (fig. 1). Nous l’effectuons en concentrique à 4 mois, 5 mois et demi et 7 mois. Nous analysons la force muscu- laire, le travail et la puissance des muscles concer- nés, ainsi que le rapport IJ/Q. Un bilan isocinétique excentrique peut être réalisé à 4 mois sur le IJ et à 5 mois sur les Q. Nous pou- vons ainsi suivre parfaitement l’évolution muscu- laire dans les suites de ligamentoplasties aux IJ. Les abducteurs, rotateurs de hanche, ainsi que le gainage sont également évalués par nos tech- niques habituelles. n Bilan fonctionnel Il est réalisé grâce à un accéléromètre type Myotest®. Nous effectuons des sauts verticaux bipodaux (squat jump, CMJ, stiffness) et nous mesurons la force, la vitesse, la puissance et la hauteur de chaque saut. Des sauts unipodaux sont également testés (éva- lués) aux alentour du 6e mois : – le saut réactivité unipodale genou libre permet d’analyser le freinage excentrique lors des chan- gements de direction ; – le saut réactivité unipodale genou tendu appré- hende la réactivité du membre inférieur et la rai- deur active. RÉHABILITATION Elle peut débuter à l’issue du 4e mois postopéra- toire, si le bilan le permet : examen clinique (genou sec, indolore, peu ou pas de limitation articulaire), bilan isocinétique+++, tests fonctionnels (sauts bipodaux : squat jump, CMJ, stiffness). Nous ne débutons la phase de réhabilitation que si le déficit quadricipital est inférieur à 35 %. Dans le cas où le déficit est supérieur à 35 %, nous continuons la rééducation+++ en privilégiant le ren- forcement musculaire des membres inférieurs. Dans cette phase de réhabilitation, 5 éléments indissociables sont à travailler tout en contrôlant la fatigue : – la reprise de la course ; – le travail du pied ; – le renforcement musculaire ; – la reprogrammation neuro-sensitivo-motrice ; – la sollicitation cardio-vasculaire. n Reprise de la course Elle commence au cabinet sur le tapis roulant (fig. 2) avec des uploads/Management/ ks548p05.pdf
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- Publié le Oct 18, 2022
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