Conseil scientifique de l’éducation nationale L’ENSEIGNEMENT EXPLICITE : © Mari

Conseil scientifique de l’éducation nationale L’ENSEIGNEMENT EXPLICITE : © Marie Genel / MENJS Texte rédigé par Pascal Bressoux, professeur à l’université Grenoble Alpes DE QUOI S’AGIT-IL, POURQUOI ÇA MARCHE ET DANS QUELLES CONDITIONS ? Synthèse de la recherche et recommandations L’enseignement explicite : de quoi s’agit-il, pourquoi ça marche et dans quelles conditions — CSEN, juin 2022 3 Résumé L’enseignement explicite est souvent mal compris, voire décrié. Il n’a pourtant rien d’un enseignement traditionnel. Il s’agit d’un enseignement structuré, où l’activité de l’en- seignant – essentielle – a pour but de favoriser, par des explications claires, des démons- trations et une pratique guidée, un engagement actif des élèves et une meilleure com- préhension de l’objet d’apprentissage. Nombre de recherches scientifiques ont montré l’efficacité d’un enseignement explicite dans l’apprentissage de nouvelles notions, auprès de publics variés et sur des contenus variés. L’enseignement explicite peut également porter sur l’appren­ tissage de stratégies pour réaliser des tâches faiblement structurées (complexes), de même que sur des stratégies générales telles qu’apprendre à planifier, diriger, évaluer son propre travail et favoriser ainsi la métacognition et l’autorégulation des élèves. En somme, l’enseignement explicite a toute sa place dans le répertoire des modalités d’action des ­ enseignantsa. a Texte rédigé par Pascal Bressoux, professeur de sciences de l’éducation à l’université Grenoble Alpes avec les contributions de Liliane Sprenger-Charolles, Marie Bocquillon et Marc Demeuse. L’enseignement explicite : de quoi s’agit-il, pourquoi ça marche et dans quelles conditions — CSEN, juin 2022 4 Sommaire Résumé....................................................................................................... 3 Introduction.............................................................................................. 5 1. Ce que l’enseignement explicite n’est pas . .................................... 6 2. Les fondamentaux de l’enseignement explicite............................ 7 Une conception active du rôle de l’enseignant. .....................................................................7 Une réflexion sur le contenu à enseigner et son découpage (analyse de l’activité). .......7 Une manière de structurer les séances d’enseignement. .....................................................8 3. Tâches structurées et tâches faiblement structurées. ................. 9 4. Un exemple : l’acquisition du raisonnement scientifique............ 11 5. Les travaux scientifiques rapportent de nombreuses preuves de l’efficacité de l’enseignement explicite....................................... 12 6. Ne doit-on enseigner explicitement que des contenus disciplinaires ?......................................................................................... 13 7. Dans quels cas utiliser l’enseignement explicite ?......................... 13 8. Conclusion............................................................................................ 14 Ce qu’il faut retenir.................................................................................. 15 Pour aller plus loin.................................................................................... 15 Bibliographie. ............................................................................................. 16 L’enseignement explicite : de quoi s’agit-il, pourquoi ça marche et dans quelles conditions — CSEN, juin 2022 5 Introduction L’enseignement explicite est né de la recherche sur l’efficacité de l’enseignement. Ce n’est donc pas une méthode imaginée a priori, ou déduite d’une théorie. C’est la synthèse d’un grand nombre d’observations et d’expérimentations qui ont porté au jour des facteurs associés à une meilleure réussite des élèves et qui ont été organisés en un ensemble cohérent de pratiques (Rosenshine, 2009)1. Cela ne signifie pas pour autant que cet enseignement ne bénéficie d’aucun soutien théorique. Au contraire, nombre d’éléments associés à un enseignement explicite ont trouvé une justification, notamment en lien avec l’architecture cognitive humaine (rôle des mémoires de travail et à long terme, fonctionnement de l’attention, nécessité d’un engagement actif, rôle de la consolidation des apprentissages, etc.). Pour l’essentiel, « l’enseignement explicite se caractérise par une série de soutiens ou d’étayages, par lesquels les élèves sont guidés tout au long du processus d’apprentissage, au moyen d’énoncés clairs sur l’objectif et les raisons d’apprendre la nouvelle compétence, d’explications claires et de démonstrations de l’objet à acquérir, ainsi que d’une pratique guidée par des feed-back jusqu’à ce qu’une maîtrise autonome soit atteinte. » (Archer & Hughes, 2011, p. 1)2. L’enseignement explicite ne constitue pas un modèle unique et rigide mais plutôt un agencement de pratiques pédagogiques qui reposent sur des principes communs structurant la conception et le suivi des séances (Hughes et al., 2017)3 : fournir des objectifs clairs ; segmenter les compétences complexes ; procéder par étapes précises, chacune devant être maîtrisée avant de passer à la suivante ; fournir aux élèves des descriptions et démonstrations claires des notions à acquérir grâce au modelage et à la réflexion à voix haute ; promouvoir l’engagement actif des élèves par de nombreuses sollicitations ; multiplier les occasions pour les élèves d’échanger avec l’enseignant et de recevoir des feed-back ; faire pratiquer les notions ciblées de façon intense et répétée ; etcb. Plusieurs approches pédagogiques ont été élaborées qui suivent ces principes, aussi la termi- nologie utilisée pour les décrire varie-t-elle et peut-elle parfois prêter à confusion. L’expression « enseignement explicite » est souvent associée à celle de « approche instructionniste », à celle de « enseignement direct » ou encore à celle de « Enseignement Direct » (avec des majuscules). Dans ce dernier cas, l’expression renvoie au programme DISTAR initié par Engelman et qui a connu par la suite plusieurs évolutions (Engelman & Carnine, 1991)4. Ce programme partage les principes de l’enseignement explicite ; il y associe toutefois son propre curriculum avec un matériel dédiéc. Le programme Success for all est lui aussi souvent associé à un enseignement explicite (Bocquillon, Gauthier, Bissonnette & Derobertmasure, 2020)5, avec un accent particulier porté sur l’appren­ tissage coopératif. b Il ne suffit donc pas d’améliorer l’explicitation des consignes pour faire de l’enseignement explicite. c Aux Etats-Unis (et dans de nombreux autres pays), il n’y a pas de curriculum national mais plutôt des curricula par état ou par région, qui donnent des principes directeurs qui se déclinent ensuite au niveau local (autorités locales, écoles) et donnent donc la possibilité de mettre en place des curricula spécifiques. Evidemment, cela n’arrive pas dans les pays à curriculum national comme la France. L’enseignement explicite : de quoi s’agit-il, pourquoi ça marche et dans quelles conditions — CSEN, juin 2022 6 1. Ce que l’enseignement explicite n’est pas Afin de définir au mieux ce qu’est l’enseignement explicite, il convient au préalable d’en délimiter les contours en déterminant ce qu’il n’est pas, et ainsi évacuer les confusions et les représentations erronées, fréquentes, autour de ce terme. L’enseignement explicite n’est pas un enseignement « traditionnel »d ou magistral, il n’est pas frontal et il ne conduit pas à un apprentissage passif des élèves. Il n’est pas « traditionnel » ou magistral dans le sens où il n’est pas axé sur la transmission sous la forme d’un monologue de l’enseignant (Gauthier, Bissonnette & Richard, 2013)6. Il n’y a guère que dans l’enseignement supérieur que l’on retrouve cette modalité d’enseignement, qui peut en effet être qualifiée de « traditionnelle » dans les amphithéâtres de nos universités. S’il y a bien, dans l’enseignement explicite, une part assumée de transmission de contenu, au sens d’un enseignement direct, d’une part, cela ne représente qu’une faible fraction du temps d’une séance d’enseignement et, d’autre part, l’enseignant dédie une grande partie de son activité à la vérification de la compréhension chez les élèves, ce qui implique qu’il engage de nombreux échanges avec eux. De plus, l’enseignement explicite n’est pas frontal dans la mesure où il s’accorde de toutes les formes « modernes » d’organisation et de gestion de la classe, qu’il s’agisse de travail en groupe ou dyade, de travail collaboratif, etc. Nulle injonction, donc, à un format figé où l’enseignant enseignerait seul face à la classe tout entière. Enfin, l’enseignement explicite n’entraîne pas une conception passive du rôle des élèves. Comme le rappellent Martella, Klahr et Li (2020), « une erreur d’interprétation fréquente est que l’apprentissage actif est antagonique avec un enseignement direct, sous l’hypothèse que l’enseignement direct s’appliquerait uniquement à une méthode magistrale et serait entièrement fondé sur l’enseignant » (p. 1 583)7. Tout au contraire, l’enseignement explicite est focalisé sur un engagement actife des élèves dans leurs apprentissages. En effet, l’enseignant sollicite en permanence leur participation et leur réflexion, les questionne, les incite à générer des hypothèses, leur adresse des feed-back appropriés de manière à leur faire réviser leur propre compréhension de l’objet d’apprentissage. Surtout, l’enseignement explicite suppose une pratique intense des notions à acquérir de la part des élèves. Chaque séance est ainsi majoritairement consacrée à la pratique active par les élèves de la notion à acquérir. L’enseignement explicite a parfois été qualifié d’approche « centrée sur l’enseignant » tandis que d’autres approches, qui revendiquent davantage la découverte et la construction par les élèves de leurs propres connaissances, seraient quant à elles « centrées sur les élèves ». En réalité, ces étiquettes ont été forgées par les tenants de ces dernières approches pour les mettre en valeur (« notre approche se préoccupe des élèves ») au détriment d’autres qui, elles, seraient censées reflé- ter le bon-vouloir, la rigidité et la toute-puissance de l’enseignant. Cela n’a toutefois pas grand-chose à voir avec la réalité de ce qui se passe en classe. Archer et Hughes (2011) défendent au contraire l’idée qu’enseigner explicitement c’est bel et bien être « centré sur les élèves » parce que l’enseignant fonde ses décisions sur leurs besoins et sur leur progression dans la maîtrise du contenu à acquérir, décisions elles-mêmes éclairées par les connaissances sur la façon dont les élèves apprennent et sur les habiletés qu’ils ont besoin d’acquérir pour progresser dans la maîtrise d’une compétence. Cela n’a rien à voir avec une adhésion rigide à des techniques « centrées sur l’enseignant uploads/Management/ l-x27-enseignement-explicite-juin2022.pdf

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  • Publié le Jan 18, 2022
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