L’OBSERVATION DU NON-VERBAL EN CLASSE DE LANGUE Je commence cet article par un

L’OBSERVATION DU NON-VERBAL EN CLASSE DE LANGUE Je commence cet article par un témoignage récurrent des stagiaires face à leur image vidéoscopée : «j’ai fait trop de gestes». Curieusement, de la part des formateurs, on entend souvent le commentaire «vous avez fait trop de gestes» ou «vous n’avez pas fait assez de gestes». Ni les uns ni les autres ne possèdent la plupart du temps des moyens pour analyser le non-verbal et, pourtant, tout le monde se considère compétent pour émettre des jugements de valeur qui laissent entrevoir des règles sous-jacentes à son utilisation. Il existe en conséquence un problème à résoudre et la prise en compte du non-verbal semble un passage obligatoire de l’observation d’une classe. Ce passage semble d’ailleurs s’imposer si l’on s’appuie sur des recherches qui visent à dégager les rôles des différentes dimensions de la communication, comme celles de A. Mehrabian (1972) qui propose pour l'analyse de celle-ci une «formule» remettant en cause bien des pratiques des enseignants ou encore la formation des enseignants elle- même. Ainsi, à son avis 7% de la signification passerait par le canal verbal, 38% passerait par le canal vocal et 55% par le non verbal. Evidemment, la communication étant un processus global 1, il semble difficile et même paradoxal de vouloir établir quantitativement le poids de chaque canal. La proportion doit notamment changer avec les personnes, leurs habitudes, leurs cultures, leurs âges, leurs classes sociales, bref le contexte. Pourtant, il semble relativement consensuel que le non-verbal joue un rôle plus important que celui qui lui est généralement attribué et ceci ne peut avoir que des retombées considérables dans la relation pédagogique. 1 P. Watzlawick, 1972 et d’autres chercheurs de Palo Alto postulent que «tout comportement est communication» et que celle-ci est un processus «total» ou «orchestral» . Ceci étant, il se révèle difficile de déterminer de quelle façon interviennent les différents canaux. Ainsi, si on se réfère aux travaux de C.Gooddwin, le non-verbal ferait non seulement partie du système d'allocation des tours de parole, mais il intégrerait même la structure interne de l’énoncé. C.Goodwin montre, par exemple, que le locuteur n'achève généralement pas son énoncé avant d'avoir obtenu le regard de son auditeur. Il ajoute qu'une fois le regard assuré, le locuteur produit généralement une phrase «cohérente». Le regard serait ainsi un élément de structuration de l'énoncé. Pour éviter les pièges de la normativité, il s’impose de proposer des outils de description qui aident à la compréhension de la situation pédagogique. Et il semble nécessaire, tout d’abord, que l’on essaie de définir l’angle d’observation que l’on est en train de développer. En effet, de quoi parle-t-on quand on parle du non-verbal ? La définition que je propose découle directement de l’observation formative. La désignation par la négative, qui est d'ailleurs la seule désignation reconnue avec un caractère suffisamment englobant, marque une hiérarchisation et une secondarisation de ce mode de communication par rapport à la communication verbale. Mais comme les autres désignations proposées «proxémie», «kinésie», «gestuelle», «mimo-gestualité», ou même «paraverbal» ne désignent, que des parties d'un tout qui est le phénomène de la communication, notamment de la communication en classe de FLE, il me semble nécesssaire de retenir cette désignation qui recouvre la proxémie (l’espace, l’utilisation que l’enseignant et les apprenants font de l’espace, les distances et les déplacements dans cet espace), le temps, la kinésie (les orientations du corps, les postures, les gestes, les mimiques, les regards, les sourires, les «singularités somatiques naturelles ou artificielles») 2. J’ajoute à la définition ci-dessus «les indices ayant valeur de communication qui ne manquent jamais dans tout contexte qui est le théâtre d'une interaction» (Watzlawick, 1972 : 60). Ces indices peuvent relever du contexte défini au sens large, à savoir l'histoire de l'individu, et du sens restreint, c'est-à-dire, la situation de la prise de parole, dans un temps et un lieu déterminés. Pour une raison qui découle des difficultés d’observation, je n’inclus pas dans l’ angle retenu tout ce qui relève du paraverbal, à savoir la voix, les qualités de celle-ci, le débit, le rythme qui font l’objet d’autres types de recherches. 2 Cf. la définition de communication non verbale donnée par J.Corraze (1980 : 13) : «on applique le terme de communication non verbale à des gestes, à des postures, à des orientations du corps, à des singularités somatiques, naturelles ou artificielles, voire à des organisations d'objets, à des rapports de distance entre les individus, grâce auxquels une information est émise». L’observation du non-verbal me semble un passage pour développer la compétence communicative de l’enseignant, dimension qui intègre sa compétence technique et professionnelle. I. UN PANORAMA SUR LA RECHERCHE Etant donné le nombre de recherches menées sur le non-verbal, j’ai du procéder à un choix et je ne présenterai que des travaux qui me semblent avoir des implications sur la communication en classe. I. 1. DE LA PRODUCTION À L’INTERACTION Le rôle du non-verbal dans une perspective d'apprentissage en relation avec l'efficacité de la communication est souligné par Quintilien qui met en relief une dimension du geste qui pourrait être désignée comme «pragmatique» («demander, promettre, appeler, congédier»), une dimension d'expression des sentiments («traduire l'horreur, la crainte, l'indignation, la négation, la joie»), une dimension «discursive» (en proposant les gestes qui doivent accompagner chaque partie du discours) et encore une dimension plutôt «déictique» («Pour désigner les lieux et les personnes,(les mains) ne tiennent-elles pas lieu d'adverbes et de pronoms?» ( Quintilien : 246). Par ailleurs, Quintilien met en évidence l'importance des comportements vestimentaires dans la crédibilité de l'orateur. Si on avance dans le temps et, si on se situe dans le courant des années 60, on constate que la recherche sur le non-verbal a subi une diversification tant au niveau des objectifs, qu'au niveau des méthodes ou des supports utilisés. Parallèlement aux recherches qui s'intéressent à la nature du geste, en termes de détermination génétique ou sociale, se développent des recherches qui mettent l'accent sur la communication non verbale dans le sens de dégager le rôle de la mimique et des gestes dans le processus de la communication. Ainsi les relations entre le verbal et le non-verbal ou le rôle du non- verbal dans les relations interpersonnelles comme moyen de régulation font l'objet de plusieurs recherches. Par ailleurs, on assiste ces derniers temps à un changement d'acteur/objet de recherche par rapport au passé. Aujourd'hui l'accent est plutôt mis sur la réception et sur l’interaction, étant donné que les comportements suscitent des réactions, des émotions, des effets sur les autres. La communication nous permet d'agir sur les autres, les comportements des autres étant le miroir de notre propre comportement. Analyser les effets interactifs, plutôt que dégager les émotions intimes voilà donc des objectifs que la recherche se propose d'atteindre et qui m’intéressent particulièrement dans le cadre de l’observation des classes. Les études présentées par la suite s'inscrivent dans les axes de la recherche annoncés. Je commence donc cette présentation par l'un des courants qui s'est intéressé à regarder la communication dans une perspective interpersonnelle et systémique : Le Collège Invisible3. Cette expression recouvre des chercheurs de l'Ecole de Palo Alto et de l'Université de Philadelphie qui développent une conception multicanale de la communication postulant que «tout comportement a la valeur de message, c’est-à-dire qu’il est une communication» (Watzlawick, 1972 : 46) et provoque des effets sur les autres. Cette conception de la communication est par conséquent proche de celle d'interaction définie à la suite des travaux de E. Goffman comme «l'influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives lorsqu'ils sont en présence physique immédiate les uns des autres». (Goffman, 1973 : 23) La définition de la communication chez ces auteurs s'inscrit donc dans une conception systémique, comprenant la rétroaction, et une dimension pluricanale. En effet, la communication pour ces chercheurs est un processus social régi par des règles de comportement, ce comportement pouvant être la parole, l'organisation de l'espace, le geste, la posture, la mimique... Cette définition n'implique donc pas une opposition entre le verbal et le non- verbal. Comme le dit Y. Winkin les messages issus de la communication verbale ainsi que d'autres modes de communication n'ont de signification intrinsèque : ce n'est que dans le contexte de l'ensemble des modes de communication, en liaison au contexte de l'interaction, que la signification peut se construire (Winkin, 1981). 3 . L'École de Palo Alto réunissait, au début, autour de l'anthropologue G.Bateson des noms comme Don Jackon, psychiatre et psychanaliste et P.Watzlawick, psychiatre. A ces noms s'en sont ajoutés quelques autres de l'École de Philadelphie dont ceux de R.Birdwhistell, E.Goffman et A.Kendon. I.2. DES CONTRADICTIONS POSSIBLES ENTRE LE VERBAL ET LE NON VERBAL Etant donné ses retombées dans le contexte de la classe, il semble pertinent de référer l’axiome formulé par P.Watzawick et ses collègues : «Toute communication présente deux aspects : le contenu et la relation, tels que le second englobe le premier et par la suite est une métacommunication» (Watzlawik, 1972 : 52). Ainsi, quand deux individus sont en train de parler, ils transmettent une information, un contenu, mais en même temps, ils uploads/Management/ l-x27-observation-du-non-verbale.pdf

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  • Publié le Aoû 14, 2022
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