Recherches en éducation 28 | 2017 Penser la didactique pour la formation profes
Recherches en éducation 28 | 2017 Penser la didactique pour la formation professionnelle Le potentiel d’apprentissage des situations : une perspective pour la conception de formations en situations de travail Analysis and development of learning potential of work situations, a perspective of professional didactics Patrick Mayen et Charles-Antoine Gagneur Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/ree/6050 DOI : 10.4000/ree.6050 ISSN : 1954-3077 Éditeur Nantes Université Ce document vous est offert par Bibliothèque Interuniversitaire de Montpellier Référence électronique Patrick Mayen et Charles-Antoine Gagneur, « Le potentiel d’apprentissage des situations : une perspective pour la conception de formations en situations de travail », Recherches en éducation [En ligne], 28 | 2017, mis en ligne le 01 mars 2017, consulté le 25 mai 2022. URL : http:// journals.openedition.org/ree/6050 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ree.6050 Recherches en éducation est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. 70 Le potentiel d’apprentissage des situations : une perspective pour la conception de formations en situations de travail Patrick Mayen & Charles-Antoine Gagneur1 Résumé Cet article a pour but de développer la notion de potentiel d’apprentissage des situations de travail et de mettre en évidence un certain nombre de conditions et processus d’apprentissage comme instruments pour la conception de formations en situations de travail. Sur un plan plus large, il vise à replacer l’apprentissage comme intermédiaire entre travail et formation dans le cadre conceptuel et méthodologique de la didactique professionnelle. Ce texte a pour objectif de développer la notion de potentiel d’apprentissage des situations de travail dans la perspective de mise en place de formations en situations de travail. Les notions de situation potentielle de développement ou d’apprentissage (Mayen, 1999, 2014) ou de potentiel d’apprentissage et de développement des situations (Gagneur, 2010 ; Mayen & Gagneur, 2010) expriment l’idée selon laquelle on peut identifier un potentiel des situations de travail pour l’apprentissage et le développement d’une part, et qu’il est possible d’agir sur celles-ci pour accroitre et orienter leur potentiel, d’autre part. Pour pouvoir le faire, il est nécessaire de disposer d’un cadre de connaissances relatives aux conditions et aux processus d’apprentissage. En effet, identifier le potentiel d’apprentissage d’un environnement professionnel donné suppose de pouvoir rapporter les conditions de travail mais aussi les actions formatives, formelles ou non formelles qui s’y pratiquent, aux activités porteuses d’apprentissage qu’elles peuvent susciter chez des personnes dont le développement des compétences est visé. Par exemple, dans un atelier d’entretien et de réparation automobile, le travail est distribué aux membres de l’équipe selon leur niveau de compétence estimé par l’encadrement : les pannes et interventions complexes sont ainsi confiées aux plus compétents : ceux-ci peuvent donc découvrir des systèmes techniques nouveaux, plus complexes, entretenir ainsi leur connaissance de ceux-ci. Ils fréquentent souvent la variabilité et la complexité des situations. Ils ont à rencontrer des problèmes, donc à exercer des activités de diagnostic complexe, à rechercher des informations, à poser des hypothèses, à les mettre à l’épreuve. Ils entretiennent et développent leur répertoire de cas, ils peuvent comparer les cas. La répétition des occasions d’exercer leurs capacités de raisonnement à un haut niveau, exigeant de raisonner selon un régime analytique ou conceptuel. À l’inverse, les autres membres de l’équipe ont à réaliser des tâches dont ils maîtrisent la réalisation, qui se situent toujours au niveau de ce qu’ils savent déjà faire. Leurs connaissances des systèmes complexes ne sont plus toujours sollicitées et celles-ci peuvent rapidement devenir obsolètes. En outre, les capacités de raisonner et d’intervenir sur les systèmes ou les problèmes et interventions complexes, peuvent se dégrader. Les activités perceptivo-motrices (leurs habiletés effectrices) mais aussi les activités cognitives, sont faiblement sollicitées. Les répertoires de cas connus sont anciens ou se réduisent. Ici, le potentiel d’apprentissage est limité par une pratique de conduite d’équipe de travail, elle-même engendrée par une contrainte de productivité et de service rapide rendu aux clients. Dans un autre atelier automobile, à l’inverse, la distribution du travail vise aussi l’entretien et le développement des compétences de chaque membre de l’équipe. On peut alors aussi observer 1 Patrick Mayen, professeur & Charles-Antoine Gagneur, chercheur associé, Unité Propre de recherche Développement Professionnel et Formation (DPF), Agrosup Dijon Université de Bourgogne-Franche-Comté. de travail ! Recherches en Éducation - n°28 - Mars 2017 71 des regroupements lors de pannes « complexes » afin de résoudre ensemble le problème, ou lorsqu’un nouveau modèle et de nouvelles technologies sortent. Alain Savoyant rappelle que l’une des questions les plus importantes pour un formateur est la suivante : « quelle activité la situation et l’action du formateur suscitent-elles chez l’apprenant ? » Par « activité », on entend ici les formes d’activité susceptibles d’engendrer des apprentissages de qualité, autrement dit, engageant et soutenant la construction et le développement de formes d’action, de compréhension, de raisonnement, de pensée. En termes de conception de formation, disposer d’un répertoire de facteurs associant conditions pouvant susciter des activités apprenantes et formes d’activités engagées dans les processus d’apprentissage doit donc permettre de pouvoir développer les capacités d’analyse du potentiel d’apprentissage du travail d’une part, et d’autre part les capacités de conception d’agencements formatifs utilisant les conditions du travail et les aménagements nécessaires pour les rendre formatives ou plus formatives. 1. Les formations en situations de travail, un enjeu de didactique professionnelle L’idée de formation en situations de travail n’est pas nouvelle, notamment, dans l’acception classique du compagnonnage pour laquelle un nouveau professionnel apprend avec et par la fréquentation d’un plus expérimenté qui a pour mission de l’aider à apprendre le métier, ou encore avec des notions comme celles de formation intégrée au travail ou intégrée dans l’entreprise qui ont connu leur développement dans les années 1990. Mais l’actualité juridique de la formation, en France, à travers la loi de 2014 sur la formation professionnelle, offre de nouvelles perspectives à cette idée ancienne. En effet, elle ouvre la voie à la reconnaissance, comme action de formation au sens juridique du terme, de formations en situation de travail (FEST). Depuis 2015, une expérimentation nationale est mise en place qui a « pour ambition d’affiner le repérage des critères et caractéristiques pertinentes qui conditionnent l’efficacité de ces formations » (Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle, 2015, p.1). La formation en situations de travail n’est pas équivalente à la formation sur le tas. Elle suppose la mise en place de conditions propres à exploiter et développer le potentiel d’apprentissage du travail, ou, comme le souligne encore le document cité : « à rendre le travail formateur ». Il s’agit donc bien de conception de formations, intentionnelles, organisées et encadrées dont la spécificité est de se réaliser en situations de travail et, pourrait-on dire, par les situations et par l’activité avec les situations. Autrement dit, ce sont des formations qu’on peut qualifier de formelles : elles sont formellement organisées pour compenser le caractère aléatoire des formations sur le tas ou de l’apprentissage sur le tas. Ce qui sous-entend que si le travail peut être formateur, il n’est pas « naturellement » ni systématiquement formateur (Mayen, 2013, 2014). Le texte précisant l’expérimentation insiste aussi sur les « adaptations nécessaires » de l’organisation et du management. Il ne s’agit pas seulement de développer des actions de formation en situation, mais aussi d’adapter les situations de travail, pour les rendre apprenantes. « En termes d’ingénierie, le montage de dispositifs dédiés aux formations en situations de travail (experiential learning) est exigeant. Ces dispositifs ne sont en effet pas réductibles aux formations dites “sur le tas” (learning by doing / informal on-the-job training) lesquelles ressortissent surtout à la valorisation d’une expérience professionnelle (work experience) et à des apprentissages incidents. Leur montage nécessite que la formation soit considérée par l’entreprise comme un enjeu, que cette dernière – ayant développé une capacité à évaluer ses besoins – ait considéré que la formation en situations de travail constitue un moyen utile de les satisfaire, qu’elle ait les moyens d’adapter son organisation productive en conséquence. Ces dispositifs très spécifiques sont en effet ancrés à la fois sur le travail et sur son organisation ; ils c'est pareil pour la formation Recherches en Éducation - n°28 - Mars 2017 72 nécessitent une prise en charge managériale et des aménagements organisationnels parfois importants » (p.6). Les intentions de la loi convergent avec les intentions et les possibilités offertes par la didactique professionnelle. La didactique professionnelle pour les formations en situations de travail pourrait ainsi être redéfinie comme « l’analyse du travail pour rendre le travail formateur ». Toutefois, pour pouvoir mener à bien l’analyse du potentiel du travail et des situations de travail pour l’apprentissage puis aménager les conditions du travail afin de le rendre formateur, il est nécessaire de revenir sur ce que sont des conditions et des processus d’apprentissage de manière générale d’une part, et, de manière plus spécifique, d’apprentissage du travail par l’activité en situations de travail, d’autre part. Sans repères éprouvés sur les conditions et les processus d’apprentissage, il est à peu près impossible d’identifier le potentiel formatif de situations de travail, uploads/Management/ le-potentiel-d-x27-apprentissage-des-situation-mayen-gangneur-2017.pdf
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- Publié le Dec 20, 2021
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