Management environnemental et stratégie environnementale des entreprises VINCEN
Management environnemental et stratégie environnementale des entreprises VINCENT PLAUCHU 2010 Introduction générale Pour bien situer l’intérêt et l’actualité de ce cours, rappelons très synthétiquement les principaux problèmes qui découlent d’un certain type de relations entre l’homme et son environnement naturel : L ’homme gaspille et épuise les ressources naturelles non renouvelables et en particulier le pétrole dont la fin est annoncée. (Que l’échéance soit de 20, 40 ou 60 ans importe peu : nos sociétés en seront profondément déstabilisées). L ’homme prélève souvent plus que le flux annuel des ressources renouvelables (forêt, ressources halieutiques…) et il prélève donc dans le stock au risque de tuer la poule aux œufs d’or. L ’homme perturbe gravement les écosystèmes par ses interventions : barrages, routes, villes, « assainissement »… au point qu’il finit par faire disparaître des espèces vivantes et ainsi réduire irréversiblement la biodiversité. L ’homme accumule des montagnes de déchets. Il rejette dans l’air des quantités industrielles d’acides provoquant des pluies acides, il rejette dans l’eau de nombreux polluants au point que beaucoup de nappes phréatiques sont polluées. Pire, il laisse s’échapper dans l’environnement et se diffuser globalement des métaux lourds, des polluants organiques persistants, des dizaines de milliers de produits chimiques dont il ne connaît même pas les conséquences à terme sur l’environnement. D’ores et déjà plusieurs pesticides sont suffisamment diffus pour perturber les systèmes hormonaux et la reproduction d’animaux supérieurs. L ’homme enfin en est arrivé à perturber les équilibres fondamentaux de la biosphère, provoquant un élargissement du trou dans la couche d’ozone et un réchauffement de la planète par émission massive de gaz à effet de serre provoquant un dérèglement climatique aux conséquences incalculables. Vincent Plauchu Le tableau est très noir, mais il n’est pas exhaustif. De nombreux autres problèmes pourraient être évoqués comme l’accumulation de déchets nucléaires extrêmement nocifs et ayant des durées de vie de plus de 100 000 ans, la pollution visuelle qui nous empêche dorénavant de contempler la voie lactée et bientôt les étoiles filantes, la généralisation du bruit, la prolifération anarchique des ondes radio, les milliers de déchets mis sur orbite par les différents Spoutniks et autres Navettes spatiales, sans parler non plus des nouveaux virus ni des OGM. Bref, nous n’avons rappelé que quelques-uns des problèmes. Il ressort de ce tableau que le type de croissance économique mis en œuvre depuis deux siècles ne peut plus durer : il nous emmène dans le mur. Une réorientation radicale de l’activité économique doit être inventée par l’humanité, ce qui implique une réorientation des pratiques de tous les acteurs : consommateurs, associations, collectivités locales, universités et centres de recherche, États, organisations internationales, … et bien sûr, et surtout, des entreprises. « Il y a le feu à la planète ». Cette expression n’est pas exagérée. Elle indique tout à la fois la gravité du problème, l’importance de l’enjeu et l’urgence du changement d’orientation nécessaire. Nous avons dix ans pour une réorientation radicale de l’économie nous permettant de passer d’une croissance prédatrice et polluante à un mode de développement durable. L ’objet de cet ouvrage est précisément de s’interroger sur les stratégies de développement durable (dans sa dimension environnementale) que vont pouvoir/devoir mettre en œuvre les entreprises, et sur les méthodes et outils du management environnemental dont elles disposent. De nombreux ouvrages traitent du développement durable, mais comme ils traitent de ses trois dimensions (économique, sociale, et environnementale) et souvent également de bonne gouvernance, ils approfondissent généralement peu la dimension environnementale. Notre propos est de nous limiter délibérément à la dimension environnementale du développement durable pour pouvoir approfondir suffisamment cette dimension. De plus nous nous limitons ici à ce qui concerne l’entreprise. Pour cela, nous procéderons en quatre temps : – Dans un premier chapitre, nous montrerons que si la prise en compte de l’environnement par les entreprises est de plus en plus une contrainte, elle est aussi une véritable opportunité. – Dans un deuxième, nous examinerons les méthodes et outils du management environnemental d’ores et déjà disponibles. 6 Introduction générale – Dans un troisième chapitre, nous verrons ce qu’il en est de la comptabilité environnementale, de l’audit environnement, des indicateurs de performance environnementale et du rapport environnement ; – Enfin dans un dernier chapitre nous examinerons les stratégies environnementales des entreprises, tant théoriquement que par l’analyse de quelques pratiques. 7 CHAPITRE 1 _____________________ L ’environnement : contrainte ou opportunité ? L ’objet de ce chapitre est de montrer que, si la prise en compte de l’environnement naturel par l’entreprise est d’abord perçue comme une contrainte, il s’avère en fait que c’est aussi une véritable opportunité. 1. L ’ENVIRONNEMENT CONSIDÉRÉ COMME UNE CONTRAINTE Pour beaucoup d’entreprises, la prise en compte de l’environnement est une contrainte qui s’impose à elles de l’extérieur et qu’elles subissent passivement. Un nombre encore très important d’industriels ont vis-à-vis de l’environnement une attitude très négative, considérant les écologistes comme des ennemis de l’entreprise, les taxes comme des prélèvements indus, et les réglementations comme abusives. Cette contrainte peut provenir de la pression sociale exercée par des consommateurs ou des citoyens isolés ou organisés, voire de « l’opinion publique ». Elle peut provenir aussi des collectivités locales, premières concernées par les problèmes des déchets. La contrainte peut venir aussi des exigences formulées par une entreprise cliente ou donneuse d’ordre. Elle provient enfin d’obligations ou d’interdictions résultant de lois et de règlements. A. LA PRESSION SOCIALE La pression de la société pour que les entreprises tiennent compte de leur impact sur l’environnement est multiforme. Nous pouvons évoquer : Vincent Plauchu L ’action individuelle en justice de victimes d’un préjudice : consommateurs intoxiqués par un produit toxique, riverains subissant des nuisances plus ou moins intolérables… L ’action collective de riverains rejetant des nuisances futures liées à un projet d’investissement, ou luttant contre des nuisances présentes. Rappelons qu’en matière d’environnement, ce qui s’est passé à Minamata (au Japon) a eu un caractère fondateur : une mystérieuse maladie emportait les habitants de ce port, et l’on a fini par découvrir le pot aux roses en voyant que la mortalité frappait surtout les pêcheurs et les consommateurs de poisson (y compris les chats !) : une usine voisine rejetait en mer ses effluents pleins de mercure, lequel était absorbé par la faune aquatique tout au long de la chaîne alimentaire, et empoisonnait les poissons et ceux qui les mangeaient. Ce long et dur combat fut l’un des premiers d’une longue liste. La condamnation unanime de l’opinion publique à la suite d’accidents spectaculaires (Bhopal en Inde où l’explosion d’une usine d’engrais d’Union Carbide a fait des dizaines de milliers de victimes) ou de pollutions graves (SEVESO, en Italie, a eu beaucoup de retentissements en matière de réglementation des sites dangereux : sites classés dits « Seveso »). L ’indignation renouvelée de cette même opinion publique à chaque marée noire depuis l’Amoco Cadix jusqu’à l’Érika, est à la source, elle aussi, de durcissements de la réglementation. L ’action de groupes organisés, comme par exemple Greenpeace, qui engagent des actions médiatisées visant à protéger l’environnement et/ou à dénoncer de graves non respects de l’environ-nement. Citons le boycott (efficace) de Shell pour obtenir de cette firme qu’elle renonce à couler en mer du Nord une plate forme pétrolière en fin de vie et l’obliger à la ramener au port et à la démanteler en récupérant tous les éléments polluants. Au delà d’actions ponctuelles, citons des actions de longue haleine comme l’immense travail effectué sur des années par WWF pour élaborer et imposer une norme sérieuse d’exploitation durable des forêts. Bref, une prise de conscience des problèmes écologiques fait son chemin au sein des opinions publiques, et, à travers des formes d’actions variées, elle se traduit par une pression sociale croissante sur les entreprises pour qu’elles cessent de faire n’importe quoi et qu’elles adoptent des pratiques plus responsables (ou… moins irresponsables !). 10 1. – L’environnement : Contrainte ou opportunité ? B. LA PRESSION DES COLLECTIVITÉS LOCALES Elle concerne essentiellement les déchets, mais aussi les rejets (dans l’air et l’eau), et les nuisances (sonores, olfactives…). Concernant les déchets, il faut reconnaître que l’échéance 2002 de la loi sur les déchets de 1992 n’a pas été respectée : la loi de 1992 prévoyait que 10 ans plus tard il n’y aurait plus de mise en décharge que des déchets ultimes. En 2002, c’est loin d’être le cas et c’est dire que les collectivités locales doivent continuer à réaliser des infrastructures répondant aux exigences de la loi : Implanter les zones de stockage dans une zone compatible avec l’environnement et le cadre de vie local, mais surtout compatible avec la sauvegarde des eaux souterraines par un écran géologique naturel et/ou artificiel au fond du site et sur les flans de stockage. Maîtriser l’accès à ces installations de stockage par un point d’accès unique et contrôlé. Afin de maîtriser la collecte de déchets de tout type, les collectivités locales instaurent donc une pression sur les entreprises en matière de collecte sélective. À grands coups de uploads/Management/ managt-envir-nlle-vers-2010-version-polycopie.pdf
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- Publié le Dec 05, 2022
- Catégorie Management
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