L’ÉVOLUTION DES PROCESSUS DE CONTRÔLE DE GESTION DANS LE CONTEXTE POSTSOVIÉTIQU

L’ÉVOLUTION DES PROCESSUS DE CONTRÔLE DE GESTION DANS LE CONTEXTE POSTSOVIÉTIQUE DE TRANSITION ÉCONOMIQUE Irina PALADI Centre d'Études et de Recherches sur les Organisations et la Stratégie (CEROS) Université Paris Nanterre (France) Pierre FENIES Université Paris Nanterre (France) RÉSUMÉ : Ce papier retrace l'évolution du contrôle de gestion dans un contexte de transition. Une étude de cas longitudinale sur une ancienne entreprise soviétique d'État (perspective historique) permet d'évaluer les principales caractéristiques des processus de contrôle de gestion dans le cadre du système économique centralisé et les transformations induites par la transition vers l'économie de marché. La description de l’étude de cas est organisée autour du processus de contrôle de gestion, en analysant ses acteurs, ses outils et sa structure dans les différents intervalles de temps (époque soviétique et périodes de transition). Mots clés : processus de contrôle de gestion, parties prenantes. INTRODUCTION Les anciennes républiques soviétiques partagent un passé de pratiques communes dans le domaine économique et social. Alexander and Ghedrovici (2013) montrent que l’analyse de la situation dans un pays anciennement soviétique permet d’envisager l’extrapolation des résultats et contribue à la compréhension des situations passées et actuelles dans les autres républiques. Nous bâtissons notre réflexion à l’aide d’un ensemble de constats qui sont nourris par l’expérience des auteurs du papier qui travaillent et ont travaillé dans le contexte de la banque d’affaires au contact d’entreprises opérant en Moldavie. Pendant la période soviétique, des processus de contrôle de gestion identiques existaient dans toutes les entreprises et le contexte de la divergence des processus est apparue chemin faisant au milieu des années 1990. La transition actuelle constitue ainsi une époque de reconstruction et de consolidation d’un contrôle de gestion « passerelle » entre des processus issus de l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et ceux issues du monde occidental. Sous la férule soviétique, l’économie est gérée comme une « énorme multinationale », l’activité des entreprises étant dirigée à l’aide de processus de planification (plan central) et de reporting d’écart. Les processus de contrôle sont les mêmes quelque soit le secteur, l’entreprise, la république soviétique. Après 1991, les entreprises autrefois soviétiques sont amenées à continuer leur vie économique ; le contexte évolue, les processus de contrôle de gestion aussi. Notre objectif de recherche cherche à retracer la trajectoire du processus contrôle de gestion dans une entreprise anciennement soviétique en contexte de transition du système économique planifié vers l’économie de marché. Le cadre théorique mobilisé vise ainsi à expliquer cette évolution au travers d’une approche couplant théorie des parties prenantes et approche institutionnelle. Les deux théories permettent de prendre en compte l’environnement micro, notamment les routines des entreprises en terme de contrôle (l’ancien institutionnalisme économique) et l’environnement macro, se concentrant sur les pressions des parties prenantes. Le papier est structuré de la manière suivante : le contexte des pays de l’Europe Centrale et Orientale (PECO) ex-communistes et une revue de la littérature empirique en contrôle de gestion dans ces pays est réalisée dans la section suivante. La section 2 présente le cadre théorique mobilisé et le design de la recherche. La troisième section retrace à l’aide d’une étude de cas longitudinale l’évolution du processus de contrôle dans une organisation ayant traversée la période soviétique. Nous discutons ensuite les résultats de notre recherche. 1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE ET REVUE DE LITTÉRATURE La figure 1 (Paladi and Fenies, 2016) présente les caractéristiques des régimes communistes en général et montre les particularités associées aux PECO. Comme le soulignent Pankov et Bailey (1998), le concept de contrôle de gestion serait incompatible avec l'idée de l'économie centralement planifiée. Ce système ne motivait pas les dirigeants des entreprises à prendre en compte l'efficience et la rentabilité des entreprises gérées (Shama, 1994). Ainsi, selon Moilanen (2008a), le contrôle de gestion, comme concept actuel, n’aurait pas existé dans l’ex-Union Soviétique, par contre des outils proches étaient mis en œuvre (Plans, calculs d’écarts, système de comptabilité de coûts). Figure 1. Les régimes communistes dans les PECO Paladi et Fenies, (2016) proposent d'évaluer l'état de la recherche et de l’usage du contrôle de gestion dans les PECO après 25 ans de transition, réalisant ainsi une première synthèse sur ce domaine. Ils ont classé la littérature empirique en contrôle de gestion dans les PECO en analysant 3 items : (i) questions de recherche et sujets traités ; (ii) méthodes de recherche ; (iii) cadre théorique. Cette étude souligne la nature des questions de recherche et des méthodes employées par les chercheurs. Ainsi, force est de constater que peu de travaux ont recours à un cadre théorique pour analyser le contrôle de gestion dans les PECO. Malgré quelques travaux portant sur l’influence des institutions (Moilanen, 2005; Moilanen, 2008b) et l’influence et de la culture (Keplinger et al., 2011; Keplinger et al., 2012) sur les pratiques de contrôle de gestion, l’influence du contexte particulier des pays en transition reste peu étudiée. Jusqu'à présent nous avons encore peu d'informations sur l’application des outils de contrôle de gestion dans ces pays, la majeure partie de la littérature est basée sur des études de cas ou recherches-action qui répondent aux besoins particuliers de l'entreprise. De plus, ces recherches-action couvrent généralement la phase de conception de nouveaux systèmes, parfois en adaptant certains outils occidentaux au contexte des entreprises, sans présenter la phase de leur mise en œuvre. Le processus de changement des systèmes de contrôle reste ainsi marginalement exploré. Pourtant, ces pays offrent un environnement unique, dans lequel les pratiques occidentales ne sont pas encore très répandues et les changements sont toujours en cours. Les recherches présentant des analyses approfondies du processus de changement des pratiques de gestion au travers des études de cas longitudinales seraient particulièrement utiles. 2. CADRE THÉORIQUE ET DESIGN DE RECHERCHE Cadre théorique En analysant la contribution des différents cadres théoriques à la compréhension des pratiques de gestion en contexte de transition, Meyer and Peng, (2005) soulignent les limites des théories économiques de l'organisation dans un environnement complexe, volatile, et très incertain, et constatent l’importance majeure des influences contextuelles, notamment des institutions. Nous mobilisons ainsi le cadre proposé par Burns and Scapens, (2000), basé sur l’ancien institutionnalisme économique (Nelson and Winter, 1982), et qui place les règles et les routines au centre de l’analyse. Les règles représentent la manière formellement reconnue du ‘comment les choses devraient être faites’, alors que les routines expriment ‘la façon dont les choses sont réellement faites’. Ce cadre décrit simultanément le statuquo des institutions, des règles, des routines et de l'action individuelle, ainsi que leur tendance potentielle à changer, prenant donc en compte la dimension dynamique nécessaire à la compréhension de l’évolution et du changement des systèmes de contrôle de gestion. Il fait également la distinction entre le comportement cérémoniel et instrumental et suggère que les routines comptables et de contrôle peuvent être institutionnalisées d'une manière cérémonielle ou instrumentale. La façon dont la comptabilité et le contrôle de gestion sont pratiqués, la manière dont l'information comptable est utilisée et le rôle des comptables dépendent des institutions au sein de l'organisation (Siti-Nabiha et Scapens, 2005). Malgré son apport important à la compréhension des organisations, l’ancien institutionnalisme économique fait l’objet des critiques à cause de son orientation essentiellement sur le niveau intra-organisationnel plutôt que sur le niveau macro ; il est incapable d'expliquer l'impact des pressions environnementales sur le processus de changement de contrôle de gestion. Nous proposons ainsi d’utiliser un cadre théorique couplant approche institutionnelle et théorie des parties prenantes, qui pourrait mieux expliquer comment les institutions (niveau micro) et les parties prenantes (macro environnement global) façonnent et contraignent le comportement et les actions des organisations. Le choix de la théorie des parties prenantes est basé sur le contexte particulier des anciennes républiques soviétiques. Pendant la période de l’économie centralisée, l'État a été la principale (voire seule) partie prenante. Ce n'est qu'après l'effondrement du système économique centralement planifié que les transformations engendrées par la transition vers l’économie de marché ont fait émerger de nouvelles parties prenantes. On définit les parties prenantes comme «tout groupe ou individu qui peut affecter ou être affecté par le déroulement des activités d’une organisation» (Freeman, 1984). Dans cet article nous examinerons les parties prenantes suivantes : Etat (autorités publiques), employés, clients, actionnaires, fournisseurs, établissements de crédit et communauté (environnement), et leur impact sur le processus de contrôle de gestion. Dans notre contexte particulier de transition, cette approche souligne comment l'émergence de nouvelles parties prenantes influence et façonne le processus de contrôle de gestion. Par conséquent, en adoptant un double cadre théorique, l'analyse peut fournir une image plus holistique de divers phénomènes organisationnels, tels que le changement des systèmes de contrôle. Design de la recherche Afin d’expliquer les comportements actuels, le retour vers le passé semble alors indispensable. Retracer l’histoire du contrôle de gestion dans les pays en transition contribuera à une compréhension plus générale des logiques du fonctionnement des entreprises, ainsi que de leur transformation. Pour mettre en évidence cette évolution, nous délimitons trois périodes (figure 2) : - 1970-1991 (économie centralisée et planifiée) - 1991-1998 (transition néolibérale, période des changements radicaux) (Andreff, 2007) - uploads/Management/ paladi.pdf

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  • Publié le Oct 04, 2021
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