UNE CRITIQUE DE L'ARTICLE RESSOURCES STRATÉGIQUES, RESSOURCES ORDINAIRES ET RES
UNE CRITIQUE DE L'ARTICLE RESSOURCES STRATÉGIQUES, RESSOURCES ORDINAIRES ET RESSOURCES NÉGATIVES Thomas Durand Lavoisier | Revue française de gestion 2013/5 - N° 234 pages 64 à 73 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-5-page-64.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Durand Thomas, « Une critique de l'article Ressources stratégiques, ressources ordinaires et ressources négatives », Revue française de gestion, 2013/5 N° 234, p. 64-73. DOI : 10.3166/RFG.234.64-73 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lille 2 - - 193.51.139.123 - 21/12/2014 23h25. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lille 2 - - 193.51.139.123 - 21/12/2014 23h25. © Lavoisier 64 Revue française de gestion – N° 234/2013 U N E C R I T I Q U E D E L’ A R T I C L E Ressources stratégiques, ressources ordinaires et ressources négatives PAR THOMAS DURAND A vant-propos La vie académique procure des moments de jubilation intellectuelle et de plaisir du partage, dans la recherche comme dans l’enseignement, mais elle a aussi ses côtés plus ingrats. C’est par exemple le cas lorsqu’une revue nous demande d’évaluer anonymement un manuscrit anonyme. C’est le propre du processus dit en double aveugle. Évaluer un article soumis à une revue est un travail de l’ombre. Nul autre que l’éditeur en chef de la revue ne saura l’effort que vous aurez fourni. Les auteurs en verront le résultat mais ne sauront qui est l’auteur des commentaires qui leur arrivent. Seuls les responsables de revues – et les orga- nisateurs de conférences – touchent du doigt la réalité de la somme de bonnes volontés et la capacité d’engagement intellectuel dont fait preuve une communauté académique ; et ils en voient aussi les zones d’ombre. D’une certaine façon les revues externalisent une bonne part de l’effort de révision des textes qui leur sont soumis, et nous faisons ce travail pour notre champ, pour les revues, pour les auteurs, pour les lecteurs, mais aussi un peu pour nous-mêmes : d’une part, c’est intéressant, même si, soyons honnêtes, ce n’est pas toujours le cas ; d’autre part, il y a comme une logique de don et de contre-don. Nous avons été publiés et nous entendons l’être à nouveau, ce qui suggère tout naturellement de contribuer au travail que d’autres collègues ont fait ou feront pour nous, tout aussi anonymement. (La participation à un jury de thèse est plus gratifiante car l’échange est plus direct, accompa- gnée d’une reconnaissance plus ou moins durable du nouveau docteur, matinée de respect et/ ou d’amertume selon la nature et l’intensité de la discussion critique que l’on aura suscité). Dans ce contexte, j’avais eu à évaluer le manuscrit de l’article « Ressources stratégiques, ressources ordinaires et ressources négatives » qui paraît dans ce numéro. Et, une fois n’est pas coutume, le contenu des commentaires que j’avais pu faire aux auteurs a conduit Jérôme Barthélemy à me demander de développer et de mettre en forme mes observations, en les actualisant au vu de la version révisée du texte, aux fins de susciter un débat. Sur un sujet comme celui des ressources et des compétences organisationnelles, le lecteur comprendra le plaisir que j’ai eu d’accepter cette demande et de profiter de l’occasion qui m’est ainsi donnée pour m’exprimer à nouveau sur ce sujet. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lille 2 - - 193.51.139.123 - 21/12/2014 23h25. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lille 2 - - 193.51.139.123 - 21/12/2014 23h25. © Lavoisier Une critique 65 Le texte « Ressources stratégiques, res- sources ordinaires et ressources négatives » propose de penser toutes les ressources d’une entreprise, au-delà des seules res- sources stratégiques. C’est en soi une idée intéressante. Le texte part de l’approche dite Resource Based View (RBV) pour considérer que la performance de l’entre- prise (ou d’une organisation au sens large) est à rechercher dans sa dotation en res- sources. Et les auteurs centrent leur propos sur l’idée qu’il ne faut pas se contenter d’étudier les ressources dites stratégiques (celles qui feraient la différence) et qu’il faut aussi aller voir du côté des ressources ordinaires (qui ne font pas la différence) ainsi que du côté des ressources négatives (celles qui pénalisent l’organisation). Pour les auteurs, il conviendrait de s’intéresser à toutes les ressources pour mieux cerner les sources de rente. Il y a pour moi un vice de forme fondamen- tal dans cette construction. Je vais suggérer qu’il est essentiel de distinguer ressources et compétences organisationnelles. Les res- sources sont pour moi des facteurs acces- sibles sur des marchés : des mines, des emplacements commerciaux, des brevets, des experts, etc. Les compétences organisa- tionnelles se construisent par apprentissage dans l’épaisseur de l’organisation et ne sau- raient s’échanger sur des marchés : des pro- cessus de management, typiquement pour assurer le déploiement coordonné des res- sources, une culture organisationnelle, une réputation, etc. Je vais plaider pour rappeler que l’avantage concurrentiel comme source stratégique de performance ne se construit pas d’abord au niveau des ressources mais plutôt au niveau des compétences organi- sationnelles. Pour mieux comprendre les sources de l’avantage concurrentiel, l’enjeu n’est pas de raffiner les catégories de res- sources mais bien de se pencher sur ce qui se joue dans la spécificité de chaque orga- nisation qui a appris comme elle a pu, avec son talent propre, à tirer le meilleur qu’elle pouvait des ressources qu’elle mobilise. Les ressources sont le substrat qui rend pos- sible, les compétences organisationnelles sont ce qui peut faire la différence. Il y a de meilleurs pains que d’autres. S’échiner à chercher dans les ingrédients (eau, farine, sel, levure, etc.) l’origine unique ou même principale de la qualité d’un pain sans regarder d’abord et avant tout le boulanger, sa recette spécifique, son tour de main, son expérience, son amour du métier, c’est évidemment se préparer à passer à côté d’une bonne partie du sujet. Non pas que les ingrédients ne jouent aucun rôle, mais le secret du bon pain n’est-il pas surtout dans le dosage subtil, le pétrissage et le repos de la pâte, la maîtrise de la cuis- son, etc. ? Qu’apporte à l’analyse du bon pain le fait de souligner qu’il y faut de l’eau et du sel (ressources ordinaires) ? Que pen- ser d’une recommandation nous enjoignant d’aller étudier de près tous les ingrédients, même les plus courants ? Il me semble que c’est là se tromper de sujet. Ce qui serait pertinent pour une démarche qualité ne l’est plus pour une analyse stratégique en quête d’avantage concurrentiel. Ressources ou compétences ? Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lille 2 - - 193.51.139.123 - 21/12/2014 23h25. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lille 2 - - 193.51.139.123 - 21/12/2014 23h25. © Lavoisier 66 Revue française de gestion – N° 234/2013 Je vais rappeler comment nous en sommes arrivés à voir une partie de la littérature continuer à penser la rente autour de la res- source plutôt que l’avantage concurrentiel autour de la compétence. Puis je tenterai de montrer plus précisément où le bat de la ressource blesse et pourquoi cet arrimage sur la seule ressource dessert le texte qui nous est proposé, même si les auteurs font une tentative de récupération de la notion de compétence, mais sans vraiment s’en expliquer. Enfin, je m’efforcerai de suggé- rer un peu de remise en ordre aux fins de raccrocher une partie de la contribution qui nous est présentée ici au cadre, à mes yeux plus pertinent, de la compétence. 1. Bref rappel historique L ’histoire du cheminement de la pensée stratégique est connue. Elle est attestée par la littérature. Michael Porter a écrasé les années 1980 avec sa thèse du positionne- ment concurrentiel : l’entreprise choisit une stratégie générique (et des étapes dans la chaîne de valeur) pour s’assurer des posi- tions, sous la forme de couples produits- marchés, qui lui garantiront un avantage durable face à ses concurrents. Wernefelt (1984) s’interrogera sur le fait que, tout de même, au-delà du positionnement straté- gique, la performance de chaque entreprise devrait au moins en partie dépendre des res- sources qu’elle maîtrise et/ou de ce qu’elle sait mieux faire que ses concurrents. En un mot, il tente de suggérer que les capacités internes de l’entreprise peuvent compter et que la stratégie n’est pas seulement une affaire de choix de positions externes face à la concurrence. Son texte, sans doute un peu uploads/Management/ porter-barney-et-autres.pdf
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- Publié le Oct 04, 2022
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