LE TÉLÉTRAVAIL AU MAROC NOUVEAUX ESPACES, NOUVELLES TEMPORALITÉS : NOUVEAUX RAP
LE TÉLÉTRAVAIL AU MAROC NOUVEAUX ESPACES, NOUVELLES TEMPORALITÉS : NOUVEAUX RAPPORTS AU TRAVAIL ? Par Hammad Sqalli Enseignant-chercheur à Economia, HEM Research Center Chaire Dynamiques des Organisations et Complexité Sept. 2020 N 3 LE TÉLÉTRAVAIL AU MAROC : Nouveaux espaces, nouvelles temporalités : Nouveaux rapports au travail ? par Hammad Sqalli – sept. 2020 os vifs remerciements vont en premier lieu à Saïd Abu Sheleih, membre de la chaire Dynamiques des Organisations et Complexité pour sa collaboration précieuse dans la conception de l’étude et pour sa co-animation d’ateliers. Ils s’adressent également à Yasmina El Kadiri pour avoir elle aussi animé un focus group. Il en va de même pour les chercheurs d’Economia pour leurs échanges dans la construction préalable de l’étude. Enfin, un remerciement spécial est adressé à Hajar Chouki pour son support logistique et technique sans faille. REMERCIEMENTS S O M M A I R E 5 LE TÉLÉTRAVAIL AU MAROC : Nouveaux espaces, nouvelles temporalités : Nouveaux rapports au travail ? par Hammad Sqalli – sept. 2020 • INTRODUCTION ET CONTEXTE 6 I. QUE DIT LA LITTÉRATURE ? 10 1. Définitions et critères 10 2. Évolutions et nouveaux points d’ancrages 12 3. Le télétravail dans le domaine professionnel 15 4. Travail et hors-travail, une conciliation difficile ? 17 II. COMMENT APPROCHER LE TÉLÉTRAVAIL ? 19 1. Méthodologie et phasage de l’étude 19 2. Comment analyser le télétravail ? 21 III. ANALYSE DES RÉSULTATS ET PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS 23 1. Est-ce que le télétravail augmente la productivité ? Oui, mais… 24 2. Quels cadres pour quelles transformations ? 26 3. L’individu au télétravail : entre distances et incertitudes 28 4. Vers un nouveau projet de société ? 30 • CONCLUSION 32 • Quels enseignements pour des organisations humaines ? • BIBLIOGRAPHIE 33 6 LE TÉLÉTRAVAIL AU MAROC : Nouveaux espaces, nouvelles temporalités : Nouveaux rapports au travail ? par Hammad Sqalli – sept. 2020 6 LE TÉLÉTRAVAIL AU MAROC : Nouveaux espaces, nouvelles temporalités : Nouveaux rapports au travail ? par Hammad Sqalli – sept. 2020 INTRODUCTION ET CONTEXTE En avant-propos, il est nécessaire de distinguer le travail chez soi forcé, que nombre de personnes ont vécu de mars à juin 2020, de par la pandémie duCovid-19,et la notion plus vaste de télétravail. En effet, même si cette étude a été menée durant cette période-là, nous sommes parfaitement conscients que la première forme est subie et ne saurait donner l’entière substance de l’objet d’étude, d’où notre choix de mener, dans ce cadre, un travail de recherche à double détente : exploratoire des perceptions et pratiques, dans un contexte contraint, et prospectif par rapport aux évolutions du télétravail en mode noncontraint. Ainsi, en plus de sonder ses réalités contingentes, nous appréhendons comment le télétravail normé et institué viendrait à progresser dans les usages du travail dit plus traditionnel, d’autant que le télétravail à proprement parler, comme pratique courante de certaines entreprises et autres établissements publics ou non gouvernementaux, est usité, sans pour autant être pleinement cadré par les différents instruments juridiques et réglementaires. En effet, au niveau de la loi, seules les déplacements ou activités hors sites sont régis par les textes, mais ces derniers ne prévoient pas la réglementation des activités de télétravail choisies par l’employeur, à savoir la possibilité donnée à l’employé de travailler x jours de chez lui tout en s’inscrivant dans le cadre réglementaire de son employeur et en étant rémunéré et assuré. Ce mode de fonctionnement reste à la discrétion de l’entreprise qui en définira les règles, au mieux déclarées dans un contrat. La loi permet la réduction du temps de travail, sauf cas exceptionnel, àsavoir lors d’une crise due à un cas de force majeure −à l’instar de ce que nous vivons aujourd’hui −, mais nulle légifération sur l’activité du télétravail en soi. Le Code du travail marocain considère que le salarié travaillant à domicile est « chargé soit directement, soit par un intermédiaire d’exécuter un travail, moyennant une rémunération, pour le compte d’une ou plusieurs entreprises » (article 8). Cela suppose que la condition sine qua none pour que le travailleur soit considéré comme salarié à domicile est d’effectuer un travail qui soit rémunéré comme une prestation de service. Cette disposition juridique n’occulte pas le vide qui entoure la durée du travail. En ce sens, l’article 184 fixe la durée normale de travail des salariés dans les activités non agricoles à 2288 heures par année ou 44 heures par semaine. Mais, la rémunération est fixée selon l’article 193 sur la base des heures travaillées. Le télétravail échappe à ce cadre et n’est pas régi par la loi sur ce plan. S’il venait à être organisé, les questions en suspens viseraient les bases de la rémunération et de la durée. 7 LE TÉLÉTRAVAIL AU MAROC : Nouveaux espaces, nouvelles temporalités : Nouveaux rapports au travail ? En vertu de l’article 185, pour « se protéger des crises périodiques passagères, l’employeur peut, après consultation des représentants des salariés et, le cas échéant, des représentants des syndicats au sein de l’entreprise, répartir la durée annuelle globale de travail sur l’année selon les besoins de l’entreprise à condition que la durée normale du travail n’excède pas dix heures par jour. Cette mesure n’entraîne aucune réduction du salaire mensuel. L’employeur peut réduire la durée normale du travail pour une période continue ou interrompue ne dépassant pas soixante jours par an, après consultation des délégués des salariés et, le cas échéant, des représentants des syndicats au sein de l’entreprise en cas de crise économique passagère ayant affecté l’entreprise ou de circonstances exceptionnelles involontaires », comme pour le cas de la pandémie du virus Covid-19. Dans ce type de situation, l’employeur peut avoir recours au télétravail, sous conditions, comme le prévoit la loi, d’en informer les parties prenantes et de trouver un accord qui satisfasse les intérêts particuliers. La pratique d’entreprises marocaines de taille relativement grande retient que des Plans de continuité d’activité (PCA) sont mis en place, où arrêts et reprises graduelles sont prévus sur la base des choix effectués en matière de maintien ou d’abandon provisoire des activités essentielles. Concernant le maintien de ces activités, l’entreprise statue sur ce qu’il faut garder impérativement et sur ce qui peut se faire à distance. Encore une fois, il existe un vide juridique spécifique à cette activité de télétravail, comme par exemple les obligations légales liées au matériel de travail. Au surplus, ce déplacement du travail d’un univers à un autre pose des problèmes inédits aux juristes, lorsqu’il s’agit de normer cette organisation du travail dans des situations courantes et admises jusque-là. En effet, qu’est- ce qui limite une journée de travail lorsqu’elle n’est pas contrôlée par une pointeuse ou par la présence physique d’un chef, lorsque les collègues ne sont pas là pour définir une norme temporelle collective ? Dans la pratique du télétravail, c’est au salarié lui-même de décider de son emploi du temps et c’est à lui que revient la responsabilité de calibrer sa disponibilité et son implication. Dans cette séparation entre la fonction de contrôle et d’exécution, l’employeur éprouve des difficultés de contrôle, d’évaluation et d’établissement des périmètres de responsabilité, tout en voulant accorder de la flexibilité au travail. Les juristes 8 LE TÉLÉTRAVAIL AU MAROC : Nouveaux espaces, nouvelles temporalités : Nouveaux rapports au travail ? et les spécialistes du droit de travail, jusqu’à ce jour, même dans les pays les plus avancés en la matière, rencontrent des problèmes quant à fixer des limites en termes de responsabilités, droits et obligations. Le cas des accidents de travail illustre bien cette « impasse ». En effet, dans une telle configuration où le travail à distance s’opère « any time anywhere1 », un télétravailleur subissant un accident de travail en dehors des horaires fixés par son employeur pose au juriste le problème de la responsabilité. En outre, les syndicats et les juristes redoutent une augmentation officieuse et pernicieuse du temps de travail et restent vigilants sur la question du respect de la vie privée. La permission du travail à distance pourrait, selon eux, « éclater » les temps de travail plus conventionnels et laisser place aux abus de la part des employeurs, ce qui se transformerait en risques psychosociaux, lesquels risques seraient amplifiés par un enchevêtrement des espaces et des temps professionnels et privés. Dans la même veine, les glissements entre vie professionnelle et vie privée s’accompagnent aujourd’hui de réflexions sur le « droit à la déconnexion » (Ray, 2001). Ce nouveau droit suppose un droit à « l’isolement, à la tranquillité, à la possibilité de se ménager des moments de retrait » et de ne pas être dérangé par des appels ou autres sollicitations professionnelles. Plus largement, ce risque renvoie au problème de la difficile adéquation des temporalités familiales, personnelles et celles du travail. En tout état de cause, le télétravail a progressé ces dernières décennies sur le plan mondial par la conjonction de plusieurs facteurs concomitants, et tend à se structurer davantage dans des accords-cadres et autres textes juridiques2 : 1. Formule anglo-saxonne pour qualifier le travail uploads/Management/ rapport-final-teletravail-5.pdf
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- Publié le Jan 08, 2022
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