3 Facteurs de stress et mécanismes psychologiques La littérature scientifique da
3 Facteurs de stress et mécanismes psychologiques La littérature scientifique dans les différents domaines de la psychologie (diffé- rentielle, de la santé, du travail, des organisations...) apporte des éléments de connaissance sur les mécanismes du stress et les caractéristiques des situations de travail susceptibles de provoquer un état de stress. Certaines de ces caracté- ristiques ont été étudiées spécifiquement chez les travailleurs indépendants. Modèle transactionnel du stress Dans les années 1960-1970, des travaux, dépassant le modèle un peu trop linéaire de type « stimulus-réponse » de Selye (1956), ont commencé à met- tre en évidence l’importance des perceptions, autrement dit des processus cognitifs, dans la survenue de l’état de stress. Le modèle transactionnel du stress de Lazarus et Folkman, proposé en 1984 (Lazarus et Folkman, 1984), permet de décrire ces processus cognitifs. Ces auteurs postulent que ce ne sont pas les événements eux-mêmes qui déterminent l’apparition d’un état de stress (avec ses conséquences négatives sur la santé physique et mentale des individus). Ce qui est déterminant, ce sont les perceptions et le vécu de ces événements. Ainsi, ils définissent le stress comme étant « une relation entre la personne et son environnement, qui est évaluée par la personne comme tarissant ou excédant ses ressources et menaçant son bien-être ». Processus cognitifs Selon le modèle transactionnel du stress, face à une situation de travail, le travailleur va dans un premier temps évaluer la situation, puis développer des stratégies d’adaptation (figure 3.1). ANALYSE 47 Figure 3.1 : Modèle transactionnel du stress (d’après Lazarus et Folkman, 1984) Évaluation cognitive L’évaluation cognitive d’une situation potentiellement stressante (ou transac- tion entre la personne et la situation) se fait de deux manières. La première évaluation, dite « évaluation primaire », répond à la question de l’enjeu de la situation. Pour qu’il y ait stress, il faut tout d’abord que la personne perçoive un enjeu. Trois types d’évaluation de l’enjeu sont pos- sibles : • la situation peut représenter pour la personne une perte ou un préjudice déjà subis antérieurement (harm/loss), comme par exemple la perte de son emploi, la perte de l’usage de ses jambes, ou le décès d’un proche ; • la situation peut être vécue comme une menace (threat), c’est-à-dire comme l’éventualité d’une perte. C’est le cas par exemple d’une menace de licenciement collectif dans une entreprise. La personne peut vivre cette perspective comme une possible catastrophe financière, professionnelle, sociale, et identitaire. Il y a anticipation d’une perte dommageable ; • enfin, la situation peut être vécue comme un défi(challenge). La menace d’un licenciement, ou un licenciement effectif, est envisagé(e) par l’individu comme l’occasion de prouver ce dont il est capable (Folkman, 1984 ; Lazarus, 1993). Son licenciement va lui permettre de s’évaluer sur le marché du travail, d’évoluer dans sa carrière professionnelle, ou de quitter un emploi ne correspondant plus à ses aspirations. Cette évaluation primaire de l’enjeu donne lieu à ce que l’on appelle le « stress perçu ». La seconde évaluation cognitive dite « évaluation secondaire » répond à la question des ressources disponibles pour la personne face aux exigences de la situation. Elle porte sur la notion de « contrôle perçu ». Ces ressources peu- vent être d’ordre personnel comme par exemple l’état de santé, le niveau de compétences, les ressources matérielles mais également d’ordre relationnel ou 48 Stress au travail et santé – Situation chez les indépendants organisationnel comme par exemple l’importance de son réseau social, la place occupée dans l’organigramme d’une entreprise ou encore les moyens disponibles pour faire son travail. Stratégies d’adaptation ou de « coping » Suite à ces évaluations, et afin de répondre aux exigences de la situation qui ont été perçues comme stressantes, la personne élabore des stratégies d’adap- tation ou de coping. Les stratégies de coping sont définies comme « les efforts cognitifs et comportementaux pour maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes et/ou externes créées par la transaction stressante. » (Folkman, 1984, p. 843). Le processus de coping passe donc aussi bien par l’action (efforts comportementaux) que par un processus de pensée (efforts cognitifs). Deux grands types de coping ont été initialement distingués (Folkman, 1984) : • les stratégies « actives » centrées sur la résolution du problème (problem focused coping) correspondent à des efforts en vue d’éliminer ou de circonvenir les sources de stress. Les individus essaient de modifier la situation elle-même. Par exemple, la personne va essayer de mieux organiser le temps dont elle dispose, définir ou dégager des priorités, négocier auprès de son supérieur un délai, demander de l’aide à un collègue... ; • les stratégies « passives » centrées sur les émotions (emotion focused coping) correspondent à des efforts en vue de réduire ou d’éliminer les émotions engendrées par la situation. L’individu n’agit pas directement sur ce qui lui pose problème. Il essaie de diminuer directement la tension émotionnelle (Paulhan, 1994 ; Scheck et coll., 1995). Par exemple, la personne va se mettre en colère, se dire que cela ne se reproduira plus jamais, se reprocher de s’être mise dans une telle situation ou d’être trop sensible face à la situation. L’évitement, troisième type de stratégies de coping, fait également partie des stratégies passives de gestion du stress à disposition de l’individu (Endler et Parker, 1990). L’évitement a été identifié très tôt comme un mode de réponse au stress chez l’animal, à côté de l’attaque (« fight or flee » ; Cannon, 1932). On distingue également les « styles de coping » et les « comportements de coping » (Rolland, 1998). Les styles de coping correspondent à des modes habituels de réponse face aux situations stressantes de la vie courante. Autre- ment dit, les styles de coping correspondent à la gestion du stress chronique. On s’intéresse à la façon dont les individus répondent aux stress de la vie courante. Les « comportements de coping » correspondent aux modes de réponse utilisés face à une situation stressante bien spécifiée. Ils sont impli- qués dans l’étude des processus de stress au cours d’une seule et unique situation stressante (stress aigu) (par exemple : Folkman et Lazarus, 1985 ; Scherer et coll., 1993). On s’intéresse à la façon dont les individus gèrent une situation stressante bien précise, et non de façon générale (Dewe, 1992 ; O’Driscoll et Cooper, 1994). ANALYSE 49 Facteurs de stress et mécanismes psychologiques Processus cognitifs et effets du stress sur la santé Le rôle intermédiaire joué par les processus cognitifs d’évaluation et de coping, entre la situation aversive et les atteintes à la santé, a été vérifié par un certain nombre d’études. Rôle de l’évaluation cognitive Concernant l’évaluation primaire de l’enjeu de la situation, une étude trans- versale montre que le stress perçu chronique, mesuré par l’échelle de stress perçu PSS (Perceived Stress Scale) (Cohen et coll., 1983), est beaucoup plus corrélé avec des symptômes physiques et psychologiques (coefficient de corré- lation, r respectivement de 0,52 et 0,72, pour N=332), que le nombre d’évé- nements majeurs intervenus dans la vie des sujets au cours de l’année écoulée (respectivement r=0,31 et r=0,18, pour N=332), et que l’évaluation par les sujets de l’impact de ces événements sur leur bien-être (respectivement r=0,23 et r=0,29, pour N=332) (Cohen et coll., 1983). Une étude longitudinale réalisée par Jerusalem (1993) montre, sur la base d’une modélisation par équations structurales (méthode d’analyse en pistes causales), le rôle intermédiaire joué par l’évaluation cognitive et les stratégies d’adaptation dans une transaction potentiellement stressante : l’émigration des Allemands de l’ex-RDA vers l’ex-RFA, après la chute du mur de Berlin. Les processus cognitifs intermédiaires prédisent davantage l’état de santé perçu ultérieur que les contraintes environnementales (conditions de vie et emploi) créées par la situation d’émigration des sujets. La valeur prédictive des processus cognitifs du stress, par rapport à l’état de santé perçu ultérieur, persiste si, au lieu de prendre pour critère l’auto- évaluation de l’état de santé par les sujets eux-mêmes, on se base sur des indicateurs biologiques, plus « objectifs ». Autrement dit, les processus cogni- tifs du stress n’ont pas uniquement un impact sur l’état de santé perçu, mais ont aussi une influence sur l’état de santé évalué selon des critères médicaux et physiologiques. Une étude expérimentale a permis de le montrer (Cohen et coll., 1991 et 1993). Après avoir obtenu l’autorisation du Comité d’Éthique Britannique, ces chercheurs ont recruté 420 personnes (hommes et femmes) en bonne santé. Trois cent quatre-vingt quatorze sujets étaient exposés à un virus de rhume, pendant que 26 autres recevaient un placebo (solution saline), afin de constituer un groupe témoin. Les sujets étaient placés en quarantaine pendant sept jours, seuls ou avec d’autres sujets, dans des appar- tements. Jusqu’au septième jour, les sujets subissaient un examen médical quotidien, et un certain nombre de relevés d’état de santé physique étaient effectués. La présence de l’infection était établie par deux examens biolo- giques : culture des sécrétions nasales et présence d’anticorps dans le sang. Le développement du syndrome respiratoire était identifié sur la base d’un ensemble de relevés cliniques. L’ensemble du protocole était réalisé en double aveugle. Conformément au modèle transactionnel centré sur uploads/Management/ stress-au-travail 1 .pdf
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- Publié le Mar 02, 2021
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