Jacques Renard Sophie Nussbaumer Préface de Daniel Lebègue, président de l’IFA
Jacques Renard Sophie Nussbaumer Préface de Daniel Lebègue, président de l’IFA Audit interne et contrôle de gestion Pour une meilleure collaboration © Groupe Eyrolles, 2011 ISBN : 978-2-212-55246-1 © Groupe Eyrolles 1 Introduction INTRODUCTION « Aimez qu’on vous conseille et non pas qu’on vous loue » BOILEAU Introduction Voici deux fonctions, le contrôle de gestion et l’audit interne, bien connues du monde de l’entreprise, dont le rôle est indispensable au management, aussi bien pour la prise de décisions et la définition de sa stratégie que pour s’inquiéter, et de façon raisonnée, sur les risques susceptibles d’affecter la réalisation des objectifs. Voici deux fonctions dont le professionnalisme des acteurs est largement reconnu et apprécié, deux fonctions qui ont droit de cité au-delà des frontières et qui sont enseignées aux niveaux les plus élevés dans les écoles de commerce et les universités. Deux fonctions rattachées au plus haut niveau dans les organisations, participant ensemble ou séparément à de nombreuses instances professionnelles, qui ont donné lieu à de multiples publications et dont l’évolution et les prises de position sont scrutées et analysées par les observateurs. Voici deux fonctions qui se nourrissent aux mêmes sources, qui scrutent et analysent chiffres et données, comportements et règles de fonctionnement, succès et dysfonctionnements. Deux fonctions qui, avec des méthodes différentes, démêlent l’écheveau des actions et interactions des responsables opérationnels, élaborent rapports, tableaux de bord et recommandations. Deux fonctions qui sont des éléments essentiels du contrôle interne et qui, à ce titre, contribuent à mieux maîtriser les activités de l’entreprise. Et pourtant, voici deux fonctions qui se frôlent sans se toucher, qui semblent trop souvent ignorer leur évidente complémentarité, deux fonctions qui auraient tout intérêt à mieux échanger et à collaborer, à gommer les doubles emplois qui appauvrissent pour développer les spécificités qui enrichissent. Deux fonctions © Groupe Eyrolles dont les organisations se parlent trop souvent de loin et qui, comme les seigneurs des temps anciens, s’observent du haut de leurs tours, sans jamais avoir eu l’idée de construire un château en commun. D’où vient cet esprit d’indépendance, cette frilosité qui conduit à fermer les portes, voire à les verrouiller, alors qu’elles devraient être largement ouvertes ? D’où provient cette timidité qui conduit des collègues, qui par ailleurs se connaissent, s’apprécient et se parlent, à rentrer ensuite chacun en sa maison au lieu de faire table commune ? Et ne peut-on remédier à un tel état de choses ? Aménager les institutions afin de pouvoir mieux échanger, communiquer, gommer les différences et initier de nouvelles structures permettant des évolutions profitables à tous et une meilleure lisibilité ? Telles sont les questions que nous nous posons au seuil de cette étude et auxquelles nous allons tenter de répondre. À un disciple qui lui demandait quelle serait la première mesure qu’il prendrait s’il devenait le prince de ce pays, Confucius répondit : « Je définirais le sens des mots, sinon on ne se comprend pas, on ne peut gouverner. » Aussi bien allons-nous commencer par définir le sens des mots, préalable essentiel à toute réflexion. Ce sens ayant été largement conditionné par l’histoire, il convient dans le même temps de dessiner à grands traits le contexte historique. 1. ÉVOLUTION HISTORIQUE ET DÉFINITIONS Évolution historique Les deux concepts qui nous occupent sont nés à la même époque et dans le même pays : tous les deux entre 1920 et 1940 et tous les deux aux USA à un moment et dans un pays où se faisait pressante la nécessité de mettre de l’ordre dans la gestion des entreprises pour une plus grande efficacité et une meilleure lisibilité. Toutefois, le parallèle s’arrête là. L’audit interne C’est dans les années 1930 aux USA que la crise économique a conduit un certain nombre de grandes entreprises à détacher quelques cadres de la finance auprès de leurs auditeurs externes. Ce faisant, ces entreprises ont atteint un double objectif : • réduire le montant de la facture des cabinets d’audit puisque ce personnel détaché accomplissait des tâches subalternes (contrôle de comptes, inven- © Groupe Eyrolles 3 Introduction taires etc.) qui n’avaient plus à être facturées – économies particulièrement bienvenues en ces temps de crise financière ; • conserver malgré tout des personnels dont on ne souhaitait pas se séparer en attendant des jours meilleurs. Ces personnels détachés réalisant des travaux d’audit, on les a nommés « auditeurs ». Comme ils appartenaient toujours à l’entreprise, et pour les distinguer des membres des cabinets, on les a qualifiés d’« auditeurs internes ». Ainsi est apparu non pas la fonction, mais le nom. Les années passant et la crise s’éloignant, ce personnel hybride a élargi le champ de ses activités de façon variable selon les entreprises. Certains ne se sont pas contentés d’analyser l’imputation comptable des factures, ils ont été voir, en amont, comment elles étaient élaborées ou, en aval, la suite qui leur était donnée. D’autres se sont davantage intéressés à l’organisation. D’autres enfin ont approfondi les travaux des auditeurs externes pour en apprécier la qualité, etc. En sorte qu’au bout de quelques années, certains se sont posé les questions quasi métaphysiques : « Qui sommes-nous ? Que sommesnous en train de faire ? » Quelques-uns d’entre eux ont alors pris l’initiative de se concerter et, réintégrant leurs entreprises, de jeter les bases d’une nouvelle fonction pour tirer tout le profit de leurs expériences passées. Leur premier acte fut de constituer un corps de doctrine afin de donner une unité à la fonction qu’ils venaient de définir. Ainsi sont nées, en 1941, les normes professionnelles de l’audit interne ainsi que l’organisation chargée de veiller à leur bonne application : The Institute of Internal Auditors (IIA). L’évolution du contrôle de gestion est tout à fait différente. Le contrôle de gestion C’est vers 1815 que la « comptabilité industrielle » s’est imposée en identifiant le « prix de revient », information destinée à répondre aux besoins de contrôle à distance de l’activité et de mesure de la performance de grandes entreprises de la métallurgie, du textile et aussi des chemins de fer. Toutefois, sa lourdeur et ses manquements l’ont fait se heurter aux impératifs de la seconde révolution industrielle, l’ère de la fabrication en série, de la multi-activité/multiproduit, des gains de productivité, de la mécanisation, etc. L’élaboration d’outils palliant ces manquements a consacré l’émergence du contrôle de gestion1 tel que nous le 1 . H. Zimnovitch (1999). © Groupe Eyrolles Introduction 4 connaissons aujourd’hui et dont la paternité est communément attribuée à Alfred P. Sloan. C’est au bord de la ruine que la General Motors (GM), est confiée à A. P. Sloan en 1920. Ce conglomérat de marques peine à séduire le marché américain tandis que, dans le même temps, Ford, détenteur d’un seul modèle, la Ford T noire, occupe plus de 50 % du marché automobile et affiche des profits fabuleux. Dans le même temps, GM est, quant à elle, menacée par la ruine. C’est sous le contrôle d’A. P. Sloan que, dans l’entreprise organisée en divisions autonomes, sont implantées par Donaldson Brown et Albert Bradley des méthodes de contrôle financier alors inconnues du monde de l’automobile. Nombre d’auteurs1 y voient la naissance du contrôle de gestion. Le « modèle Sloan-Brown » repose sur la mise en place d’instruments parmi lesquels figurent : • la centralisation de la trésorerie des différentes divisions de GM, autrement dit un pool de trésorerie ; • une gestion prévisionnelle perfectionnée. Dès 1923, GM instaure un reporting prévisionnel mensuel destiné à gérer les variations de la demande. L’estimation portait sur les approvisionnements, les stocks, le niveau de trésorerie, d’investissement et de besoin en fonds de roulement. Ces données permettaient alors à A. P. Sloan d’ajuster les volumes de production du mois à venir qu’il approuvait ou amendait en personne ; • le coût complet. Dès 1915, H. Gantt propose un modèle de traitement des charges de structure. Désormais, GM met en place le coût standard qui intègre une quote-part de frais fixes. Parallèlement à cette imputation rationnelle des charges fixes, A. P. Sloan systématise le contrôle budgétaire avec analyse des écarts dès 1925 ; • le Return On Investment – ROI. C’est l’outil le plus original. Élaboré en 1912 par D. Brown, il met en évidence le taux de rendement des capitaux investis. Le ratio bénéfice/investissement devient rapidement le mètre étalon de la performance comparée entre divisions ; raison pour laquelle il figure dans le reporting ; 1 . A. D. Chandler (1977), La main visible des managers, H. Bouquin (1994), H. T. Johnson et R. S. Kaplan (1987), etc. © Groupe Eyrolles 5 Introduction • le reporting historique au mois le mois. Rapidement, ce reporting est uniformisé et imposé à l’ensemble des entités du groupe. Le « standard accounting manual » fait état des éléments de coût, de prix, de volumes et du taux de retour sur investissement. Pour A. P. Sloan, cet ensemble est la contrepartie d’un management décentralisé et délégataire. In fine, il définit la fonction première du contrôle budgétaire1 comme mode de surveillance mais également de coordination. L’effort de contrôle uploads/Management/definitions-historique-du-controle-de-gestion-et-de-l-audit.pdf
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- Publié le Jan 20, 2022
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