Wish et Cie ou l’appel de la quincaille Des plates-formes d’e-commerce proposen

Wish et Cie ou l’appel de la quincaille Des plates-formes d’e-commerce proposent vêtements et gadgets improbables à prix cassés. Des royaumes de la babiole qui séduisent les petits budgets. Par Catherine Rollot Moto réveil extraite du site wish.com. CAPTURE D'ÉCRAN WISH.COM Allergiques à l’acrylique, aux couleurs qui piquent les yeux et au made in China, s’abstenir. Il existe des royaumes de la babiole à quelques centimes d’euro, des catalogues des objets improbables – du soutien-gorge correcteur de posture à la cagoule intégrale pour empêcher son chat de mordre, en passant par l’écarteur de bouche pour muscler le visage et réduire les rides. A moins que le tee-shirt « torse velu » ou la paire de « Nike » (une très mauvaise copie), le tout moins cher qu’une place de cinéma, ne vous tentent. Wish, Vova, Joom, AliExpress… ces places de marché en ligne, promettant des prix cassés sur des marques prisées ou des gadgets étranges, cartonnent auprès de leur cible principale, les 15-25 ans à petits budgets, friands de ces produits fabriqués à l’autre bout du monde, dans des conditions de production opaques, et avec des matériaux de piètre qualité. « Achetez malin, vivez mieux », promet AliExpress, « les prix les plus bas du monde », affirme Joom, « faites de bonnes affaires », appâte Vova, « acheter en s’amusant », clame Wish. Séduits par des sneakers à 10 euros et des enceintes bradées à 90 %, les internautes commandent d’un clic depuis leurs smartphones (75 % des achats sur ces sites se font à partir de mobiles). En quelques mois, ces grands bazars numériques se sont fait une place de choix. Au deuxième trimestre 2019, Wish occupait le 11e rang des applications d’e-commerce les plus consultées en France, avec 10,5 millions de visiteurs uniques par mois, selon le baromètre Médiamétrie. Valorisée à plusieurs milliards de dollars, l’entreprise américaine revendique plus de 300 millions d’utilisateurs à travers le monde. Ses rivaux directs : le chinois AliExpress, le russe Joom ou le hongkongais Vova. Durée de vie limitée des articles Pourtant, une simple recherche sur les forums permet de constater que la déception est souvent au bout du clic. Délais de livraison à rallonge, durée de vie très limitée des articles, service après-vente aux abonnés absents quand ce n’est pas carrément de l’arnaque. Les réseaux sociaux pullulent de témoignages de clients dépités ou furieux. « Il y a trois mois, j’ai commandé un manteau, j’attends toujours, râle Stéphanie. C’est ballot. Je le recevrai peut-être cet été. » Mireille n’est pas plus satisfaite : « Les articles commandés sont trop petits (même pour ma fille), les tissus sentent les produits chimiques et sont désagréables à porter, les retours sont aux frais de l’acheteur, donc coûtent un bras. Bref j’ai tout jeté : impossible de faire des chiffons de ces tissus de très mauvaise qualité et pas question de les donner. » Mais beaucoup aussi s’amusent de leurs déboires. « Regardez, j’ai acheté un iPhone à 10 euros », plaisante un ado, tenant dans la main une coque transparente. L’annonce s’est servie de l’illustration du smartphone comme un appât grossier pour vendre une protection en mauvais plastique, bel exemple de publicité à la limite de la tromperie. « Par où entrer pour mettre cette robe ? », s’interroge une brunette, en se tortillant pour essayer la pièce qui ressemble plus à un chiffon qu’à un vêtement. Le déballage des produits (unboxing) achetés sur ces plates-formes est même devenu « un genre » sur YouTube. « J’ai acheté deux mobiles à un euro », « j’ai testé les robes de soirée », des dizaines d’adolescents ou de youtubeurs se moquent de la qualité des produits, comparant la différence entre attentes et réalité. Le but : plus en rire qu’en pleurer, tout en mettant en garde. Romain Lanery, youtubeur professionnel spécialisé dans les tests de produits high-tech, a réalisé une seule vidéo sur Wish, mise en ligne sur sa chaîne TechNews & Tests. En mai 2018, il a passé une commande de six produits, dont un téléphone portable d’une valeur annoncée de 242 euros et une enceinte Bluetooth prétendument étanche et de belle taille. « En guise de portable, j’ai reçu un câble pour téléphone, quant à l’enceinte, un appareil minuscule et très peu puissant, elle a claqué au bout de quelques secondes dans l’eau », se souvient le jeune homme, énervé de voir « ces gros poissons jouer avec la crédulité des internautes, et tailler des croupières à des sites sérieux qui essaient de vendre du matériel de qualité au prix juste ». Sa vidéo a fait 3,4 millions de vues et n’a suscité aucune réaction de l’entreprise, qui a pour habitude dene répondre à aucune polémique. « A force d’acheter, certains internautes commandent en connaissance de cause, font confiance à certains revendeurs, savent quels types d’articles acheter et ceux qu’il vaut mieux éviter » Aurélie, 39 ans, blogueuse La mauvaise réputation ne semble pourtant pas détourner les consommateurs. Les notes attribuées à ces plates- formes sur les sites d’évaluation ne sont pas catastrophiques, oscillant entre 2 et 5 étoiles en moyenne. « Il y a des addicts à ces applications, qui les défendent bec et ongles », observe Aurélie, 39 ans, qui seconde son mari artisan et alimente régulièrement sa chaîne Or Elly, axée beauté et mode. « Après chacune des vidéos que j’ai postées sur le sujet, il y avait des commentaires et des débats sans fin sur la fiabilité de tel ou tel site », poursuit la mère de famille, qui a elle-même succombé plus d’une fois à l’appel de la « quincaille ». « A force d’acheter, certains internautes commandent en connaissance de cause, font confiance à certains revendeurs, savent quels types d’articles acheter et ceux qu’il vaut mieux éviter. Au final, Ils ont l’impression d’en avoir pour leur argent. » L’omniprésence sur les réseaux sociaux – Wish a investi plus de 100 millions de dollars sur Facebook et Instagram, selon son fondateur, Peter Szulczewski – comme la diffusion lors de la dernière Coupe du monde de football d’un spot avec des stars tels Paul Pogba ou Neymar déballant avec enthousiasme leurs colis expédiés par l’e-commerçant, ont encouragé la fièvre acheteuse. « C’est si peu cher que, même si on craint de se faire avoir, on tente le coup… On veut y croire, raconte Jessy, la vingtaine, intérimaire dans le bâtiment. Pour 5 euros, vous pouvez acheter des tas de choses, difficile de ne pas craquer. » Emilie a été victime du même ensorcellement : « J’aurais dû me méfier mais les prix plus qu’attractifs ont eu raison de mes réticences. Sur 13 articles achetés je n’en ai reçu que quatre, Wish m’en a remboursé deux, le reste a été signifié comme livré. Ils m’ont eue à l’usure. Après deux mois de réclamations, je laisse tomber », témoigne, sur Internet, la cliente en colère, qui conclut d’un « Arnaqueurs » rageur et en lettres majuscules, et jure qu’on ne l’y reprendra plus. Gigantesques Foir’Fouille des temps modernes A voir. Car une fois l’internaute ferré, on ne le lâche plus. Matraqué de promotions, bombardé de ventes flash et couvert de bons cadeaux, tout est fait pour le faire dépenser, le retenir et le faire revenir, le tout en lui donnant l’impression de s’amuser dans de gigantesques Foir’Fouille des temps modernes. « C’est une caverne d’Ali Baba, un lèche-vitrines infini, qui propose des articles correspondant à votre profil, décrypte Yann Léonardi, consultant marketing digital. On s’y perd, on y passe du temps – près de douze minutes par session, soit trois fois plus que sur Amazon –, mais cela permet de satisfaire un besoin d’achat sans sortir de son canapé et à moindre coût. » Commander sur ces sites relève de la loterie, ou des machines à pinces dans les fêtes foraines. Le ticket gagnant ou le nounours en peluche arraché font oublier toutes les fois où l’on est reparti bredouille. Le faible coût de la facture rend la dépense plus tentante. En cas de mauvaises surprises, l’acheteur se console en disant qu’il n’a perdu que quelques sous. Peter Szulczewski, ancien de Google et fondateur de Wish en 2013, a bâti son empire en créant une offre destinée aux Américains modestes des petites villes, qui, en échange d’un temps de livraison plus long, d’un packaging minimaliste et d’une qualité moindre, s’offrent des produits peu coûteux. Mais le succès de ces plates-formes souligne aussi une autre réalité : la consommation dite responsable est encore l’apanage d’une minorité plutôt aisée ou militante. Les jeunes en particulier n’ont pas des comportements au quotidien très différents de ceux de leurs aînés, révèle une étude du Crédoc (décembre 2019). « Très inquiets et pénétrés de la catastrophe écologique annoncée, ils restent des - consommateurs hédonistes », et demeurent « attirés par les produits innovants et par l’achat malin mais ne se situent pas vraiment en rupture du modèle de société consumériste », expliquent les chercheurs. Ils sont même moins nombreux à acheter des vêtements écoresponsables ou uploads/Marketing/ wish-et-cie-ou-lappel-de-la-quincaille.pdf

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  • Publié le Apv 21, 2021
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