POST .SCRIPTUM • Si je me situe parmi les courants dialectiques ou existentiali

POST .SCRIPTUM • Si je me situe parmi les courants dialectiques ou existentialistes de la philosophie contemporaine, voici ce que j'en intègre et comment je me comprends . Je m'approprie la réaction contre l'idéalisme et le rationalisme, qui ne voient de nécessité, et par conséquent d'intelligibilité, que dans l'abstrait ou le pur logique, et qui de ce fait se développent en faisant abstraction du pen- seur et de l'être individuel. Pour moi l'important reste le problème de l'existence, de l'être singulier, de la personne, et conséquemment tout est dans les rapports des person- nes entre elles. L'être unique, original, c'est l'être indivi- duel, surtout l'être personnel. D'ailleurs c'est aussi le véri- table universel, si l'idée d'individu est pour les scolasti- ques un transcendantal. Tout enfant, je me suis demandé, « Que suis-je ? > Quel est d-Onc ce jaillissement d'acte et d'être qui me constitue, dont je suis responsable puisque j'en décide et que je dois le cont. rôler, le diriger, tant au point de vue intellectuel qu'au point de vue liberté ? II m'est donc impossible quand je pense de faire abstraction de moi, qui pense, qui veux et qui suis. Mettre en question l'être revient à me mettre en question dans l'être. En ce sens philosopher, ou penser, c'est bien plutôt être que parler de l'être, ou si vous voulez, c'est parler de l'être pour être. Organiser le système de l'être en représentation développe en. moi la présence et la liberté de l'esprit. J'ai donc très tôt senti la responsabilité de mon être et de ma personne. Je ne dirai point qu'habl- tuellement j'en aie ressenti l'angoisse ; non, car j'avale la foi. Mais j'en. ai vraiment ressenti parfois le souci, qui est allé presque à l'angoisse lors de certains tournants. Souci qui n'était autre que la recherche de l'unité de )'.es- prit. J'ai compris de même que j'étais un « être en situa- tion > ; car ces problèmes, et les développements, qu'ils ont provoqués, ont dépendu des situutions où je me suis .1f. Note tro1"· éc dant le, papier, du P. Mare aprèt •• mort. 6 A. MARC trouvé comme élève ou professeur. Les circonstances m'ont forcé à formuler, puis à résoudre les questions. Mais ces situations particulières et personnelles, j'ai tou- jours voulu les dominer, les comprendre, d'un point de vue universel, et je le répète, transcendantal au même sens que tout à l'heure. II s'agissait de me comprendre et de comprendre autrui pour l'aider à se comprendre. L'ex· périence a donc alimenté ma réflexion, pour s'universa- liser, et cette réflexion a toujours pris son départ dans une expérience personnelle et sociale très précisément située. De plus pour comprendre en moi l'être et l'esprit, ou pour me comprendre en eux, je me suis volontiers confronté avec d'autres pensées, pour que la mienne ait plus s!lre- ment valeur plus universelle. Par le fait que je me suis interrogé sur moi dans l'être et sur l'être en moi, les question ont eu pour moi l'aspect d'un mystère plus que d'un 1>roblème. Tandis que le pro- blème peut être mis devant vous, objectivé de manière à se détacher de vous, mes questions n'ont pas pu être déta- chées de moi, ni parfaitement objectivées, parce qu'elles s'identifiaient avec moi. Mais étant mystères de cette façon, elles étaient bien plus urgentes qu'un problème, qui reste extérieur. Je crois donc que le mystère est ce qu'il faut aborder avant tout. Pour toutes ces raisons, penser, philo- sopher, s'est trouvé « être plutôt que parler de l'être ,. ; ce qui ne veut pas dire qu'être ou vivre ·se soit réduit à cela. Ce fut parler de l'être pour être, c'est-à-dire croîh·e en présence et liberté d'esprit. Cela, je le répète, ne signi- fie pas que la pensée soit le seul moyen de cet effort. Tout cela redit les mêmes choses sous des mots différents. Il a donc été tout naturel que l'existence m'!lit paru être et ait été un passage du sensible à l'intelligible et au moral, qui s'achève dans le spirituel et le religieux. Tout cela par une décision de la liberté ! J'ai donc bien la certitude et le sentiment que l'homme est « laissé ,. aux mains de son propre conseil. « JJerelic- tus •. Pourtant je n'ai pas eu l'impression de l'abandon, et cela grâce à ln vocation ! Très tôt l'existence fut pour moi un appel, une mise en vocation ; idées qui amènent avec soi celles d'engagement, de fidélité. L'ayant d'abord vécu, je n'ai pas eu la moindre peine à l'admettre ensuite théoriquement. Je ne suis responsable de moi que pour répondre à celui qui m'appelle et j'ai toujours cru que celui-là s'appelait Dieu. Pour ce motif je suis libre, étant personne. POST-SCRIPTUM 7 Or quand cet appel vient de Dieu, qui veut que je Lui réponde dans une situation donnée, selon mon milieu familial, mon tempérament, et mes goûts, comment alors être el vivre peut-il être autre chose qu'un rnystè1·e : le mystère de l'amour de Dieu pour moi et le mystère de mon amour pour Lui ? Je ne puis que reprendre ce mot si beau de saint Augustin : « A tes yeux, mon Dieu, que !IUis- je, pour que mon amour pour Toi soit Ta volonté sur moi et qu'à Te le refuser j'encoure. ta colère ? » Alors j'ai découvert dans l'être une autre nécessité, une autre intelligibilité, que la nécessité abstraite ou toute mathématique, au plan du pur logique. Nécessité, intelli- gibilité supérieures à la nécessité abstraite, parce qu'à l'inverse de celle-ci, elles admettent et même exigent la liberté, la personne, et l'amour. Celle nécessité, , -.:elle intelligibilité rési.dent dans les rapports des personnes entre elles, et surtout de la personne humaine el de la personne divine. Si l'esprit et l'être comme tels dépassent le temps et n'en ont pas les caractères temporafres et partiels ; si donc l'esprit se donne, comme il est, tout entier, pour toujours, pour être donné sans reprise, l'intelligibilité dt:s rapports entre esprits est justement ce don, cet échange et cet engagement. L'intelligibilité de ces rapports est pré· cisément leur nécessité, dont le nom est la fidélité ! Intel- ligibilité, nécessité du consentement à l'être, d. e l'engage· ment et de la fidélité, qui sont mystère, surtout quand il s'agit de l'homme et de Dieu, du Dieu qui se dit « le Dieu fidèle » pour que l'homme soit aussi l'homme fidèle. Les deux étant fidèles l'un à l'autre pour être fidèles à soi. Dans cette situation, il est bien impossible de ne pas se poser la question du temps et de l'histoire, sans abor- der celle de leurs rapports avec l'éternité, ni celle de la mort sans la lier avec celle de la vie et du sacrifice, mais d~ sacrifice pour la réussite et le salut. Le mystère de la mort est celui de la vie, au point que la mort doit être un acte de vie. Certes ce mystère n'est pas sans angoisse ; mais comme. cette angoisse n'est pas angoisse devant le néant, laquelle mène au rlésespoi1· on à ln révolte, elle es~ espérance en Dieu. Si abandon il y a, c'est l'abandon de soi à Dieu. Cela n'a rien d'absurde ! L'analyse du signe de conscience, qui livre dans le jugement le rapport Homme et Dieu, livre encore le rap- port Homme à Homme ou Homme à Nature ; disons en bloc le rapport Homme à Homme dans la nature. Cela implique le social, à travers le familial. à travers toutes 8 A. MARC les complexités du biologique, de l'économique, du poli- tique. La vie humaine implique la vie du corps, sa trans- mission, son entretien, le travail, fa culture, et la vie per- sonnelle. Le rapport de l'homme à l'homme devant être non pas une opposition de contrariété (maitre-esclave) mais une opposition de pure relation pacifique ; et la première n'étant pas un moment nécessaire de droit pour la · secondeimais au plus un pur fait. lJ faut admett1 ·e à la fois en nous le matérialisme et la transcendance de l'esprit incarné. D'oü des développements qui se peuvent ainsi résumer. Le signe de conscience révèle dans notre conscience une. autre dimension que la connaissance par représen- tation : celle de l'amour. Au réalisme imparfait de la représentation s'amorce le réalisme radical de l'amour, qui ne se contente pas de s'assimiler les êtres par une représentation intentionnelle, mais cherche leur présence réelle en se laissant assimile1· par eux. D'oü le sens du mariage et des sexes pour cette union i·éel!e. La distinc- tion, homme et homme se précise en celle de l'homme et de la femme. La vie personnelle et familiale et sociale, impliquant la vie du corps et de l'esprit. suppose à la hase le monde du travail et de l'économique. Elle exige la justice, qui n'est autre que · l'insertion de l'amour et de la r aison sur le plan du biologique et de la nature, pour y réaliser des conditions telles qu'entre les hommes l'idéal de uploads/Philosophie/ 1962-andre-marc-post-scriptum-10p.pdf

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