Les prologues du « Théétète » et du « Parménide » Author(s): J.-J. Alrivie Sour

Les prologues du « Théétète » et du « Parménide » Author(s): J.-J. Alrivie Source: Revue de Métaphysique et de Morale , Janvier-Mars 1971, 76e Année, No. 1 (Janvier-Mars 1971), pp. 6-23 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40901288 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale This content downloaded from 87.77.212.141 on Thu, 22 Jul 2021 13:44:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Les prologues du « Théétète » et du « Parménide » Nous lisons les prologues des dialogues platoniciens comme essentie ceux-ci. Ce qui implique que l'écriture même du prologue est l'expres d'un aspect de la question philosophique, et que chaque prologue a rapport dialectique avec le reste du dialogue. Les prologues des textes platoniciens - qu'ils soient ou non diff renciés du corps du dialogue - ont en commun de situer spatio-tempo lement le discours. On peut se perdre à rechercher, de façon réaliste lieu et le temps de l'histoire qui pourraient correspondre au texte ; o peut aussi tenter de voir dans le prologue la mise en scène d'un temps d'un lieu mythiques où l'homme et l'institution humaine sont fig comme les conditions d'existence du discours, alors qu'en vérité c le discours lui-même qui se précède en eux et les qualifie comme hum Suivant cette hypothèse, le prologue met en scène la dialectique de l titution (nous dirions presque de la chose) et du discours : en nous sit le discours, en nous narrant sa provenance, il nous dit la chose en qu s'inscrit le discours, la lettre du discours, son corps. Il signifie que t discours est situé spatio-temporellement en une institution qui est e même institution du discours : elle est ^ua ; ce signe est tombeau, mo ment des (discours ) morts : on peut laisser dormir ceux-ci, on peut a y lire de la pensée. Lire (¿vaytYvoaaxw) c'est reconnaître, c'est ressusc les (discours) morts en les évoquant : passe-temps favori du philosop si l'on écoute Socrate nous dire, à la fin de Y Apologie, son souhait d'ê mort (ce Tsôvdivat, seul souci du seul philosophe comme le répète le Phédo pour pouvoir dialoguer avec les anciens. Le prologue apparaît ai comme une adresse au lecteur-philosophe, destinée à lui montrer les v marquées de la philosophie. Ces marques se spécifient, dans cha œuvre, suivant les propositions de sens dont est constitué le dialogu Les prologues du Théétète et du Parménide sont en ce sens régulie La première figuration du discours se précédant lui-même y est Pin 6 This content downloaded from 87.77.212.141 on Thu, 22 Jul 2021 13:44:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Les prologues du « Théétète » et du « Parménide » tution politique : les protagonistes de nos prologues se cherchent et se rencontrent dans la cité - et plus précisément dans une partie de la cité qui en est le cœur, l'agora. C'est en parcourant l'agora (xax' ayopav) qu'ils se mettent en présence, et l'agora, comme son nom et sa fonction le montrent, est bien le lieu de rassemblement où les hommes peuvent s'adresser à l'assemblée (icpoaayopsuco) par la parole : c'est le lieu où se retrempe la convention propre aux hommes vivant en commun. Il ne s'agit donc pas d'un cadre contingent pour le discours philosophique, mais bien plutôt de la loi sans laquelle il n'y a ni rassemblement humain ni dialectique : cette loi qui est loi de la cité, c'est la loi même du dis- cours. Le Criton l'a bien montré, qui met en œuvre le concept de òfAOAoyta (discours semblable) : ne pas demeurer (s^uevo)) dans ce qui a été dit de façon semblable, convenu, c'est détruire la communauté de la cité, c'est aussi détruire la dialectique - en contrevenant à la loi qui les constitue. La cité et l'agora sont le lieu du discours, mais aussi son temps. Voyons les premières lignes du Théétète : Euclid e : Est-ce à l'instant, Terpsion, ou depuis longtemps que tu es revenu des champs ? Terpsion : Depuis un certain temps (Ittisixíoç mcXat) et je te cherchais par l'agora... L'entrée dans la cité c'est l'entrée dans l'ordre temporel : temps de la présence dans le lieu du discours. Dans le Parménide, Céphale raconte : « Quand nous fûmes arrivés à Athènes venant de notre Clazomène, nous rencontrâmes par l'agora Adimante et Glaucon. » Ce lieu présent de la cité c'est ce par rapport à quoi sont situés les autres lieux et les autres temps : on revient des champs (sÇ a^poo), depuis peu ou depuis longtemps, on descend vers le port (eîç Xt(x£va)... Ce lieu présent, caractérisé par sa stabilité, conserve ensemble les hommes par les liens qu'il constitue : les liens de parenté retiennent dans le présent, par la généalogie, les anciens et les plus jeunes ; les liens d'hospitalité, d'une cité à l'autre, réunissent des hommes que l'espace et le temps séparent ; les simples liens de conci- toyenneté permettent les rencontres journalières. Ceci est longuement mis en œuvre dans nos dialogues : la fiction de discours à retrouver permet de déployer ces liens. C'est dans le Parmé- nide que la chose est le plus visible. Des concitoyens de Céphale ont entendu dire que les entretiens dialectiques de Zenon, Socrate et Parmé- nide avaient été retenus par un homme qui avait eu de fréquents rap- ports avec un compagnon de Zenon, Pythodore. Ils veulent entendre ces discours. Or Céphale, qui lui aussi veut les entendre, est déjà venu à Athènes. Ce sont donc les relations (probablement d'hospitalité puisque 7 This content downloaded from 87.77.212.141 on Thu, 22 Jul 2021 13:44:55 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms /.-/. Alrivìe Céphale connaît les enfants) liées lors de son précédent voyage, avec la famille de cet homme dont on a oublié le nom, mais non la famille, qui rendent possible pour nos étrangers l'audition de ces discours. Ils arrivent à Athènes et Céphale rencontre sur l'agora deux membres de cette famille, Adimante et Glaucon, à qui il demande le nom oublié en disant d'abord quel est le lien de parenté entre eux et le sans-nom : frères de même mère, ensuite quel est le nom du père du sans-nom : Pyrilampe. Une fois le sans-nom situé, d'une part, par rapport aux interlocuteurs de Céphale, d'autre part par rapport à son père (c'est-à-dire, dans le cadre de la cité, absolument), son nom est retrouvé : Antiphon. Ses demi-frères peuvent conduire vers lui, qui enfin existe, nos philosophes, vers lui et donc vers le discours. On voit que sans la cité, son lieu, son temps, ses généalogies où les noms remplissent les places marquées par les liens de parenté, ses rap- ports avec d'autres cités, il n'y a pas de discours. On pourrait analyser de la même manière le prologue du Théétète et surtout le début des entre- tiens de Socrate et de Théodore, où Théétète est situé généalogiquement par Socrate. Mais il faut ici distinguer : chacun de nos prologues use de lieux, de temps, de noms, de généalogies souvent différents dans leur détermi- nation. Terpsion, dans le Théétète, revient des champs, c'est-à-dire, si on se reporte au Phèdre, de l'absence d'homme et donc de discours : il retourne donc à l'homme et au discours en rentrant dans la ville où il recherche Euclide, sans savoir ce qu'il recherche, en homme venu des champs. C'est Euclide lui parlant de Théétète et des entretiens dialectiques de Socrate et de Théétète qui le renseigne sur la nature de sa demande : celle-ci se formule sur proposition d' Euclide. Terpsion peut alors dire : « Quels étaient ces discours ? peux-tu en faire le récit ? » Céphale et ses amis, dans le Parménide, viennent d'une cité et d'une cité de philo- sophes, Clazomène, et c'est à ce titre qu'ils sont philosophes. Regardons la phrase où Céphale les présente à Adimante : « Ces hommes... sont mes concitoyens, tout à fait philosophes... » Et, tout au contraire de Terpsion, ils savent ce qu'ils veulent, ils connaissent leur demande : les discours de Zenon, Socrate, Parménide. Venir de la ville, c'est venir déjà de la phi- losophie. Mais cette opposition se dialectise tout au long de nos deux dialogues : Théétète n'est pas encore philosophe, il ne sait pas ce dont il souffre, et Socrate se présente comme son accoucheur, comme accoucheur d'un discours qui n'est pas (encore). Théétète apprend. Alors que dans le Parménide, les protagonistes sont déjà dans le discours et le pra- tiquent ; même Socrate est déjà « saisi » par la philosophie s'il uploads/Philosophie/ alrivie-les-prologues-du-theetete-et-du-parmenide.pdf

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