Approche psychopathologique et psychanalytique des enfants surdoués G. Bleandon
Approche psychopathologique et psychanalytique des enfants surdoués G. Bleandonu, O. Revol Les enfants surdoués sont l’objet d’un intérêt grandissant. Alors qu’ils sont destinés à faire partie des élites intellectuelles, un tiers d’entre eux se retrouvent en grandes difficultés scolaires ou en échec si on ne leur vient pas en aide. Le diagnostic ne peut être établi avec certitude sans la passation de tests d’intelligence. On insiste de nos jours moins sur les performances que sur la particularité du profil intellectuel. Les surdoués peuvent être atteints par n’importe quel trouble mental, mais la fréquence des troubles n’est pas la même que pour les autres enfants. En outre, ces troubles sont nuancés par les caractéristiques affectives et intellectuelles de ces enfants. On rencontre surtout des difficultés scolaires et des troubles des apprentissages, de l’hyperactivité et de l’opposition, des troubles émotionnels (anxiété et dépression). La psychanalyse classique ne s’est guère intéressée à ce genre d’enfants. Mais la notion de mentalisation permet de renouveler une compréhension en passe d’être dominée par les sciences cognitives. Il faut insister sur le fait que de nombreux enfants surdoués sont en bonne santé mentale et qu’ils tirent profit de leur haut potentiel intellectuel pour réussir brillamment leurs études. Les professionnels sont indispensables lorsque la douance s’associe à d’autres troubles. La combinaison avec des pathologies limites ou narcissiques alimente les débats sur l’origine organique ou psychique des troubles. La meilleure approche est multifactorielle. Les professionnels disposent ainsi de réponses, soit thérapeutiques : conseil, guidance, psychothérapies ou rééducations, soit pédagogiques : saut de classe, enrichissement des programmes ou classes spéciales. Encore faut-il appréhender l’enfant dans sa globalité et ne pas se contenter de la seule évaluation du quotient intellectuel. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Surdoué ; Définition ; Repérage ; Psychopathologie ; Psychanalyse ; Aide Plan ¶ Introduction 1 ¶ Historique 1 ¶ Définition et qualification 2 ¶ Repérage de la douance 2 ¶ Tests psychologiques 3 ¶ Motifs de consultation spécifiques 3 Difficultés et retards scolaires 3 Hyperactivité et opposition 4 Troubles émotionnels 4 Anorexie mentale 4 Troubles du sommeil 4 ¶ Approche psychanalytique 4 ¶ Comment aider les surdoués en difficulté ? 5 ¶ Conclusion 6 ■Introduction Les professionnels de la santé mentale s’intéressent aux enfants surdoués pour plusieurs raisons. Ceux-ci peuvent connaître de sérieuses difficultés à l’école alors qu’ils paraissent destinés par leurs capacités intellectuelles à fournir les meilleurs élèves. Ces difficultés nécessitent une démarche psychopatholo- gique relativement nouvelle puisque nous sommes face à un continuum qui nous fait passer insensiblement vers le besoin d’un diagnostic et d’une aide spécialisée. Les enfants surdoués ont été essentiellement étudiés par des psychologues [1]. L’identification de la douance nécessite la passation de tests psychologiques. Les sciences cognitives se sont naturellement intéressées aux enfants surdoués qui offrent une sorte d’effet grossissant pour certains aspects de la cognition. La psychana- lyse a aussi son mot à dire car les motivations et l’organisation de la personnalité jouent un rôle dans la cognition. Un intérêt marqué pour les enfants surdoués s’est manifesté en France ces dernières années. Il est dû d’abord à l’action militante d’asso- ciations constituées par les parents de ces enfants. Elles sont peu représentatives par leur nombre d’adhérents, mais elles sont arrivées à se faire entendre des pouvoirs publics. Les médias (surtout les magazines et la télévision) ont fourni ces dernières années des dossiers et des témoignages. Cette effervescence médiatique contraste avec la quasi-absence de travaux scientifi- ques sur le sujet [2]. ■Historique Il n’en va pas de même dans d’autres pays. On peut faire remonter les débuts de cette notion au XIXe siècle lorsque Galton entreprit une étude scientifique des individus excep- tionnels qu’on qualifie de « génies ». Il s’aperçut qu’il y avait beaucoup de personnes remarquables dans la famille des génies. Il en conclut que le génie était héréditaire. Galton fit aussi un apport décisif aux mesures quantitatives. Il rendit possible ¶ 37-200-A-20 1 Psychiatrie/Pédopsychiatrie l’étude statistique des corrélations entre les différences indivi- duelles L’intérêt pour les génies a laissé place à celui pour les enfants surdoués au début du XXe siècle. Tout a commencé avec la mise au point en France par Binet et Simon d’une échelle pour mesurer l’intelligence. Terman, un psychologue américain, révisa le test et l’adapta pour son pays sous l’appellation « Stanford-Binet ». Lorsque les États-Unis se lancèrent dans la Première Guerre mondiale, Terman réussit à faire utiliser le test à très grande échelle pour sélectionner les combattants. Terman entreprit ensuite une fabuleuse recherche sur les enfants surdoués [3]. Il sélectionna une importante cohorte (1 500) d’enfants dont le quotient intellectuel (QI) atteignait ou dépassait 140. Il la compara à un groupe témoin. Les premiers résultats furent publiés en 1925. Les sujets furent de nouveau testés à plusieurs reprises jusqu’en 1947. L’étude se poursuivit après le départ à la retraite de Terman et même après son décès. La dernière collecte qui date de 1994 concernait des sujets âgés en moyenne de 78 ans. Des enseignants et des pédagogues en Europe comme aux États-Unis n’avaient pas attendu les résultats de la recherche scientifique pour venir en aide aux surdoués en difficulté. Une nouvelle étape fut franchie avec la création d’associations nationales en faveur de ces enfants. La consécration vint en 1947 avec l’apparition d’une association internationale baptisée Mensa et dont le siège se situe en Grande-Bretagne. Elle regroupe des personnes ayant un QI égal ou supérieur à 132 au test de Wechsler. L’inspiration se déclare généreuse : « détecter l’intelligence et favoriser son développement pour le bénéfice de l’humanité ». Les deux guerres mondiales au XXe siècle ont suscité ou favorisé des recherches et des innovations en faveur des surdoués. On a voulu, soit répondre au désir de justice sociale dans les masses, soit compenser les pertes en dirigeants et en chercheurs. On a établi un parallèle entre la manière de traiter les surdoués et celle de traiter les élites. Toutes les époques ont besoin d’élites et les jeunes surdoués apparaissent comme un vivier [4]. La fin de l’historique nous ramène en France. Julian de Ajuriaguerra, qui termina sa carrière de psychiatre au collège de France, semble avoir été le premier à utiliser le mot « surdoué » dans son Manuel de psychiatrie de l’enfant publié en 1970. Il avait trouvé son inspiration chez Terman et il avait adapté en français l’expression « highly gifted ». Le terme fut connu du grand public quand Chauvin publia en 1975 un livre de vulgarisation [5]. Par la suite, l’intérêt pour les surdoués a surtout été entretenu par les associations qu’animent leurs parents et quelques profes- sionnels cooptés. La plus ancienne association fut fondée en 1971 à l’initiative de Terrassier, un conseiller d’orientation scolaire et professionnelle [6]. ■Définition et qualification L‘abondance des appellations signale la complexité du sujet. L’Europe a préféré l’expression « high ability » qui signifie « aptitude élevée ». Une société savante dédiée à son étude s’intitule ainsi : « European Council for High Ability ». Le mot « gifted » a été proposé aux États-Unis dans les années 1920 et il reste d’un usage bien plus répandu. C’est lui dont on se sert avec les moteurs de recherche sur internet et il figure dans le titre de plusieurs revues spécialisées (Gifted Child Quaterly, Gifted Child Today, Roeper Rewiew, Gifted Education International, Journal for the Education of the Gifted, High Ability studies, etc.). En France, on l’a traduit par « surdoué ». L’adjectif désigne un enfant dont l’efficience intellectuelle évaluée par des tests est supérieure à celle obtenue par la majorité des enfants de son âge. Certains ont jugé par la suite le terme « politiquement incorrect » parce qu’il ferait état d’une supériorité et qu’il produirait une confusion avec les enfants prodiges. Ils ont préféré mettre en avant la précocité intellectuelle d’où le sigle « EIP ». L’intelligence de ces enfants se développe plus vite que celle de la majorité des enfants de leur âge. On n’a pas manqué de critiquer ce point de vue. En effet, rien ne garantit qu’à l’âge adulte, ces individus conserveront des capacités supérieures à la moyenne. D’autres préfèrent la neutralité et parlent d’ « enfant à haut potentiel ». Les Québécois ont évité toute connotation en se servant d’un néologisme : « douance ». En pratique, on peut dire aussi bien : doué, surdoué intellectuellement précoce ou à haut potentiel. Il convient de différencier les enfants surdoués des enfants prodiges qui disposent d’un niveau d’aptitude exceptionnel, mais dans un seul domaine. Les surdoués ne sont pas des génies qui, grâce à des capacités extraordinaires, réalisent des inventions, des créations ou des entreprises bénéficiant d’une reconnaissance universelle. Notons que l’opinion américaine rassemble les talentueux et les surdoués dans une même catégorie [7]. Le surdoué américain doit disposer d’un QI très élevé et faire preuve d’un talent dans un ou plusieurs domaines. La notion d’intelligence multiple avancée par Gardner amène à considérer aussi les performances et les talents en matière sociale, émotive et pratique. Cela nous conduit à insister sur la distinction entre créatif uploads/Philosophie/ approche-psychopathologique-et-psychanalytique-des-enfants-surdoues.pdf
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- Publié le Oct 12, 2022
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