L’éthique comme outil de gestion du risque dans l’agro-alimentaire ? Perception

L’éthique comme outil de gestion du risque dans l’agro-alimentaire ? Perceptions croisées de transformateurs et de distributeurs. Olivier BEUCHERIE – ISARA-Lyon Dominique KREZIAK – Université de Savoie Christine MONTICELLI – ISARA-Lyon Avril 2005 Cet article est issu des travaux réalisés dans le cadre du programme AQS « La prise en compte des aspects éthiques dans la compréhension de la perception psychologique et sociale des risques alimentaires » - convention R01/01 L’éthique comme outil de gestion du risque dans l’agro-alimentaire ? Perceptions croisées de transformateurs et de distributeurs. Résumé : L'éthique dans la pratique professionnelle peut-elle être utilisée comme un outil de gestion des risques alimentaires ? Les représentations et pratiques de transformateurs et de distributeurs sont analysées, révélant des similarités mais surtout des complémentarités. Au- delà des spécificités sectorielles, les différences de comportements vis à vis de l'éthique peuvent être induites par des spécificités ou des caractéristiques d'entreprises ou d'individus. Abstract : Can business ethics be used as a relevant risk management tool in agro-food industries? Analysing perceptions among manufacturers and distributors reveals that differences in behaviour are mostly related to personal or corporate characteristics. L’éthique comme outil de gestion du risque dans l’agro-alimentaire ? Perceptions croisées de transformateurs et de distributeurs. Introduction Dans un contexte marqué par une perte de confiance des citoyens-consommateurs, les acteurs de la filière agro-alimentaire (producteurs, fabricants et industriels, distributeurs, instances représentatives) cherchent à mettre en place des stratégies destinées à rassurer, et qui vont dans le sens d’un contrôle accru de la qualité et de la sécurité, d’une plus grande information et d’une plus grande transparence vis-à-vis de l’opinion publique. On note également le développement d’actions mettant l’accent sur les engagements des acteurs : mise en place de chartes (charte pour "une agriculture d'équilibre, écologique et alternative"- l'INRA et l'Agriculture Biologique, 1999), revendication de valeurs communes environnementales et citoyennes (par exemple, l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement, au travers de l’association FARRE). Les distributeurs également cherchent à se doter de codes de bonne conduite et de procédures de référencement chez leurs fournisseurs étrangers (engagement sur le respect des conditions de travail) ou français (cahiers des charges spécifiques relatifs aux conditions de production) qu’ils valorisent par leurs marques et leur communication grand public (LSA 5/10/2000). On observe ainsi l’importance accrue d’offres englobant une dimension éthique, dans diverses directions qu’il resterait à différencier selon des critères pertinents, et qui ont toutes un poids économique et social : il serait d’ailleurs nécessaire de classer et comparer des démarches comme le commerce équitable, le développement durable, l’agriculture biologique, les produits sous signes officiels de qualité (labels rouge, CCP, AOC), qui intègrent de plus en plus des critères portant sur l’environnement, le bien être et l’alimentation des animaux. D’autres facteurs viennent encore renforcer la présomption d’une montée en puissance de la notion d’éthique : le développement des fonds éthiques (2 160 000 milliards de dollars aux USA, 412 en France, in Qualité en mouvement n°46) ; la mise en place de la norme éthique SA 8000 et de la norme environnementale ISO 14000. Dans ce contexte, plusieurs questions de recherche apparaissent : - que recouvre la notion d’éthique pour les différents acteurs de la filière agro- alimentaire (transformateurs et distributeurs) ? - quelles stratégies et actions sont développées par ces mêmes acteurs en matière d’éthique ? - quels sont pour ces acteurs les liens entre éthique et risques alimentaires ? Après une première partie présentant une courte revue de la littérature sur éthique et entreprises, nous présenterons nos choix méthodologiques, puis nous développerons une analyse portant sur les points de recherche ci-dessus. L’éthique dans l’entreprise : un sujet de recherche récent en France dans lequel l’agro-alimentaire est absent. Ainsi que le précise Seidel (2001), en matière d’éthique des affaires ou « business ethics », on constate « une multitude d’approche très différentes et une approche peu systématique caractérisant la recherche académique en ce domaine, non seulement à travers le recours à des fondations philosophiques très différentes mais encore à travers l’origine géographique des chercheurs. » Il fait une différence importante entre les travaux des chercheurs américains, qui développent une approche homogène et relativement consensuelle depuis plus de 10 ans, et celles des chercheurs européens, très disparates. D’autre part il constate, en Europe, qu’il y a très peu de contacts entre la recherche en éthique des affaires et la recherche en sciences de gestion. Les relations entre l’entreprise, en général, et l’éthique sont abordées par de nombreux auteurs, selon des approches très variées. La tradition philosophique est sous-jacente à tous les débats sur l'éthique ou la déontologie de telle ou telle profession. Cela n'a rien d'étonnant, puisque dès lors que l'on pose la question des finalités de l'action, et de la légitimité des moyens mis en œuvre, on est renvoyé à des concepts et à des modes de raisonnement philosophiques et sociologiques. Cette caractéristique spécifique de l'éthique en gestion est plus fortement marquée dans le contexte français, dont « les références systématiques aux auteurs philosophiques constituent une des spécificités » (Pesqueux et Ramanantsoa, 1995). S'il est vrai que c'est la tradition intellectuelle française qui « fait que l’on ne peut légitimer l’éthique des affaires comme discipline du management sans référence philosophique » (ibid.), il nous semble que cela correspond à une nécessité de fond. Mais, répétons-le, l'intérêt d'une approche philosophique n'est réel que si elle se double d'une prise en compte approfondie des problématiques de l'action, intégrant toutes les contraintes de la gestion (Stark, 1993). L'éthique des affaires est par suite à concevoir comme une démarche qui doit associer la réflexion philosophique, la sociologie et la gestion (Moussé, 1995 ; Seidel, 1995 ; Saudan, 1995).Comme le souligne M. Pecqueur (1989), « la prise de conscience la plus fondamentale de ces dernières années est celle d’une réalité trop souvent oubliée, à savoir que l’homme est au centre des préoccupations de l’entreprise. Il faut en particulier veiller à la cohérence de l’image de l’entreprise vis à vis de tous ses publics, intérieur comme extérieur. Le personnel doit se reconnaître dans l’image de l’entreprise, sous peine de dysfonctionnement grave et de perte d’adhésion. » Les IAA : un type d’entreprises absent de la littérature sur l’éthique De façon étonnante, aucun auteur ne semble avoir abordé le domaine de l’agro-alimentaire et une éventuelle spécificité de l’implication de l’éthique dans les entreprises de ce secteur d’activité. F. Seidel (2001) aborde un domaine proche en traitant des produits pharmaceutiques, précisant que le « degré de banalité n’est pas inhérent au produit, il lui est conféré par un ensemble de facteurs dont l’attitude du public et la réglementation en vigueur sont certainement les plus importants ». Tout comme le marché du médicament, le marché de l’agro-alimentaire touche à la santé et à la vie ; de plus il touche à des produits qui eux-mêmes sont souvent vivants… ou morts. F. Seidel considère que « le marché de la santé « bénéficie » d’un environnement spécifique devant garantir sa « soumission » à l’intérêt général ». Les risques liés à la sécurité alimentaire Du point de vue des opérateurs (économiques ou institutionnels) des filières, aucun auteur n’aborde les questions relatives à la sécurité alimentaire par rapport à la dimension éthique. La notion de risque alimentaire perçu par les metteurs en marché est pourtant tout à fait essentielle dans les mécanismes de régulation des filières. Pour B. Canel-Depitre (2001), il y a lieu de distinguer « les risques à forte certitude (listériose) et ceux à forte incertitude (ESB) qui génèrent des situations soit de crise, soit d’alerte (OGM). » Par rapport à ce type de risques, le principe de précaution pousse aujourd’hui à une nouvelle logique de production ; il est reconnu depuis 1987 dans le droit international et depuis 1995 dans le droit français avec la loi Barnier. Mais le principe de précaution constitue-t-il un principe d’éthique ? L’éthique « outil de management » du décideur et de l’entreprise Une question souvent posée est celle de l’éthique en tant qu’outil de gestion pour les décideurs. Il s’agit avant tout de déterminer la finalité que l’on va donner à l’éthique en tant qu’outil de management. On introduit alors la notion de principe d’action. Selon les auteurs, « principes d’actions », « règles d’action » et « éthique » sont plus ou moins liés. Ainsi, J. Rojot (2002) estime que « principe et valeurs abstrait de décision n’ont de force suffisante que s’ils constituent une éthique ». Au niveau individuel, l’éthique peut être appréhendée comme une réflexion située en amont de l’action et visant à distinguer la bonne et la mauvaise façon d’agir. L’éthique organisationnelle est un système de valeurs largement adopté par l’ensemble des collaborateurs. (S. Mercier, 2001) La dimension individuelle du manager, du décideur Bien que l'on insiste souvent sur le rôle stratégique des dirigeants dans l'élaboration des principes éthiques de l'entreprise, en particulier dans la rédaction des codes ou des chartes, on accorde en général peu d'importance aux convictions profondes des dirigeants et des cadres, en tant que facteur explicatif du développement de l'éthique en entreprise. A. Pellissier-Tanon uploads/Philosophie/ l-ethique-comme-outil-de-gestion-du-risq-pdf.pdf

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