APPROCHES PSYCHOLOGIQUES ET DIDACTIQUES EN TECHNOLOGIE l'exemple du dessin tech
APPROCHES PSYCHOLOGIQUES ET DIDACTIQUES EN TECHNOLOGIE l'exemple du dessin technique Pierre Vérillon À la différence d'autres objets d'enseignement du champ technologique, le dessin technique bénéficie d'une tradition de recherche déjà longue. Cet article évoque d'abord les principales étapes de cette histoire qui ont conduit à concevoir l'activité de lecture du dessin comme résultant de la maîtrise progressive et solidaire de trois champs conceptuels : géométrique, sémiologique et technologique. Ensuite, au plan didactique, une approche psychologique des compétences spatiales initiales des apprenants et une analyse fonctionnelle du code de représentation analogique des formes et dimensions propre au dessin technique sont présentées comme pouvant contribuer à l'élaboration de savoirs à enseigner. À titre d'illustration, quelques propositions issues d'une progression destinée à une formation à la communication technique sont détaillées. le dessin technique, objet de nombreux travaux de recherche La didactique en tant qu'étude scientifique des phénomènes et processus d'enseignement a, actuellement, encore peu investi le domaine des enseignements techniques et profes- sionnels, même si l'émergence, depuis peu, de différents lieux de recherche permet d'espérer qu'à terme cette situa- tion évolue. Il est, cependant, un domaine dans lequel ce constat ne se vérifie pas : c'est celui du dessin technique. En effet, en tant qu'objet d'enseignement en formation pro- fessionnelle initiale et continue, celui-ci a donné lieu, depuis plusieurs décennies, à de nombreuses recherches et expéri- mentations, ainsi qu'à un ensemble important de publica- tions visant tant la communauté enseignante que celle des chercheurs. Cet article (1) se propose, dans un premier temps, de déga- ger brièvement les grandes lignes d'évolution de ces travaux. Nous évoquerons notamment la façon dont les recherches de l'INRP se situent dans cet ensemble et comment, pour notre part, nous analysons les tâches et activités de lecture. Ensuite, nous présenterons des propositions didactiques, dérivées de ces analyses, et destinées à favoriser chez les élèves le développement de compétences pour une utilisa- tion generative des graphismes techniques. (1) Ce texte reprend une communication prononcée lors du colloque "Perception 3D" organisé par l'Association des Professeurs de Technologie de l'Enseignement Public, les 24 et 25 novembre 1995 au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris. ASTER N° 22. 1996. Images et activités scientifiques. INRP, 29, rue d'Ulm, 75230 Paris Cedex 05 128 1. RECHERCHES EN PSYCHOLOGIE ET DIDACTIQUE : ÉVOLUTIONS ET CARACTÉRISTIQUES des problèmes issus du terrain un détour par la psychologie Les recherches et innovations pédagogiques reflètent à la fois une conception du contenu enseigné - sa nature, sa structuration, ses propriétés - et une conception de l'appre- nant - fonctionnement cognitif, difficultés prévisibles, etc. Aussi, dans cette première partie, dans laquelle nous pré- sentons rapidement l'évolution des recherches sur la lecture du dessin, l'objectif sera moins de détailler les résultats trouvés par les auteurs que de tenter de repérer, au sein de leur approche, les conceptions successives qui ont dominé les interprétations et hypothèses. La difficulté de l'apprentissage et de la maîtrise du dessin technique est soulignée de manière récurrente par les ensei- gnants qui évoquent les échecs nombreux et durables des élèves ainsi que par les industriels qui se plaignent des per- formances insuffisantes des sortants du système éducatif dans ce domaine. Aussi les premiers travaux, de nature pédagogique et méthodique, traduisent-ils, tout naturelle- ment, des préoccupations de terrain. Leurs auteurs, ensei- gnants confrontés directement aux difficultés des élèves, ont avant tout cherché à élaborer des stratégies visant à réduire ou à contourner celles-ci. Ces tentatives se distinguent par le caractère très global, tant de la caractérisation des obs- tacles supputés, que des solutions proposées. Le souvenir des nombreuses méthodes auxquelles elles ont donné lieu, celui des débats vigoureux qu'elles ont soulevés, sont encore vivants : méthode de la cale entaillée, méthodes indirecte, directe, de l'observateur projeteur, etc. Avec le recul, il apparaît que ce qui fait fondamentalement défaut, à la fois au niveau de la conception et de l'éva- luation de ces méthodes, c'est un cadre de compréhen- sion fine du fonctionnement cognitif des sujets dans les tâches d'apprentissage et d'utilisation du dessin tech- nique. Aussi, les premières manifestations d'intérêt pour le domaine, de la part de psychologues du travail et de la for- mation professionnelle, marquent-elles un tournant impor- tant dans l'histoire de la didactique des graphismes techniques. Les premiers travaux des psychologues se distinguent de ceux des pédagogues surtout en ce qu'ils introduisent une instrumentation méthodologique pour étayer leurs diagnos- tics et évaluations. Par une expérimentation systématique, ils visent d'abord à mettre en évidence des données (faits, régularités, relations, etc.) fiables et mesurées. Cependant, si en ce sens ils présentent un réel progrès par rapport aux tentatives précédentes, la formulation des ques- tions de recherche demeure encore très globale. C'est ainsi que Spencer (1965) cherche à comparer les performances de lecture de sujets néophytes selon que les vues d'une pièce 129 sont disposées selon la norme américaine ou européenne. Il compare également les performances de lecture selon diffé- rents modes de projection : vues orthogonales, vues sous différentes perspectives : conique, cavalière, isométrique. Les effets sont mesurés en terme de délai de réalisation du montage simple demandé. Leplat et Petit (1965) s'interro- gent sur l'effet que peut avoir une activité préalable de des- sin sur la réalisation d'une tâche de fabrication en atelier. Fassina et Petit (1969) cherchent à "vérifier dans quelle mesure l'apprentissage de l'écriture du dessin favorise l'ap- prentissage de la lecture". Les constats effectués restent très généraux et, de fait, ne font pas avancer significativement la connaissance des pro- cessus cognitifs à l'œuvre. A-théoriques et empiriques, ces recherches s'attachent davantage à documenter des pro- blèmes encore formulés de manière très proche des questions issues du terrain qu'à interpréter et rendre compte des phénomènes à travers un modèle. Par rapport à cette situation, une évolution méthodologique un cadre e t épistémologique décisive intervient lorsque Fassina et d'analyse Petit (1969) sont conduits à s'intéresser aux erreurs de lec- des erreurs ture de leurs sujets, non plus au titre de variable ou indica- teur global d'un effet d'apprentissage, mais comme objet d'étude en soi. L'analyse des erreurs et l'élaboration de modèles pour en rendre compte vont dès lors s'imposer comme une voie dominante et féconde de la recherche sur le dessin. La tâche consistait à détecter un certain nombre d'erreurs introduites dans des dessins de pièces : traits absents ou en surnombre, erreurs de ponctuation des traits, erreurs de cotation. Les auteurs constatant qu'une activité préalable d'écriture n'élimine pas les erreurs de lecture, concluent à la nécessité d'une formation spécifique à la lecture. Un retour sur les protocoles pour analyser plus finement les erreurs révèle, chez les élèves, un manque de précision dans l'obser- vation et une difficulté à mettre en relation de manière cohérente les observations effectuées. Pour rendre compte de ces difficultés et élaborer des épreuves d'entraînement à la lecture, la théorie de l'information, qui connaît alors un certain succès en psychologie comme modèle du traitement cognitif des afférences perceptives, s'impose comme le cadre conceptuel le plus indiqué. Le dessin est alors conçu comme le support perceptif d'informations, chaque trace ou "événe- ment" graphique constituant un signal ou un indice qui requiert de la part du sujet une activité de recherche, de sai- sie et de traitement. La progression mise au point par les auteurs s'avère effecti- vement efficace mais la hiérarchie des difficultés prévue par les auteurs en référence à la théorie de l'information se trouve dans les faits infirmée. L'analyse des résultats fait apparaître l'existence de difficultés de nature différente entre épreuves et même à l'intérieur de certains groupes 130 d'épreuves considérées comme identiques. L'hypothèse ini- tiale d'une progression linéaire des difficultés en fonction du nombre d'indices perceptifs traités au cours de la résolution du problème doit être rejetée. des références E n ^7^< Weill-Fassina va procéder à une réinterprétation théoriques de c e s résultats dans le cadre théorique élaboré par Piaget piagétiennes et Inhelder (1948) pour rendre compte de la construction de l'espace représentatif chez l'enfant. Elle propose de classer les épreuves en fonction du type d'espace représentatif géo- métrique requis pour les résoudre : - espace topologique, fondé sur des relations de voisinage et d'ordre, des rabattements dans les plans horizontal et vertical ou des rotations ; - espace projectif, impliquant la coordination des diffé- rents points de vue sous lesquels sont représentés les objets. En confrontant ces catégories avec les conduites des sujets, elle met en évidence deux types de stratégies : - une stratégie "figurative", inadéquate à l'espace projectif car fonction d'une représentation topologique conduisant par exemple à juxtaposer les différentes vues orthogonales pour en déduire une vue d'ensemble ; - une stratégie "opératoire", consistant à exécuter les transformations nécessaires pour coordonner les diffé- rents points de vue et conduisant à la réussite, dans la mesure où les transformations sont réalisées de manière complète. La formulation de ces hypothèses marque le passage d'une conception de la tâche de lecture considérée comme le trai- tement d'une combinatoire d'indices perceptifs hiérarchi- quement indifférenciés à une conception en terme de l'adéquation de registres de fonctionnement cognitif à des uploads/Philosophie/ approches-psychologiques-et-didactique-exemple-du-dessin-technique.pdf
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- Publié le Jui 20, 2022
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