Archives de sciences sociales des religions 171 | 2015 Chrétiens au Proche-Orie
Archives de sciences sociales des religions 171 | 2015 Chrétiens au Proche-Orient La Phénoménologie de la vie religieuse du jeune Heidegger : une mise en perspective Young Heidegger’s Phenomenology of Religious Life: Broadening the Perspective La Fenomenología de la vida religiosa del joven Heidegger : una puesta en perspectiva Claudia Serban Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/assr/27125 DOI : 10.4000/assr.27125 ISSN : 1777-5825 Éditeur Éditions de l’EHESS Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2015 Pagination : 213-230 ISBN : 9-782713224706 ISSN : 0335-5985 Référence électronique Claudia Serban, « La Phénoménologie de la vie religieuse du jeune Heidegger : une mise en perspective », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 171 | 2015, mis en ligne le 01 septembre 2018, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/assr/27125 ; DOI : 10.4000/assr.27125 © Archives de sciences sociales des religions Claudia Serban La Phénoménologie de la vie religieuse du jeune Heidegger : une mise en perspective Le volume 1 intitulé Phénoménologie de la vie religieuse (Martin Heidegger, Phénoménologie de la vie religieuse, trad. par Jean Greisch, Paris, Gallimard, 2011) est une traduction du tome 60 de l’édition complète des œuvres de Heidegger 2 – œuvres qui, selon la formule placée par l’auteur en exergue de ce projet de publication intégrale de ses travaux, sont à prendre plutôt comme des chemins : Wege, nicht Werke. Dans cette perspective, et sans nécessairement vouloir surestimer la métaphore du « chemin de pensée » de Heidegger (méta- phore rendue classique par son commentateur Otto Pöggeler 3 et alimentée comme on le voit par Heidegger lui-même), il est indispensable de situer ces contributions du jeune Heidegger à la philosophie de la religion à l’intérieur de son propre itinéraire philosophique 4. Le volume qui nous intéresse principalement ici com- prend deux cours et un projet de cours appartenant au premier enseignement fribourgeois de Heidegger (allant de 1919 à 1923, avant les quatre années passées à Marbourg en tant que professeur Extraordinarius de l’automne 1923 à l’été 1928, et donc bien avant sa première grande publication de 1927, Être et temps, 1. Cet article représente une version remaniée et complétée d’un exposé fait à l’EHESS le 20 février 2013 dans le cadre du séminaire pluridisciplinaire « La théologie et les sciences sociales » organisé par Pierre Antoine Fabre et Dominique Iogna-Prat. 2. Martin Heidegger Gesamtausgabe, tome 60 : Phänomenologie des religiösen Lebens : 1. Einleitung in die Phänomenologie der Religion, 2. Augustinus und der Neuplatonismus, 3. Die philosophischen Grundlagen der mittelalterlichen Mystik, éd. par Matthias Jung, Thomas Regehly et Claudius Strube (noté GA 60), 1995, 20112. 3. Otto Pöggeler, Der Denkweg Martin Heideggers, Pfullingen, Neske, 1963 (La pensée de Martin Heidegger : un cheminement vers l’être, trad. par Marianna Simon, Paris, Aubier- Montaigne, 1967). 4. Nous ne pourrons pas tenir compte ici des éléments apportés par la publication des Schwarze Hefte, parus lorsque notre texte était déjà rédigé et qui, de toute façon, exigeraient une réflexion à part entière, que nous réservons pour des travaux à venir. Sur le rapport de Heidegger à la tradition juive, nous renvoyons à l’ouvrage désormais classique de Marlène Zarader : La dette impensée : Heidegger et l’héritage hébraïque, Paris, Seuil, 1990. Voir aussi le livre plus récent (et plus polémique) de Peter Trawny : Heidegger und der Mythos der jüdischen Weltverschwörung, Francfort, Klostermann, 2014 ; Heidegger et l’antisémitisme, trad. par Julia Christ et Jean-Claude Monod, Paris, Seuil, 2014. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS 171 (juillet-septembre 2015), p. 213-230 214 - Archives de sciences sociales des religions qui permit à Heidegger d’avoir un poste définitif à Fribourg). Il s’agit, en pre- mier lieu, du cours du semestre d’hiver 1920-21, intitulé Introduction à la phénoménologie de la religion où, après un long préambule méthodologique, Heidegger propose une interprétation phénoménologique (nous verrons en détail ce que cela signifie dans ce contexte précis) de l’Épître aux Galates et des deux Épîtres aux Thessaloniciens de Saint Paul. Deuxièmement, nous trouvons dans ce même volume le cours de l’été 1921, Augustin et le néo-platonisme, qui contient notamment une interprétation (toujours phénoménologique) du livre X des Confessions. Enfin, le volume comprend aussi les notes préparatoires d’un cours projeté pour l’hiver 1918-19 qui, du fait des circonstances historiques liées à la fin de la Première Guerre mondiale, n’a pas pu être tenu, et dont le titre est très ambitieux : Les fondements philosophiques de la mystique médiévale 5. Ce même cours a été annoncé par Heidegger pour le semestre d’hiver 1919-20, mais il a été finalement remplacé par un cours (qui forme le tome 58 de l’édition intégrale) intitulé Problèmes fondamentaux de la phénoménologie (cf. Theodore Kisiel, The Genesis of Heidegger’s « Being and Time », Berkeley, University of California Press, 1995, p. 76). Le premier enseignement fribourgeois de Heidegger, auquel ces cours appar- tiennent, est réuni le plus souvent sous la rubrique « herméneutique de la vie facticielle 6 ». De fait, il s’agit d’une période où Heidegger est en dialogue, parmi ses contemporains proches, à la fois avec Husserl, Natorp, Jaspers, Troeltsch, mais aussi avec Dilthey, mort en 1911. Parmi ces derniers, c’est la double filiation husserlienne et diltheyenne qui mérite d’être soulignée et qui marque de son sceau la manière qu’a Heidegger de procéder en philosophie de la religion : d’une part, il propose une approche herméneutique attentive au caractère historique de ce qui est décrit et qui voit dans les écrits néo-testamentaires, patristiques et mys- tiques des expressions historiques de la vie du chrétien ; d’autre part, une approche phénoménologique, elle aussi attentive à la dimension vécue, mais en même temps plus soucieuse de la question méthodologique de l’accès à ce qui est à décrire, et plus portée vers des descriptions d’essence. La phénoménologie de la vie reli- gieuse du jeune Heidegger est une phénoménologie herméneutique, ou encore une herméneutique phénoménologique, et c’est là que réside sans doute son 5. Au sujet de ces notes, nous renvoyons à l’étude minutieuse de Sylvain Camilleri : Phéno- ménologie de la religion et herméneutique théologique dans la pensée du jeune Heidegger, Dordrecht, Springer, 2008. 6. Pour sa réception en France, voir les travaux de Jean Greisch, dont notamment L’Arbre de vie et l’Arbre du savoir. Le chemin phénoménologique de l’herméneutique heideggérienne (1919-1923), Paris, Cerf, 2000, et de Sophie-Jan Arrien, dont surtout L’inquiétude de la pensée, Paris, PUF, coll. « Épiméthée », 2014. L’option interprétative de Sophie-Jan Arrien, qui est de lire l’herméneutique de la facticité du jeune Heidegger pour elle-même et non comme un préam- bule à l’analytique existentiale déployée plus tard par Être et temps, nous semble particulière- ment apte à saisir et à restituer l’originalité du projet de phénoménologie de la vie religieuse qui nous intéresse ici. La Phénoménologie de la vie religieuse du jeune Heidegger - 215 principal intérêt pour la méthodologie des sciences religieuses. C’est un point sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. Mais pourquoi, on peut se demander, une phénoménologie de la vie religieuse ? Dans l’Allemagne de l’époque, cette conjonction de termes n’a rien d’évident. En philosophie, le courant phénoménologique est rattaché au nom d’Edmund Husserl, dont le premier ouvrage important est une Philosophie de l’arithmétique (1896) et le second, des Recherches logiques (1900-1901) élaborées dans un débat étroit avec la psychologie de l’époque. Husserl, juif converti au protestan- tisme, tout en n’étant pas complètement étranger aux questions théologiques ou religieuses (on dispose ainsi de plusieurs ouvrages sur son approche de la ques- tion de Dieu 7), ne leur a jamais accordé une place centrale, ou même importante, dans sa propre phénoménologie. La position philosophique de Husserl, au tour- nant des années 10, est celle d’un idéalisme transcendantal qui désactive la diffé- rence traditionnelle entre connaissance humaine et connaissance divine et entend fournir des descriptions eidétiques de l’expérience (de la perception, par exemple) qui sont censées valoir « même pour Dieu » – pris ici plutôt en tant qu’idée ou idéal, et non pas comme objet de la foi ou de la théologie. On ne trouvera donc pas, chez Husserl, quelque chose comme une phénoménologie de la vie religieuse 8 – même s’il produit par ailleurs de fines analyses des modalités de la croyance que l’on pourrait mettre avec profit au service uploads/Philosophie/ assr-27125.pdf
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- Publié le Fev 24, 2021
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