Quelle limite à la liberté d’expression ? Un bon sujet de dissertation de philo
Quelle limite à la liberté d’expression ? Un bon sujet de dissertation de philo pour le bac 2015 par Nicomaque le 03/08/2015 le-nouvel-economiste-logoArticle publié dans Le Nouvel Economiste par Philippe Plassart T enue pour acquise, héritée de la Révolution, inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, la liberté d’expression ne va pourtant pas de soi. C’est ce que les Français ont redécouvert avec la tragédie que vient de vivre le pays, qui a révélé tout à la fois sa fragilité lors des attentats, mais aussi sa force à l’occasion du 11 janvier. Certes, on le savait : la liberté d’expression n’a rien d’un principe universel. Les dictatures, même douces, se caractérisent encore et toujours par la répression des voix dissidentes et le musellement des médias. Mais ce que l’on a redécouvert aussi, c’est combien l’exercice de cette liberté se pratique de façon différente au sein même de nos sociétés libérales et démocratiques. Affaire de culture, mais pas uniquement, car c’est bien la question des limites à poser à cette liberté qui signe les exigences d’une civilisation entre le droit de tout dire et celui de ne pas nuire à autrui. Avec ce paradoxe frappant : c’est aux États-Unis, pays du “free of speech” garanti par le premier amendement de la constitution, où les grands médias ont flouté les caricatures du prophète publiées dans Charlie Hebdo. Et c’est en France, où la liberté d’expression est bien plus encadrée par la loi que ne le croient les Français eux-mêmes, que l’hebdomadaire satirique déploie son style, et trouve au moins momentanément son public. Trois enjeux Il convient donc de cadrer cette problématique des limites par la réaffirmation préalable des vertus intrinsèques de la liberté d’expression. Il y a en premier lieu la dimension économique et scientifique, et son corollaire, l’idée même du progrès. Ce dernier est impossible sans remise en cause des connaissances acquises. Or pour bousculer les certitudes les plus établies, il faut laisser s’exprimer les voix qui rompent les consensus. La révolution galiléenne s’est heurtée à la censure vaticane avant de s’imposer. Et la “vérité” de la science prolétarienne – et de l’homme nouveau – a fait régresser comme jamais sous Staline la biologie. Inversement quand aujourd’hui Laurent Alexandre proclame la “mort du cancer”, il brise un tabou, rompt avec une certaine forme de fatalisme et ouvre des horizons nouveaux. Ce qui est vrai pour la science l’est aussi pour l’économie schumpétérienne de l’innovation, qui requiert une société “ouverte” et attentive à la nouveauté – et donc la libre circulation des idées. Il est admis qu’une des limitations au développement futur de la Chine tient à la mise sous coupe réglée de sa société civile. Car – et c’est le deuxième enjeu d’ordre politique – la liberté d’expression est la compagne nécessaire et utile de la démocratie. Face à la majorité, la minorité – y compris ses marges – doit pouvoir manifester ses opinions pour lui permettre de devenir un jour à son tour la majorité. Il faut donc admettre la controverse, la critique, le débat contradictoire. Enfin, troisième enjeu sociétal, la liberté d’expression peut être considéré comme le ciment nécessaire du “vivre ensemble”, garante, par son mode opératoire – les mots et non les coups – d’une coexistence pacifique entre les individus et les groupes aux opinions divergentes. L’arsenal juridique Solide dans les principes qui la justifient, la liberté d’expression n’en soulève pas moins dans la pratique une question essentielle : celle des limites à mettre à son exercice. Avec sous-jacente à cette problématique, le statut – et la portée – d’une opinion à laquelle l’école libérale apporte une réponse tranchée. “Seule la menace physique et l’appel à la violence doivent être interdits dans une société civilisée. La pensée ou la parole peuvent offenser, mais ne tuent pas. Les crimes de pensée n’existent pas. Rien ne justifie d’interdire des opinions que l’on peut juger immorales, fausses, stupides, voire scandaleuses”, estime Damien Theillier. Une vision à rebours d’une autre tradition qui, loin de dissocier pensée publique et actes, lie les deux en termes de responsabilité. C’est sur cette base que s’est développé tout particulièrement en France tout un arsenal juridique visant à contenir la liberté d’expression. “Le socle, c’est la loi sur la presse de 1881 qui interdit l’injure et la diffamation, et qui a été complétée au gré des événements et des évolutions sociologiques, avec comme ligne de force l’élargissement de la protection des individus aux groupes” explique Maître Jean- Yves Dupeux, avocat spécialisé. Loi Pleven contre le racisme et l’antisémitisme, loi Gayssot contre le négationnisme, loi contre l’homophobie, contre la stigmatisation des handicapés, etc., les juges sont placés en première ligne. Et la part des choses peut se révéler, parfois, difficile à faire. Un exercice qui n’a rien d’évident – comment distinguer la satire, qui a droit de cité, de l’injure ou l’incitation à la haine et à la violence, qui est interdite – et dont la cohérence n’est pas toujours évidente. “Quand Houellebecq déclare que ‘la religion musulmane est la plus con’, il est relaxé. Mais s’il avait dit ‘les musulmans sont des cons’, il aurait été condamné” illustre l’avocat. L’appel à la responsabilité D’où l’idée d’en appeler plutôt à un autre principe, celui de la responsabilité. “La liberté d’expression ne vaut dans l’absolu que si elle s’accompagne de la responsabilité de son usage, et implique donc de faire preuve de la retenue nécessaire”, nuance ainsi Pierre Bessard, directeur général de l’Institut libéral en Suisse. “Si la civilité ou la politesse étaient remplacées en permanence par les injures ou les provocations, la vie privée, la vie professionnelle ou publique, deviendraient insupportables”, argue-t-il. Et ce qui vaut pour la sphère privée vaut aussi pour la sphère publique. “Il n’en va pas autrement de la liberté de la presse, qui tire sa crédibilité de la responsabilité avec laquelle elle est usée, de la bonne foi, du sens de la mesure et des compétences des rédacteurs”, reprend Pierre Bessard. Oui, sans doute, mais à condition de ne pas sombrer alors dans l’autocensure et le politiquement correct, ces travers qui étouffent à petit feu le débat démocratique dans nos sociétés. Une piste pour sortir de la contradiction : apprendre dès le plus jeune âge à bien communiquer pour mieux convaincre (contextualiser le message, dissocier le fond et la forme), tant il est vrai que la provocation parfois nécessaire pour soulever les tabous ou faire bouger les lignes se révèle toujours d’un maniement délicat. uploads/Philosophie/ en-france.pdf
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- Publié le Fev 17, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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