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Repères, recherches en didactique du français langue maternelle Apprendre par franchissement d'obstacles ? Mr Jean-Pierre Astolfi Résumé Les nombreuses études sur les représentations des élèves ont contribué à modifier le statut didactique de l'erreur. La mise en place des cycles à l'école primaire reprend à son compte une telle orientation. Sur cette base, l'article développe l'idée de savoir comment l'on peut dépasser la simple «prise en compte positive» de l'erreur, et concevoir les obstacles comme de véritables outils didactiques au service de l'apprentissage. Il met au centre de la réflexion le concept d'objectif-obstacle. Deux pistes sont particulièrement développées et illustrées. La première porte sur la possibilité d'une gestion à long terme des objectifs-obstacles pour repenser l'idée d'une «pédagogie spiralaire». L'appui sur les objectifs-obstacles fournit un critère organisateur des progressions, chaque reprise précisant ce qui la distingue du «tour de piste conceptuel» précédent, et conduisant à un énoncé scientifique qui fait mieux apparaître le progrès intellectuel correspondant. La seconde concerne, de façon plus locale, le mode de construction des séquences d'enseignement, orientées par le franchissement d'un obstacle. Citer ce document / Cite this document : Astolfi Jean-Pierre. Apprendre par franchissement d'obstacles ?. In: Repères, recherches en didactique du français langue maternelle, n°5, 1992. Problématique des cycles et recherche. pp. 103-116; doi : https://doi.org/10.3406/reper.1992.2052 https://www.persee.fr/doc/reper_1157-1330_1992_num_5_1_2052 Fichier pdf généré le 04/05/2018 APPRENDRE PAR FRANCHISSEMENT D'OBSTACLES ? Jean-Pierre ASTOLFI Université de Rouen, Equipe de didactique des sciences de l'INRP Résumé : Les nombreuses études sur les représentations des élèves ont contribué à modifier le statut didactique de l'erreur. La mise en place des cycles à l'école primaire reprend à son compte une telle orientation. Sur cette base, l'article développe l'idée de savoir comment l'on peut dépasser la simple «prise en compte positive» de l'erreur, et concevoir les obstacles comme de véritables outils didacti¬ ques au service de l'apprentissage. Il met au centre de la réflexion le concept d'objectif-obstacle. Deux pistes sont particulièrement développées et illustrées. La première porte sur la possibilité d'une gestion à long terme des objectifs- obstacles pour repenser l'idée d'une «pédagogie spiralaire». L'appui sur les objec¬ tifs-obstacles fournit un critère organisateur des progressions, chaque reprise précisant ce qui la distingue du «tour de piste conceptuel» précédent, et conduisant à un énoncé scientifique qui fait mieux apparaître le progrès intellectuel correspon¬ dant. La seconde concerne, de façon plus locale, le mode de construction des séquences d'enseignement, orientées par le franchissement d'un obstacle. Depuis une dizaine années, on s'accorde à reconnaître l'importance des représentations dont disposent déjà les élèves, au moment où Ton se propose de leur enseigner des savoirs scolaires. On peut même dire que, d'une certaine façon, la didactique des sciences s'est construite autour de ce concept de représentations (que Giordan préfère appeler des conceptions) puisque aujourd'hui encore, c'est autour de cette question que l'on trouve, au plan mondial, la plus abondante littérature. Un grand nombre de concepts physiques, chimiques et biologiques, ont fait l'objet de recherches de représentations, et souvent de thèses. Evoquons simplement ici quelques études classiques, autour de la conception des forces (Viennot, 1 979), de la génétique (Rumelhard, 1 986), du courant électrique (Johsua, 1988), etc. Des ouvrages de synthèse et des revues de question sont disponibles pour les enseignants scientifiques et les formateurs en didactique des sciences. (Giordan et De Vecchi, 1987 ; Jonnaert, 1988 ; Tiberghien, 1985 ; Viennot, 1989). 1. UN NOUVEAU STATUT DE L'ERREUR Un tel foisonnement de travaux a contribué à la modification du statut didac¬ tique de l'erreur, et au développement de modèles constructivistes de l'apprentis¬ sage. La mise en place des cycles à l'école élémentaire reprend à son compte cette 103 REPÈRES N° 5/1992 J.-P. ASTOLFI orientation, et le document officiel relatif à leur mise en place des cycles précise que «l'erreur devient l'outil privilégié du maître pour recenser les lacunes ou les faibles¬ ses, pour explorer les démarches d'apprentissage, pour élaborer et mettre en oeuvre les réponses appropriées». 1.1. Les représentations comme système explicatif, fonctionnel pour l'élève En fait, la représentation va bien au delà de l'idée d'erreur, puisqu'elle s'est constituée le plus souvent comme un système explicatif pour l'élève, construit de longue date, et qui s'avère fonctionnel pour lui. Le schéma proposé dans notre Que sais-je ?sur la didactique des sciences fait bien apparaître la diversité des dimen¬ sions d'analyse des représentations (Astolfi et Develay, 1989), et permet de s'expliquer ce qui ressort de tous les travaux didactiques : le fait qu'elles traversent de façon diachronique la scolarité, qu'elles perdurent souvent ... jusque chez les étudiants avancés dans leur discipline universitaire, et même chez les enseignants qu'ils deviennent ensuite ! ORIGINE(S) POSSIBLE(S) Perception du contrat didactique SITUATION DE PRODUCTION . scolaire ou non . en réponse à une question . pour trancher un différend . pour anticiper une action . pour résoudre un problème proposé... inachèvement du développement cognitif ambiguïtés du langage surdétermination inconsciente obstacle substancialiste réminiscences de l'histoire personnelle prédominance d'une analogie, des fonctions figuratives représentation sociale etc. Écarts à la pensée scientifique i PRODUCTION Énoncé oral ou écrit, dessin, action... HYPOTHESE DE REPRÉSENTATION intégrant les cadres conceptuels de l'observateur et ses positions théoriques i MODE DE FONCTIONNEMENT DE LA REPRÉSENTATION CHAMP CONCEPTUEL DE RÉFÉRENCE fréquente ou originale aide ou obstacle valeur prédictive limites de validité Mode de fonctionnement des représentations 104 Apprendre par franchissement d'obstacles L'explicitation détaillée des rubriques de ce schéma déborderait le cadre de cet article (Cf. Equipe de recherche Aster, 1985). Notons simplement le caractère dialectique des représentations : à la fois erreur et point d'appui didactique, d'origine tantôt individuelle, tantôt sociale, tantôt didactique, etc. 1 .2. Les représentations comme indices d'obstacles sous-jacents Ce qui fait la complexité des représentations, c'est précisément ce double statut : de distance avec le savoir savant (c'est leur côté «erreur»), et de système éprouvé d'explication pour le sujet (c'est leur côté «modèle»). C'est pourquoi leur dépassement, s'il nécessite comme on le dit souvent, qu'on les «fasse émerger» et qu'on les «prenne en compte», exige en réalité bien davantage. On ne peut faire l'économie d'un examen des obstacles intellectuels à travailler pour y parvenir. Or, de nombreuses observations font apparaître les éléments suivants : a) Si les représentations subsistent si longtemps, c'est souvent parce que les obstacles auxquels elles renvoient sont contournés, plus que travaillés, par les apprentissages scolaires. Il suffit d'évoquer ce qu'ex¬ plique S. Johsua sur le raisonnement séquentiel en électricité, et plus généralement ce que développent L. Viennot et J.-L. Closset sur le «raisonnement linéaire causal» (Cf. notamment différentes contributions dans Bednarz et Garnier, 1989). Ce «raisonnement» consiste schématiquement, à transformer en une succession temporelle, ce qui relève d'interactions mutuelles. Les interactions entre A, B et C, se trouvent modifiées de la façon suivante : A agit sur B, lequel agit (simultanément) sur C devient : A agit sur B, qui agit (ultérieurement) sur C, mais n'agit pas sur A On a retrouvé le même obstacle en écologie, lorsque les relations alimentaires dans une chaîne trophique sont considérées par les élèves comme des prédations successives d'individus, avec englobement sous forme de «poupées russes», au lieu et place d'interactions entre popula¬ tions : A est mangé par B, lequel est mangé par C (A et B, dès lors, n'existant plus puisqu'ils ont été mangés). Le maintien de telles formes de «raisonnement spontané» se révèle finalement compatible avec la résolution des exercices scolaires jus¬ qu'aux niveaux supérieurs, ce qui explique qu'elles résistent, largement inchangées. b) De surcroît, il apparaît que de nombreux obstacles se présentent comme des constructions didactiques (largement involontaires évidemment), lesquelles correspondent à ce que les élèves ont cru pouvoir inférer à partir des situations d'enseignement qu'on leur a proposées. Un des exemples les plus célèbres concerne la représentation que se font les élèves du carré au terme de la scolarité, représentation par laquelle ils accordent plus d'importance à l'attribut «reposer sur un côté» (et non sur un sommet) qu'à la stricte égalité des côtés. Evidemment, les manuels 105 REPÈRES N° 5/1992 J.-P. ASTOLFI comme les exercices proposent presque toujours un travail surdes carrés «reposant sur un côté» et il y a là un problème de «contrat didactique» au sens de Brousseau - ou mieux de «coutume didactique» (Balacheff, 1988) Une sorte de «théorème-élève» s'installe donc de facto, selon lequel, si la figure «repose sur un sommet » ... c'est plutôt un losange ! 2. SUR LES PROCÉDURES D'ÉVITEMENT CONCEPTUEL 2.1. La présence-absence des concepts A supposer même que les obstacles initiaux soient réellement travaillés plus que contournés et que des obstacles didactiques surnuméraires ne soient pas involontairement introduits, le dépassement est encore loin de pouvoir être garanti. L'une des raisons pourrait être ce que nous appellerons des procédures d'évite- ment conceptuel. Dans une recherche en cours, relative à l'articulation entre le collège et le lycée, ce phénomène nous apparaît dans son ampleur, même si sa confirmation mérite encore d'être systématisée. L'enregistrement et le décryptage de séances d'enseignement scientifique, en troisième comme en seconde, fait apparaître en effet, que l'objet essentiel de l'apprentissage, au cours de ces séquences, est pour ainsi dire présent-absent. Une proportion uploads/Philosophie/ astolfi-apprendre-par-franchissement-dobstacles.pdf

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