La religion peut se définir comme étant la croyance en l'existence de forces su

La religion peut se définir comme étant la croyance en l'existence de forces surnaturelles transcendantes ou immanentes au monde qui en seraient à l'origine et en auraient défini l'ordre in illo tempore, lors de la fondation du monde, dont la modalité temporelle se distinguerait de celle du devenir humain. Cette croyance est susceptible d'affecter l'organisation de la société elle-même. Elle était en effet dans les sociétés pré- modernes l'un des modes principaux de justification et de légitimation de la détention du pouvoir, ainsi que de définition des normes et valeurs sociales. C'est en ce sens que Mircea Eliade affirme par exemple que la religion fournirait, par le biais des mythes qu'elle véhicule, « les modèles exemplaires de tous les rites et de toutes les activités humaines significatives: aussi bien l'alimentation ou le mariage que le travail, l'éducation, l'art ou la sagesse ». Les croyances religieuses avaient donc à l'origine une influence importante sur l'ordre et les normes sociales, et donc sur la politique puisque celle-ci se manifeste par l'imposition de normes. La religion semble dont se placer d'emblée en opposition avec la philosophie dès lors que celle-ci se présente au contraire comme une volonté d'établir des normes de vérité et de justice qui soient fondés en raison, par une démonstration ou une argumentation, et non sur une simple croyance sans questionnement. Est-il possible de surmonter cette opposition apparente? De quel ordre doivent-être les rapports entre raison et loi révélée? S'opposent- elles, sont-elles indépendantes, ou peuvent-elles s'associer? CE sont ces thèmes qui sont communs à Spinoza et à Averroès; l'un comme l'autre se sont prononcés sur cette question; Averroès notamment dans le Discours décisif, et Spinoza dans le Traité théologico-politique. C'est en vertu de cette proximité, de cet enracinement dans un questionnement semblable qu'il est légitime de vouloir les comparer. Toutefois, le principe de cette comparaison se heurte à la distance spatio-temporelle qui les sépare: comment comparer des auteurs ayant écrit en des temps très éloignés (400 ans), et dans des contextes culturels particulièrement différents? Nous pensons que Moïse Maïmonide peut servir d'intermédiaire utile à cette comparaison, dans la mesure où il a écrit au même moment et a vécu aussi en Andalousie, comme Averroès; les deux doctrines peuvent être comparées, dans la mesure où Maîmonide, dans le Guide des perplexes, se prononce précisément sur ce problème des rapports entre loi et révélation lorsqu'il tente d'offrir à ceux qui sont écartelés entre raison et révélation des principes méthodologiques d'usage de la raison dans l'interprétation des Ecritures, de manière à ce qu'ils puissent interpréter celles-ci conformément à la Raison tout en respectant leur sens profond. Or Spinoza dans le Traité théologico-politique se positionne précisément contre Maïmonide sur la question de l'interprétation rationnelle des Ecritures. Est-ce pour autant que les conceptions averroïste et spinoziste des rapports entre Raison et révélation peuvent être opposées terme à terme? C'est sur cette question que nous nous prononcerons en examinant dans un premier temps les proximités qui existent entre la théorie d'Averroès de l'interprétation des Ecritures et celle de Maïmonide. Ensuite, les raisons de l'opposition de Spinoza à Maïmonide; et enfin, les recoupements et oppositions qu'on peut distinguer chez Spinoza et Averroès sur la question des rapports entre Raison et Revelation. I. Rapports entre Philosophie et Loi chez Averroès et Maïmonide A. Un contexte propice : l'Andalousie du Xe-XIe siècle L'Andalousie du Xe-XIe se caracterise par un contexte propice au dialogue philosophique et à l'émergence de doctrines prônant la réconciliation entre raison et religion. Toutefois il ne faut pas caractériser ce contexte comme relevant d'une "tolérance", qui admettrait l'existence de "l'autre" comme tel ; c'est-à-dire qu'on se limiterait à admettre son existence osants pour autant reconnaitre sa proximité d'avec nous-mêmes. En fait, dans cette Andalousie le contexte intellectuel se caracterise plutôt par la reconnaissance du caractère universel de la science, qui transcende les limites religieuses. D'ailleurs, sans une telle reconnaissance du caractère universel de la science un dialogue philosophique entre philosophes de confession différente serait impossible. Enfin, l'existence de cette "convivance" se déroule dans un cadre communautaire, où les individus d'une même confession vivent dans leurs propres quartiers et selon leurs propres règles. Or l'on peut penser que ce contexte n'est pas sans influencer Averroès et Maïmonide puisque tous deux reconnaissent d'abord la possibilité d'une conciliation entre Raison et Religion du fait de leur caractère universel; ensuite parce que Maîmonide a lu Averroès et s'en sert comme instrument de conceptualisation, et cite même des théologiens musulmans, ce qui implique dans une certaine mesure un dialogue interreligieux. B. La nécessaire intrication entre Raison et Révélation Tant Maïmonide qu'Averroès affirment que la Loi révélée exige l'usage de la Raison. Averroès s'appuie notamment sur des citations du début du Coran. Maïmonide montre lui que la Raison est nécessaire afin de comprendre à fond les enseignements de l'Ecriture. Cette nécessaire connexion entre Religion et Raison se comprend également chez ces deux auteurs comme relevant du but commun de la Philosophie et de la Théologie. La première chez Averroès à parvenir à la connaissance de l'artisan par le biais de la connaissance des Etants qu'il a fabriqués; de même, chez Maïmonide, Philosophie et Théologie visent la même chose, qui est la connaissance de Dieu. On peut donc dire attribuer à ces deux auteurs de par leur volonté partagée de concilier Raison et Loi révélée qu'ils adoptent le précepte célèbre de Saint-Anselme, Fide quaerens Intelligens. C. Raison et interprétation des Ecritures Tant chez Maïmonide dans le Guide des Egarés que chez Averroès dans le Discours décisif l'affirmation d'un lien entre Raison et révélation s'accompagne de la recherche d'un moyen pour éviter que Philosophie et religion ne se contredisent. Le lieu principal où cette conciliation doit être effectuée, c'est l'herméneutique du texte sacré lui-même : il faut éviter que ce à quoi la raison peut parvenir seule par la démonstration ne contredise ce que le Texte révélé affirme comme vérité dogmatique. Ce dont l'intégrité doit être protégée avant tout, ce sont les dogmes; chez Averroès l'interprétation des textes religieux ne doit jamais se faire au détriment des dogmes principaux de la religion, de l'existence des principes de l'Islam, autrement il s'agirait de ce qu'il appelle une "innovation blâmable". concernant la licéité de l'acte d'interprétation des passages ambigus : certains exégètes estiment que seul Dieu connait la lecture des passages ambigus, alors que d'autres exégètes estiment que le syntagme "les gens enracinés dans la science" est relié à Dieu; cela renverrait aux porteurs du savoir, c'est-à-dire les philosophes. Cette dernière opinion est celle d'Averroès. Oppositions et recoupements entre Spinoza et Averroès sur la question des rapports entre Philosophie et loi. C'est là l'idée à partir de laquelle Averroès va établir en droit le droit d'interpréter et surtout l'obligation de ne pas interpréter, pour la foule. La masse, quand elle est face à des allégories ou exemples, elle tombe dans la perplexité, car elle ne peut pas dépasser le niveau de la lecture littérale. Dans certains cas, cela peut être pousser à renoncer à la foi en Dieu etc. Sur la justification de l'existence de passages ambigus: le texte coranique contient également des passages ambigus. Quelle peut être la finalité de ces passages? Pourquoi Dieu a-t-il révélé des versets porteurs de doute ? C'est cette partie là qui est concernée par l'opposition entre le sens apparent et le sens caché. => C'est dans cette partie là du texte que l'on va chercher le double niveau du langage: apparent (destiné à la masse), car la masse a une destination allégorique; ensuite il y a le sens caché qui lui doit être recherché, poursuivi par le philosophe. Pour Averroès l'interprétation des passages ambigus permet au philosophe de confirmer les résultats de la recherche philosophique par un donné textuel. Le donné rationnel se trouve en fait appuyé par le donné textuel ou revélé. cf. p. 121 Fasl' Al Maqal L'interprétation des passages ambigus permet au philosophe d'unir la connaissance rationnelle et la connaissance textuelle [transmise]. Le texte d'Averroès n'utilise pas le terme conciliation ; car le terme conciliation renvoie plutôt à l'idée d'harmoniser des passages a priori contradictoires ou qui entrent en conflit les uns avec les autres. L'objectif de l'interprétation d'après Averroès est que, lorsque le philosophe dans sa recherche scientifique découvre des vérités et qu'il y adhere, si jamais le texte revelé lui permet de fortifier ce sentiment de vérité, cela lui permet d'être dans l'union du donné rationnel avec le donné textuel ou révélé. L'objectif de l'interprétation n'est pas de découvrir une nouvelle ou autre vérité qui serait cachée dans les méandres du texte, mais simplement de dédoubler l'assentiment. Ce à quoi on a adhéré par des arguments démonstratifs, on va y adhérer par des arguments "poétiques". L'interprétation est limitée par Averroès de deux manières: elle est d'abord limitée par l'usage linguistique propre à la langue arabe, c'est-à-dire l'usage tropologique ou usage des métaphores. 2e limitation : distinction entre ce qui est interprétable et ce qui ne l'est pas. Averroès résout cette question en affirmant que les passages ambigus sont ceux qui contiennent des exemples et/ou uploads/Philosophie/ averroe-s-et-spinoza.pdf

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