LES GRANDS PHILOSOPHES CHRYSIPPE PAR EMILE BRÉHIER MAITRE DE CONFERENCES A l'UM

LES GRANDS PHILOSOPHES CHRYSIPPE PAR EMILE BRÉHIER MAITRE DE CONFERENCES A l'UMVERSITÉ DE REMNES (Ouvrage récompensé par l'Académie des Sciences Morales et Politiques) PARIS FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 1910 PRÉFACE Le fond de ce travail est un mémoire sur la vie, les oeuvres et les doctrines de Chrysippe qui a obtenu à TAcadémie des sciences morales et politiques (concours pour le prix Victor Cousin, i908) une récompense de quinze cents francs. Les deux chapitres du premier livre, sur la vie et les œuvres de Chrysippe, n'ont subi aucun remaniement. Au contraire, le deuxième livre, sur les doctrines, s'est accru considérablement : nous avons eu en effet, dans ce volume, le souci non seule- ment de faire connaître en elles-mêmes les doctrines du « second fondateur du Portique » , mais encore d'en montrer autant qu'il est possible les antécédents histo- riques. Dans le chapitre i", sur la logique, on a ajouté les considérations du début sur la signification histo- rique de la dialectique et de la doctrine du critère; dans le chapitre u (physique) presque tout le para- VI PREFACE. graphe 2 sur les principes de la physique et les rap- prochements avec la philosophie d'Aristote; dans le chapitre m (morale) , des rapprochements avec la mo- rale des cyniques et des académiciens. De plus, quel- ques sujets ont été traités avec plus de détail : dans le chapitre i^"", la signification de la représentation com- préhensive; dans le chapitre n, la théologie et la reli- gion; dans le chapitre in, les idées sociales de l'ancien stoïcisme. On n'a pas cru devoir faire précéder le volume d'une étude d'ensemble sur les textes qui ont servi à reconstituer la pensée de Chrysippe. Ces textes ont été rassemblés dans les Veterum Stoïcorum fragmenta, d'Arnim, dont les deux demiers velum es sont spéciale- ment consacrés à Chrysippe et à ses successeurs les plus proches. Le premier volume s'ouvre par un travail cri- tique sur les sources, qui renferme tout le nécessaire sur la façon d'utiliser les différents auteurs. A l'occa- sion, l'on a placé, en note, les remarques les plus in- dispensables pour la critique des textes. INDEX DES OUVRAGES CITÉS Arkiu (J.)- — Fragmenta vetentm stoicorum, vol. I, 1903, vol. IT, 1903, vol. m, 1903, Leipzig. Arnim (H. von). — Leben und Werke des Dio von Prusa, Berlin, 1898. ÂRNuc (H. von). — Ueber einen stoisdten Papyrus der herculan. Bibliothek, Hermès, 1890. Bake. — Posidonii Rhodii reliquiae, Leyde, 1810. Barth. — Die Stoa, Leipzig, 1908, 2^ édit. BoxHôrFER (Ad.), — Epiktet vnd die Stoa, 1890. Die Ethik des stoi- schen Epiktets, 1894. BoxHÔFFER ^Ad.). — Zur stoischen Psychologie. Philologos, vol. 54, 1893. Bréhier (Emile). — Théorie des incorporels dans Vancien stoxcisme, Paris, 1908. Brochard (Victor). — De Assensione Stoici quid senserint,PdiTis, 1879. Brochard (Victor). — La logique des Sl&ieietis. Archiv fur Gesch. der Philos., t. V, p. 449. €apelle. — Zur antiken Theodicee. .\rch. fur Gesch. d. Philos., 1903. Crœxert. — D» papyrus de Chrysippe, Hermès, vol. 36, p. 552. Croiset. — Histoire de la littérature grecque, t. V, Paris, 1899. DiEL5. — Die Fragmente der Forsokratiker, Berlin, 1903. DiKTERicH. — Abraxas. Leipzig, 1892. VIII INDEX DES OUVRAGES CITES. DfiOYSEN. — Histoire de VHellénisme, traduct. Bouché-Leclercq, 3 vol., Paris, 1883-85. Dyroff. — Die Ethik der alten Stoa, Berlin, 1897. Dyroff. — L'origine de la morale stoïcienne, Archiv. fur Gesch. d. Philos., t. XII. Elter. — De gnomologiorum graecorum historia atque origine, Bonn, 1893-1896. Ganter. — Die stoische System der aVaOriatç, Philologus, vol. 53. Ganter. — Zur Psychologie der Stoa, Philologus, vol. 54. Gercke. — Chrysippea, Jahrbiicher fur classische Philologie, an- née 1883, p. 691. Gomperz. — Griechische Denker, Leipzig 1896-1902. Heinze. — Zur Erkenntnislehre der Stoa^ 1886. HmzEL. — Untersuchungen ûber Cicero''s philosophische Schriften, 1883. Jensen. — Demokrit und Plato, Archiv fiir Gesch. d. Philol.^ vol. XIII. Kaerst. — Geschichte des hellenistischen Zeitalters, 1901, sq. Keil. — Chrysippeum, Hermès, 1905. Le Breton. — Compte rendu de la « Reoue de philosophie », octo- bre 1908, p. 435. Norden. — Beitràge zur Geschichte der Griechischen Philosophie. Jahrbiicher f. class. Philologie, XIX^ Supplementband, p. 431- 439. Neustadt. — Vécole pneumatique d'Athénée d'Attalie, Hermès, vol. XLIV. RivAUD (A.). — Le problème du devenir et la notion de matière dans la philosophie grecque, Paris, 1906. Robin. — La notion aristotélicienne de la causalité, Arch. f. Gesch. d. Philos., année 1910. Stein. — Psychologie der Stoa, Berlin, 1886. Stein. — Die Erhenntnisslehre der Stoa. Studien Berliner f. clas- sische Philol., 6" vol., 1888. Trendelenburg. — Geschichte der Kategorienlehre, Berlin, 1846. Zeller. — Philosophie derGriechen, 3"^ éd., vol. III, l""*^ partie, 1881. INTRODUCTION Les nombreuses opinions attribuées par les auteurs anciens aux « stoïciens » sans autre spécification, ne doivent pas faire illusion sur l'unité de la pensée stoï- cienne. Le stoïcisme, même si on se borne à Tancien stoïcisme, dont l'histoire ne dure pas plus d'un siècle et demi, n'est ni un dogmatisme fermé dont les opi- nions ont été codifiées une fois pour toutes, ni une simple école d'exégètes où les successeurs se bornent à commenter la parole du maître. Il y a un épicurisme dont les théories, devenues traditionnelles, présentent des contours arrêtés ; le stoïcisme, au contraire, comme doctrine, ne désigne que des directions générales de pensée, qui pouvaient s'accommoder et en fait se sont accommodées de fort grandes diversités dans le détail. De toutes les écoles philosophiques, c'est peut-être celle qui sans se briser a permis au plus de talents originaux de se faire jour. 2 CHRYSIPPE. Ce trait fondamental est dû au caractère largement synthétique de la doctrine stoïcienne. L'ancien stoï- cisme, de Zenon à Chrysippe, s'est développé à une époque où les successeurs d'Alexandre s'efforçaient de fonder au-dessus des cités dont la force et l'unité étaient dans des traditions religieuses, un organisme politique tout à fait nouveau, l'État, qui ne voulait de- voir son existence à aucune tradition historique, mais seulement à la volonté du chef et de ses sujets : dans la notion d'État, la raison clairement consciente s'op- pose à la tradition obscure ^ Parmi ces fondateurs d'États, il y en eut qui comprirent cette opposition et tentèrent de la résoudre : c'est ainsi qu'à l'époque même de Chrysippe, Cléomène, roi de Sparte, essayait une réforme de la constitution Spartiate, dans laquelle l'idée moderne de l'État se présentait comme un retour au bon vieux droit traditionnel^. La tâche que s'impo- sèrent les stoïciens fut justement de chercher une fu- sion, dans toutes les sphères de la pensée et de l'ac- tion, entre des concepts opposés dont l'un représente la forme traditionnelle delà pensée, et l'autre la pensée réfléchie et rationnelle. Des contradictions, telles que celles de la philosophie et de la religion, de la loi na- 1. Cf. le rapport volontaire qui unit la cité grecque au souverain, Kaerst, Gesch. des Hellenismus, II, 1,353. 2. Droysen, Histoire de l'Hellénisme, trad. Bouché-Leclercq, f. III, p. 521. INTRODUCTIOX. à turelle et de la loi civile, de Tempire universel et de la cité, risquaieut, si elles se maintenaient, de rendre impossible la vie grecque, et, d'autre part, aucun de ces termes ne pouvait désormais céder à l'autre. Les stoïciens s'efforcent d'effacer ces distinctions, de trouver dans lïndividu lui-même (considéré comme sage) le fondement de la loi, dans la religion traditionnelle (interprétée allégoriquement, la raison universelle, dans le développement cosmologique du devenir le principe régulateur et ordonnateur. De là toutes les con- tradictions qu'on s'est complu à chercher, dès l'anti- quité et de nos jours, dans ce système, le plus synthé- tique sans doute (^ui ait jamais existé. Dans cet effort de conciliation, la doctrine de Chrysippe marque un moment important de l'histoire du stoïcisme; c'est Chrysippe qui a eu peut-être la conscience la plus nette des oppositions indiquées, qui les a accentuées au point que les doctrines adverses prenaient chez lui leurs armes contre lui ^ ; il a fondé une seconde fois le stoïcisme, en le défendant contre les dissidents comme Ariston. et contre les adversaires. C'est du moins ce que peuvent laisser entrevoir les mi- sérables restes de son intense activité littéraire, et la place prépondérante qui lui fut assignée dans l'é- cole même par les stoïciens de l'époque impériale. 1. Cic, Àcad. Priora, II, 87 (Arsim, 11.34, 12) : ab eo armatum esse Carneadem. LIVRE PREMIER LA VIE ET LES ŒUVRES LIVRE PREMIER LA VIE ET LES ŒUVRES CHAPITRE PREMIER VIE DE CIIRYSIPPE. C'est dans la deuxième moitié du m* siècle, et jus- qu'aux dernières années de ce siècle ' , que se développe, à Athènes, l'activité philosophique de Chrysippe. Chrysippe, comme la majorité des philosophes stoï- ciens 2, était d'origine orientale ; il naquit vers 277 dans la ville de Soles, dans l'ile de Chypre où ses parents avaient émigré, venant de Tarse en Cilicie ^. Chypre 1. Apoixod., Chron.ap.Diog. La. {Akhbi, II, 2, 15) : il naît en 277; il succède à Cléanthe en 232, et meurt vers 204. 2.ZénondeCittium(enChypre),i;çaîso;ôBo<rrop(avo;(AR?aM,1, 139,171); Zenon de Tarse (AR5ni, 111,209, 11); Diogène deBabylone (Armm, III, 210, 31); Antipater uploads/Philosophie/ brehier-chrysippe.pdf

  • 72
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager