ça lui prenait tous les matins. Il se sentait perdre le contrôle de lui-même ou
ça lui prenait tous les matins. Il se sentait perdre le contrôle de lui-même ou plutôt non, ce n'est pas juste de dire cela, disons plutôt que ces pensées avaie nt commencé à hanter son esprit avant son véritable réveil, je parle de celui où l'on est capable de se rendre compte qu'on est bien éveillé. A chaque fois il en sortait à la fois convaincu et effrayé. Il faut dire que ces pensées recelaient pour lui autant de bon sens qu'elles étaient effroyables. Al ors, fallait-il se sentir coupable de penser cela ? Il n'en savait rien au fond. Ce qu'il savait par contre, c'est qu'il avait raison, ça c'était indéniable, il avait raison et il se sentait officiellement seul. Officiellement, car on ne pe ut pas dire que les médias diffusaient largement les pensées qui étaient siennes . C'était plutôt le contraire. Pensez-bien : vous vous imaginez, des pensées par eilles, non, franchement, pas question d'en faire part, et d'ailleurs, à qui ? Bien sûr, de temps en temps, le plus souvent un matin avant qu'il ait pris son c afé, après une nuit peu réparatrice, quand ses pensées tournoyaient en sens inve rse des aiguilles d'une montre telles un maelström au fond d'une cuvette de wc, alors dans ces moments-là, il lui arrivait que l'abcès purulent que constituaien t ses pensées ne percent un peu, juste ici, au niveau du bouton d'un blanc étran gement assez pur qui surmonte habituellement un abcès, et que quelques paroles i nquiétantes ne s'échappent alors de sa bouche. Cela lui rappelait, sans qu'il sache expliquer pourquoi d'ailleurs, cet article qu'il avait lu sur Internet dans un site pseudo médical où des femmes s'exprimai ent sans pudeur sur leurs problèmes d'obstétrique. Il avait trouvé ce site, non en cherchant des articles traitant particulièrement du sujet, non non. En fait, il avait simplement tapé "abcès" dans le moteur de recherche, un peu pe rdu et troublé qu'il était d'avoir l'impression de souffrir d'une sorte "d'infec tion de ses pensées", et le troisième résultat portait le titre suivant : "Au se cours, ma vulve est rouge et j'ai des bouton bizarre", avec les fautes dans le t exte. Il n'avait pu résister, avec une curiosité à la fois amusée et un poil dég outée, à l'envie de lire cet article. La demoiselle, en substance, trouvait sa vulve anormale, ce qui en soit l'étonna it car après tout, des normes avaient-elles été définies quant à la forme et l'a spect d'une vulve. Les quelques vulves qu'il avait eu l'occasion d'observer au c ours de sa modeste vie sexuelle étaient finalement d'aspects assez banal. Il se demandait d'ailleurs si quelque Don Juan pouvait se vanter d'avoir, au cours de sa vie sexuelle mouvementée, eu l'occasion d'observer des vulves absolument in-c ro-ya-bles, de taille disproportionnée par rapport au gabarit de sa propriétaire , ou d'une couleur surprenante, comme le vert ou encore l'indigo, d'une odeur su ffocante ou au contraire aux surprenants relents de fraise ou d'abricot (sans qu 'aucun gel douche n'y soit bien sûr pour quelque chose). Les vulves qu'il avait observé dans sa vie à lui semblaient avoir été placés là parce que la nature en avait décidé ainsi, ces vulves avaient différentes fonctions qu'elles remplissai ent, si l'on peut dire, comme elles le pouvaient, et il n'y avait pas de quoi en faire tout un plat ! Mais il est vrai que chacun d'entre nous se considère comm e un modèle unique. Dans la suite de l'article, la fille se plaignait d'avoir des "lèvres extérieure s toujours rouges", même quand elle n'était pas sexuellement excitée. Il n'avait pas trop envie de se demander à quoi ça ressemblait, deux grandes lèvres rouges entourant, comme deux parenthèses, le reste d'un sexe féminin, en en soulignant de ce fait la navrante fadeur... La demoiselle continuait ainsi son intime narration : "... Quelqu'un m'a dit que c'est parce-que je suis pas sexuellement mure... que je deviendrai rosee voire claire comme le reste de ma peau en vieillissant et en ayant de plus en plus de rapports sexuels. " (Elle parle donc de sa vulve à la première personne, c'est ce que l'on appelle s ans doute le monologue du vagin... Et "quelqu'un m'a dit", une personne de bon c onseil n'en doutons pas, qui lui a révèlé le grand secret du pouvoir décolorant du pénis en érection ! On lui prêtait plutôt jusqu'alors un pouvoir amidonnant, voire électrisant en de trop rares occasions, mais un pouvoir décolorant, il dev ait bien admettre son ignorance sur ce coup-là ! Il avait c'est vrai expérimenté au cours de son existence que les rapports sexuels entre conjoints deviennent r apidement de plus en plus ternes, ce qui décolorerait donc les organes sexuels a u fil du temps ?? "J'ai 22 ans, et ai des rapports tout les jours avec mon fiance depuis 5 ans." Un peu plus haut, elle ne se considérait pas mûre sexuellement, et voilà qu'elle confessait à présent avoir eu quelque 1825 rapports sexuels en cinq ans, ce qui n'est pas négligeable. "SUIS-JE NORMALE? SUIS-JE TOUTE SEULE A AVOIR UNE VULVE ROUGE?" (en majuscules dans le texte). Il ne pouvait s'empêcher d'imaginer cette fille dans un flash-back des années 80 , dans une émission de Jacques Pradel, du type "Appel à témoins", lançant un cri déchirant au travers des éthers, avec le frêle espoir de rencontrer sur cette p lanéte d'autres filles qui à son image possèdent une vulve écarlate, vermillon. Et le Pradel qui en rajoute, sa face de lune percée de ses deux gros yeux bleus étrangement fixes tels ceux d'un hypnotiseur, la bouche fine comme une cicatrice , le sourcil légèrement levé pour souligner l'intensité de l'instant : "Je lance ce soir un appel à témoins... Ernestine- nous l'appellerons Ernestine, veut ce soir vous lancer un appel. Sa demande peut vous surprendre, elle peut même choqu er certains... Ernestine pense avoir une particularité, non pas de ces particula rités qui font de vous un être exceptionnel, à l'aura magnétique qui vous assoit sur un piédestal, non, justement, on peut dire, Mesdames, Messieurs, chers télé spectateurs, on peut justement dire qu'Ernestine S'ASSOIT sur sa particularité, puisque ce soir, devant vous, Ernestine va vous exprimer la terrible solitude qu 'elle ressent, elle qui pense qu'elle est la seule au monde, parmi plus de 3 mil liards d'autres femmes, qu'elle est la seule femme donc à posséder une vulve rou ge !!! Alors ce soir, et c'est exceptionnel, je vais demander à chacune d'entre vous, en se penchant tout simplement pour les plus souples, ou bien en utilisant le miroir dont vous vous servez pour vous épiler la moustache, je vais demander à chacune d'entre vous d'observer, disons-le, son intimité. Celles qui ne possè dent pas de miroir ou qui n'ont pas de moustache peuvent demander de l'aide à le ur partenaire, à un voisin, à un ami, un policier ou un simple passant dans la r ue. Cette observation n'a qu'un seul but, redonner l'espoir à une jeune fille so litaire et son coquelicot, une jeune fille qui veut espèrer rencontrer ce soir d es sœurs d'infortune, des filles qui comme elle n'ont de relations que dans l'ob scurité ou avec des non-voyants, car leur intimité se pare des couleurs de la un e d'un journal marxiste bien connu. Ce soir, Ernestine compte sur vous !" "Je me sens vraiment mal, j'ai l'impression d'etre un singe... " Les babouins, puisque apparemment c'est à cette espèce qu'il est fait allusion, ont plutôt le fondement écarlate, cette demoiselle devrait regarder un peu plus souvent la chaîne National Geographics. "je suis hypocondriaque, pardonnez mon idiotie, mais je prefere verifier plutôt que d'avoir le cancer..." Cette dernière... saillie, se passe de tout commentaire. Mais bon à présent la sosotte du Web avait fini de l'amuser, et il s'en retourna it donc à la morose contemplation de son existence. Il gardait ces extraits de conversation dans un fichier qui lui servait de bêtis ier du Web, en quelque sorte. Il le consultait parfois au fil de ses errances, p uisqu'il n'arrivait à rien faire de suivi, aucun travail de longue haleine, aucu n long cheminement pour atteindre ses buts. Il avait l'habitude de vivre depuis toujours en pointillé, à tel point qu'il se demandait parfois s'il se rappelait bien de tous les événements qu'il avait vécus. D'ailleurs sa vie était le reflet de son manque de suite dans les idées. Il avait occupé une foule de fonctions a ssez différentes dans différentes régions de France et d'ailleurs, sans jamais f aire montre d'un talent particulier au fil de toutes ces années. C'était un laborieux anxieux et fébrile, d'apparente humeur égale, en décalage c onstant avec les demandes de ses supérieurs, qui étonnamment le viraient raremen t, comme si finalement, après avoir rapidement cerné les limites du personnage, ils avaient compris qu'il y avait toujours des tâches contraignantes dans une en treprise que l'on pouvait confier à ce genre de profils, lents uploads/Philosophie/ ca-lui-prenait-tous-les-matins.pdf
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- Publié le Oct 13, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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