Perpectives sociolinguistiques en terminologie Sociolinguitic perspectives in t
Perpectives sociolinguistiques en terminologie Sociolinguitic perspectives in terminology François Gaudin Université de Rouen Abstract: The reflection on terminology requires a distinction between the facets of this activity according to the domain it serves. We are interested first of all in its applications. We have distinguished between six of them, which differ in point of history and development. Terminology is considered to be a discipline whose task is to study terms in their synchronic and dyachronic perspective. The interrogationa and the convergences highlighted (the latter thanks to the progress of micro-informatics) are followed by several sociolinguistic research directions. We have pointed out an original sociolinguistic perspective based on the terms’ social circulation. Key-words: terminology, applications, interrogations, convergences, discipline, sociolinguistic research directions. 1. La ou les terminologies ? La réflexion sur la terminologie nécessite que l’on distingue les facettes que prend cette activité selon le secteur que l’on envisage. Nous nous intéresserons tout d’abord ses applications. Nous en distinguerons six, toutes n’étant pas comparables par leur histoire ou leur développement. 1.1. Terminologie scientifique et médicale L’élaboration de terminologies susceptibles de classer et de dénommer de façon non ambiguë les entités découvertes a accompagné l’évolution des démarches scientifiques depuis la Renaissance, surtout et tout d’abord dans le domaine des sciences naturelles. Au terme d’une longue évolution, l’histoire naturelle s’est donné, au dix-huitième siècle, une nomenclature des êtres vivants. Le principal précurseur en la matière fut Carl Von Linné (1707-1778). Le naturaliste suédois attribue à un grand nombre d'espèces végétales, puis d'espèces animales, un double nom latin, générique et spécifique, par exemple : rosa gallica (« nomenclature binominale ou linnéenne »). Les chimistes vont suivre de près les naturalistes. La nécessité de réformer la nomenclature de la chimie est déjà ressentie par le chimiste suédois Torbern Olof Bergman, ancien élève de Linné, qui montre la voie, en 1769. Il propose une nomenclature latine et quelques remplacements comme celui d’huile de vitriol par acide de vitriol. Mais ce réformisme prudent n’est pas à la hauteur des besoins de son temps. Il ne proposera de réforme complète qu’après qu’un Français aura proposé la sienne. Ce sera son traducteur, le Français Louis Bernard Guyton de Morveau. Cet avocat dijonnais est alors le chimiste français le plus connu à l'étranger. Il rédige, en 1777, ses Eléments de chimie dans lesquels il « affirme la volonté de rompre avec un passé jugé honteux » en matière de terminologie (Bensaude-Vincent, 1993 : 237). Ensuite, en 1782, il entreprend la rédaction de son Mémoire sur les dénominations chimiques dans lequel il propose une réforme complète. Il propose cinq règles fondamentales pour l’établissement du nouveau langage : 1. pas de périphrases, des noms ; 2. des noms motivés et analytiques ; 3. pas de faux ami (pas de sens plutôt qu’un faux sens) ; 4. des racines grecques ; 5. francisation des termes. Avec Lavoisier, Guyton de Morveau met au point la classification moderne des substances chimiques. Organisation des matières et des noms, l’alliance signe la naissance de la chimie Provided by Diacronia.ro for IP 179.177.110.202 (2019-01-31 18:24:59 UTC) BDD-A20458 © 2009 Valahia University Press moderne. Un quarteron de chimistes français tourne la page de l’alchimie et ouvre l’ère de la chimie. Naturalistes et chimistes ont en commun d’avoir réfléchi aux usages classificatoires de la langue. Le résultat de leur travaux est une terminologie de type particulier, qu’on appelle une nomenclature, c’est-à-dire une terminologie limitée, cohérente et exhaustive, consistant généralement en des substantifs (des noms). En l’espèce, ces nomenclatures de la chimie et de l’histoire naturelle sont des taxinomies, car la forme des termes reflète de façon directe la place qu’ils occupent dans le système conceptuel en question. Mais, dans ces cas, on ne sait plus trop si on classe des noms ou des référents. Et de fait, la révision régulière de ces nomenclatures est l’affaire de spécialistes qui ont à régler les questions d’appartenance des référents aux catégories nominales. Il est évident que toute forme de connaissance ne se prête pas à ce type de traitement. Les nomenclatures (et les taxinomies) ne représentent qu’une partie de la terminologie d’un domaine. La botanique ne se réduit pas aux noms des plantes, et le vocabulaire de la chimie est plus riche que la nomenclature des substances chimiques. Pensons aux noms d’appareils aux dizaines de chromatographes connus. Cette première terminologie, qui est en fait l’établissement de nomenclatures, donc de listes d’objets, sert encore souvent de modèle pour toute la terminologie, alors qu’elle n’en est qu’une enclave dont les éléments fonctionnent comme des noms propres de concepts. Cet aspect de la terminologie met au premier rang les fonctions classificatoire et cognitive. 1.2. Terminologie et normalisation de type industriel Second secteur, la terminologie, en tant que pratique professionnelle, s’est structurée dans le contexte de la normalisation de type industriel. Les premières décisions internationales en la matière sont apparues dans le sillage de la révolution technologique du XIXe siècle. Ce n’est pas un hasard si le premier pays à s’être doté d’un organisme de normalisation (le British Standards Institution) est celui qui a inauguré la révolution industrielle, la Grande-Bretagne. Il fallut se mettre d'accord sur l'écartement des voies des chemins de fer, la dimensions des pas de vis, etc. Les impératifs de sécurité et le besoin d’une meilleure communication internationale ont joué à plein. Puis vint la fée Electricité et, en 1906, fut fondée la Commission électrotechnique internationale (CEI), qui s'est immédiatement donnée pour tâche de réaliser un dictionnaire multilingue fixant les équivalences entre les communautés linguistiques, en se basant sur les décisions de normalisation. Les années passant la normalisation a acquis une importance telle en terminologie qu’elle a fini par être considérée comme son objectif principal, sinon unique. Les enjeux commerciaux considérables ont renforcé l’importance de cet aspect de la terminologie. La fonction normalisatrice est ici prépondérante. 1.3. Terminologie et traduction Avec la normalisation, l’application de la terminologie la plus connue est certainement la traduction technique, en raison des quantités de termes techniques existant et apparaissant chaque jour. Ce sont par centaines de milliers qu’ils se comptent et, même si le traducteur est spécialiste et bilingue, il a besoin de références en terminologie. Les lacunes les plus courantes peuvent relever d’un manque de connaissance approfondie du domaine ou des domaines, de la langue source, ou de la langue cible. Et, dans chacun de ces cas, la terminologie est impliquée, comme ressource linguistique ou comme clé d’entrée vers des connaissances et une meilleure compréhension des concepts. Ce travail peut être allégé par le recours aux mémoires de traductions dans lesquelles des sections déjà traduites du texte visé sont mises en regard. Cette activité du traducteur est liée à la recherche d’équivalence et à la maîtrise des notions. Elle présente un double aspect traductif et cognitif. Provided by Diacronia.ro for IP 179.177.110.202 (2019-01-31 18:24:59 UTC) BDD-A20458 © 2009 Valahia University Press 1.4. Terminologie et aménagement linguistique L’aménagement linguistique est une opération éminemment sociolinguistique. La terminologie y joue un rôle crucial dans la mesure où les flux de renouvellement du vocabulaire concernent au premier chef les sciences et techniques. Mais, surtout, parce que les fonctions les plus décisives pour le statut d’une langue se situent dans les secteurs d’activité du commerce technologique et de l’industrie de pointe. En ce qui concerne la langue française, la Charte de la langue française, connue également sous le nom de la loi 101, adoptée en 1977, a été l’occasion de la plus grande opération de politique linguistique moderne. L’aménagement terminologique en constituait le cœur, car il s’agissait de faire du français la langue du travail. Cette expérience a largement inspiré d’autres communautés linguistiques en danger de minoration, en particulier le catalan (cf la création du centre de terminologie catalane TermCat) ainsi que dans les pays baltes. En Afrique et en Asie, également le recours à une terminologie « guidée » permet aux pays issus du colonialisme d’exprimer la modernité dans les langues nationales, peu outillées naguère dans les domaines comme la physique, la chimie, les mathématiques. Les problèmes que pose ce type de politique sont sociolinguistiques. Au premier rang, on trouve les questions de diffusion et d’implantation des termes. Les enjeux identitaires de l’aménagement terminologique placent la fonction sociale au premier rang. 1. 5. Terminologie et documentation Les liens entre terminologie et documentation ne sont pas les plus souvent évoqués. Pourtant, le père de la terminologie, Eugen Wüster, et celui de la documentation, Paul Otlet, sont tous deux des idéalistes marqués par la Première guerre mondiale et œuvrant, le premier pour la communication internationale, par l’harmonisation terminologique, le second pour l’éducation, par la lecture publique. Dans la documentation, on retrouve une démarche classificatrice, analogue à celle des scientifiques, mais qui a pour objet non des référents ou des noms, mais des textes. Le documentaliste a affaire à des mots-clés, à des descripteurs qui sont, en fait, des termes à usage documentaire, c’est-à-dire des termes d’un statut particulier, car ils renvoient, non directement aux concepts, mais à des documents dans lesquels ces concepts figurent. Mais, plus largement, ce sont l’ensemble des acteurs qui ont uploads/Philosophie/ gaudin.pdf
Documents similaires
-
26
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 01, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.8360MB