Chat de L'Etudiant du 15 mai 2013 Corrigé sujet philosophie bac général (L, ES,
Chat de L'Etudiant du 15 mai 2013 Corrigé sujet philosophie bac général (L, ES, S) Patrick Ghrenassia "Faut-il choisir entre croire et savoir ?" Introduction. La distinction entre les verbes "croire" et "savoir" conduit souvent à opposer les substantifs "croyance", d’une part, et "savoir" ou "science", d’autre part. On oppose croyance et savoir comme deux façons de connaitre. Elles concernent donc le rapport de la raison au réel, et nos diverses façons de l'appréhender. Croire renvoie d’abord à la croyance religieuse ou superstitieuse: croire en Dieu, croire au paradis, croire au Père Noël, croire au Prince charmant. Croire c'est affirmer ou nier l'existence de quelque chose ou de quelqu'un. Soit qu'on le désire et l'espère (la terre promise, l'immortalité), soit qu'on le craigne (l'Apocalypse, le chat noir). Savoir consiste en une connaissance confirmée par des preuves ou des démonstrations. Le savoir doit être rationnel, qu'il soit d'ordre logico-mathématique (sciences apriori) ou expérimental (sciences a posteriori). Le savoir peut être technique ou scientifique, pratique ou théorique: savoir conduire ou savoir historique. Le choix se focalise sur l’opposition entre science et religion. Depuis l'Antiquité, l'alternative fait débat: soit que le progrès du savoir fasse reculer les croyances irrationnelles, et c'est l'idéal du progrès des Lumières; soit que le savoir positif ne suffise pas à l'esprit humain qui garde au-delà un besoin de croire, irréductible à la science. "Faut-il choisir ?" Cette question suppose d'abord que l'on puisse choisir, que le savoir ne s'impose pas à nous comme une évidence, et la croyance comme un besoin ou une illusion. Demander s'il faut le faire suppose résolue la question de savoir si l'on peut le faire. De plus pour choisir, il faut un libre arbitre et des raisons ou des critères qui fondent le choix. Il fait un savoir, en somme, qui permette de choisir en connaissance de cause; donc un savoir qui précède et conditionne le choix lui-même. Enfin, la question suppose qu'on puisse distinguer et opposer croire et savoir. Une distinction qui n'est pas évidente pour tous les philosophes, et même pour le sens commun: sait-on toujours si l'on sait ou si l'on croit ? Sait-on ou croit-on que le soleil se lèvera demain ? Demander s'il faut choisir comporte une double question : c'est demander si c’est nécessaire et si c’est préférable. Nécessaire, si les deux termes s’excluent. Préférable si le savoir est supérieur à la croyance. Mais n'y a-t-il pas des croyances supérieures au savoir, ou des croyances que le savoir ne peut pas remplacer ? Et peut-être croire et savoir peuvent s'avérer compatibles, voire complémentaires, voire même indiscernables. Auquel cas, il ne faudrait plus, voire on ne pourrait plus choisir. Nous commencerons par établir pourquoi il faut choisir le savoir contre la croyance, la vérité contre l'erreur ou l'illusion. Puis nous examinerons si certaines croyances ne sont pas préférables ou irréductibles au savoir. Enfin, nous nous demanderons s'il faut choisir, c'est a dire si nous avons le pouvoir de choisir et si les deux termes sont distinguables. 1. Il faut choisir le savoir a. On choisit la vérité plutôt que l'erreur et l'illusion pour pouvoir agir sur le monde. Par exemple, la biologie permet de guérir des maladies, alors que la magie est inefficace contre le Sida ou le cancer. Descartes et le mécanisme. Supériorité technique du savoir. b. Le savoir me rend libre et indépendant. L'ignorance me rend dépendant de croyances et esclave de superstitions. Supériorité morale et politique du savoir. c. Selon Epicure, la croyance religieuse repose sur la peur et produit des crimes (le sacrifice d'Iphigénie). Pour Kant et les Lumières, le savoir permet le progrès de l'humanité vers la liberté et le bonheur. d. L’ignorant ne peut pas choisir la croyance puisqu'il ne peut pas la comparer avec un savoir qu'il n'a pas. Il est condamné à croire, sans choisir. On ne peut pas « choisir » la croyance. Transition: l'histoire des sciences montre comment le savoir a remplacé les croyances. C'est à la fois une nécessité logique (force des preuves et démonstrations) un besoin pratique (la technique), et un choix moral (la vérité libère). Mais croire dans le progrès par le savoir et la science peut être une croyance. Le « positivisme » d'Auguste Comte, au XIXe siècle, affirme une foi dans la science sensée résoudre tous les problèmes de l'humanité. Le savoir devient objet de foi, et la science tenue pour toute puissante devient l'objet d'une religion. Le savoir semble rattrapé par un insatiable besoin de croire. 2. Il faut choisir la croyance a. Pascal, pourtant grand scientifique, soutient que le savoir doit faire place à la foi. Sur le sens de la vie et du monde, il faut parier sur l'existence de Dieu. Il faut choisir de croire contre la raison, même sans savoir, même si c'est absurde. b. Au sein même de la science, toujours selon Pascal, il est des vérités fondamentales qu'on ne peut pas démontrer. Axiomes et postulats fondent le savoir mathématique, mais sont eux-mêmes objets d'une croyance évidente. La raison s'appuie sur une croyance première: le principe de non contradiction ou du tiers exclu. c. La croyance est porteuse de vie et de création. La science est triste et stérile, alors que l'art accroit la volonté de puissance et le désir de vie par ses illusions (Nietzsche) d. Nietzsche critique la croyance en la vérité scientifique. Il n'y a pas d'objectivité, ni de faits, mais seulement des interprétations et des croyances. La science même repose sur une croyance en la vérité. La science nait encore d'un besoin de croire. Transition: La critique de Pascal et de Nietzsche conduit à admettre la supériorité de la croyance. La science ne peut se fonder toute seule et dépend de croyances. La croyance, foi ou illusion, est plus créatrice et plus vitale pour l'existence humaine en quête de sens. Pire, on peut douter de l'existence d'un savoir objectif: le savoir ne serait-il pas, au fond, une croyance déguisée ? Ou, inversement, n'y a-t-il pas en chaque croyance un savoir (épistémé, en grec) caché, ou une sagesse (sophia, en grec) implicite ? 3. On ne peut pas choisir a. De grands scientifiques (Pascal, Newton, Pasteur) font cohabiter croire et savoir: la foi dans la vie privée, la science dans le laboratoire de recherche. Cette cohabitation n'oblige pas à choisir; au contraire, elle comblerait une double nature humaine, à la fois rationnelle et passionnelle. Il ne faut pas choisir ; ce n’est pas nécessaire, ni peut-être souhaitable. b. Mieux : on ne peut pas choisir. On ne choisit pas le savoir, car les raisons de choisir précèdent toujours le choix : pour choisir « en connaissance de cause », il faut déjà savoir. Ce que Descartes appelle la liberté d'évidence: on est obligé de choisir le vrai; le libre arbitre est fortement enclin vers l'évidence. Le choix de savoir n’est pas vraiment un choix. c. L'histoire des sciences montre que des savoirs se sont avérés être des croyances (la science d'Aristote, le géocentrisme). Des croyances peuvent donner des intuitions scientifiques (Bachelard : le rêve inspire la science). Certains soutiennent que la croyance monothéiste a favorisé l'unification de la science moderne. Savoir et croyance sont interchangeables. d. On ne peut pas choisir car on ne peut pas distinguer savoir et croire. Le doute s’insinue : le savoir est toujours provisoire et probable ; la croyance persiste et paraît plus forte. Le sceptique efface la distinction. e. David Hume soutient que toute connaissance des faits est une croyance, un belief en anglais. Car l'expérience seule est source de croyance et de savoir. Un « savoir » est une croyance plus probable: je « sais » que la terre est ronde et que le soleil se lèvera demain, parce que je n’ai jamais eu de contre-exemple; mais je crois que je gagnerai au tiercé un jour ou que certains hommes peuvent ressusciter. Savoir n’est qu’une façon vérifiée et confirmée de croire. Conclusion. L'historien Paul Veyne se demandait si les Grecs croyaient en leurs dieux. Comment des esprits qui inventèrent la philosophie, les mathématiques, la démocratie, ont-ils pu croire à de telles balivernes ? Comme nous croyons au Père Noël, pour se faire plaisir, sans y croire vraiment. Il est différentes manières de croire, depuis la croyance aux fantômes jusqu'aux vérités premières qui fondent la science. La science n’est peut-être qu’une croyance qui n’a pas encore été réfutée, comme le suggère le principe de réfutabilité ou de falsifiabilité de Karl Popper. Même si l'on peut les distinguer, même si la raison oblige à préférer le savoir à la croyance, on doit reconnaitre que la question du choix se pose rarement. Soit que le progrès de la science efface inéluctablement des croyances, soit que la croyance s'impose à nous sans que nous puissions y résister (croire en l'amour éternel), soit que nous ne reconnaissions pas qu'il s'agit d'une croyance (la science d'aujourd'hui est la croyance de demain) La question du choix semble donc mal posée. 1. Parce que la distinction est ténue et contestable. 2. Parce que choisir le uploads/Philosophie/ corrige-croire-ou-savoir.pdf
Documents similaires










-
21
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 16, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0512MB