Philosophiques Document généré le 18 jan. 2018 05:44 Philosophiques De l’approp

Philosophiques Document généré le 18 jan. 2018 05:44 Philosophiques De l’appropriation à la propriété : John Locke et la fécondité d’un malentendu devenu classique Eric Fabri Dossier. Usages de la réflexivité en philosophie allemande Volume 43, numéro 2, automne 2016 URI : id.erudit.org/iderudit/1038210ar DOI : 10.7202/1038210ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Fabri, E. (2016). De l’appropriation à la propriété : John Locke et la fécondité d’un malentendu devenu classique. Philosophiques, 43(2), 343–369. doi:10.7202/1038210ar Résumé de l'article Le cinquième chapitre du Second traité du gouvernement de John Locke a été l’objet de nombreuses mésinterprétations dont l’origine est à chercher dans la volonté des commentateurs d’y trouver une « théorie de la propriété », là où ne se trouvait qu’une « théorie de l’appropriation ». Après une présentation du texte et de ses interprétations (Macpherson, Nozick, Tully et Spitz), l’article étudie le contexte d’écriture des Deux traités du gouvernement et la place qu’y occupe le cinquième chapitre pour démontrer que l’intention de Locke dans ce chapitre était restreinte : il ne s’agissait que de légitimer l’appropriation originelle dans l’état de nature en vue de poser les jalons indispensables à la démonstration aboutissant au droit de résistance. La distinction faite entre « théorie de la propriété » et « théorie de l’appropriation » permet alors de comprendre comment les interprètes ont extrapolé les écrits de Locke et quels problèmes cette extrapolation pose aux théories modernes de la propriété d’inspiration lockéenne (et en particulier à l’Entitlement Theory de Robert Nozick). Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. 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Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 2016 PHILOSOPHIQUES 43/2 — Automne 2016, p. 343-369 De l’appropriation à la propriété : John Locke et la fécondité d’un malentendu devenu classique ERIC FABRI Université libre de Bruxelles — Centre de théorie politique eric.fabri@hotmail.com RÉSUMÉ. — Le cinquième chapitre du Second traité du gouvernement de John Locke a été l’objet de nombreuses mésinterprétations dont l’origine est à cher- cher dans la volonté des commentateurs d’y trouver une « théorie de la pro- priété », là où ne se trouvait qu’une « théorie de l’appropriation ». Après une présentation du texte et de ses interprétations (Macpherson, Nozick, Tully et Spitz), l’article étudie le contexte d’écriture des Deux traités du gouvernement et la place qu’y occupe le cinquième chapitre pour démontrer que l’intention de Locke dans ce chapitre était restreinte : il ne s’agissait que de légitimer l’appro- priation originelle dans l’état de nature en vue de poser les jalons indispen- sables à la démonstration aboutissant au droit de résistance. La distinction faite entre « théorie de la propriété » et « théorie de l’appropriation » permet alors de comprendre comment les interprètes ont extrapolé les écrits de Locke et quels problèmes cette extrapolation pose aux théories modernes de la pro- priété d’inspiration lockéenne (et en particulier à l’Entitlement Theory de Robert Nozick). ABSTRACT. — Because most commentators searched a “theory of property” where only a “theory of appropriation” was to be found, the fifth chapter of Locke’s Second Treatise of Civil Government has often been misinterpreted. After recalling briefly Locke’s text and presenting the two major lines of interpreta- tions (Macpherson and Nozick, Tully and Spitz), the article examines in detail the political destination of the Two Treatises and the role of the fifth chapter in their general economy. The objective is to demonstrate that Locke’s intention when writing this chapter was rather restricted : he only aimed at legitimating private appropriation in the State of Nature because it was a necessary prelim- inary step for concluding that resisting an arbitrary political power is legitimate. With the distinction between a « theory of property » and a « theory of appro- priation » at hand, the article points out which indeterminacies allowed such divergent interpretations to coexist, and further explores the problems this dis- tinction rises for modern theories of property like the Nozickean “entitlement theory”. Introduction Sobrement intitulé Of Property, le cinquième chapitre du Second traité du gouvernement civil, est un texte qui eut une influence majeure dans l’histoire de la pensée politique. Locke y soutient que, dans l’état de nature, l’individu peut s’approprier la part des choses communes à laquelle il mêle son travail. Lu, commenté et critiqué en d’indénombrables occasions, ce texte a extirpé le débat sur la légitimité de la propriété privée hors du paradigme théolo- gique jusnaturaliste (qui en constituait jusqu’alors le référentiel conceptuel 344 • Philosophiques / Automne 2016 privilégié) pour le porter sur le terrain sécularisé de la philosophie politique moderne, initiant ainsi un débat toujours ouvert de nos jours sur la légiti- mité de la propriété privée. Au long de ce débat, l’argument de Locke devint central pour à tout le moins quatre courants de pensée : le libéralisme clas- sique, le marxisme, le libertarisme et le républicanisme. Le libéralisme y voit l’acte fondateur de la société de marché et de l’une de ses prémisses essen- tielles : l’individu propriétaire. Le marxisme à la fois critique cette appro- priation originelle et reprend à son compte le lien qu’établit Locke entre la propriété et le travail pour critiquer l’accumulation capitaliste fondée sur l’appropriation « sans travail ». Le libertarisme de droite tente de fonder un droit absolu à la propriété en étendant à la chose appropriée le droit absolu qu’a l’individu sur son corps. Tandis que le républicanisme cherche à récon- cilier intérêt privé et intérêt général en soutenant que, même pour Locke, la communauté politique a le droit de limiter les propriétés des individus conformément à la volonté générale1. Ce constat soulève une question : comment des interprétations conflic- tuelles et aussi radicalement divergentes peuvent-elles se revendiquer du même texte ? Pour éclairer cette interrogation, notre enquête procède en trois étapes. Nous commençons par revenir brièvement au texte du chapitre V pour en rappeler les thèses centrales et en présenter les différentes inter- prétations. Ensuite, dans une perspective fidèle aux thèses de l’école de Cam- bridge, nous dégageons l’intention théorique qui était celle de Locke lorsqu’il rédigeait ce chapitre afin d’une part d’examiner comment elle s’articule au propos général des Deux traités, et d’autre part de la confronter à ses inter- prétations. Cette confrontation nous autorisera dans la troisième et dernière section à soutenir que la théorie lockéenne de la propriété a été l’objet d’une longue suite de mésinterprétations par différents commentateurs qui y ont cherché une théorie de la propriété là où ne se trouvait rien de plus qu’une théorie de l’appropriation. Nous concluons en explorant les problèmes 1. K I. Vaughn souligne ainsi dans son essai bibliographique consacré à la postérité du chapitre V du Second traité que : « la théorie de la propriété de Locke […] était considérée par la plupart des auteurs du dix-neuvième et du début du vingtième siècle comme la pierre angu- laire du libéralisme classique » (K.I. Vaughn, « John Locke’s Theory of Property : Problems of Interpretation », Literature of Liberty, vol. 3, no 1, 1980, p. 6). Pour les autres courants, voir (dans l’ordre) : C. B. Macpherson, La théorie politique de l’individualisme possessif de Hobbes à Locke, Paris, Gallimard, 2004 ; Robert Nozick, Anarchy, State, Utopia, Oxford, Blackwell Publishers, 1974 ; James Tully, Locke, Droit naturel et propriété, Paris, Presses universitaires de France, 1992 (Leviathan). Le lecteur familier de la littérature sur Locke s’étonnera de l’absence des interprétations de Léo Strauss dans la liste qui est dressée ici. Nous les avons délibérément laissées en dehors de notre analyse car sa position est proche de celle de Macpherson, mais en moins clair, et est plus axée sur le statut de la loi naturelle chez Locke que sur la propriété en tant que telle. De plus, les conclusions de Strauss sur Locke ont largement été remises en ques- tion par les travaux récents qui ont tous souligné l’importance d’un réel souci théologique chez Locke. De l’appropriation à la propriété • 345 méthodologiques qui se posent si l’on prend au sérieux cette distinction que nous proposons entre théorie de la propriété et théorie de l’appropriation. Au regard des très nombreuses pages de commentaires qui ont déjà été écrites sur la question de la propriété dans la pensée de John Locke, notre analyse a ceci d’original qu’elle porte sur un double niveau : à la fois sur le texte du cinquième chapitre en tant que tel et sur les raisons qui font qu’on peut se demander si les commentateurs de Locke ont bien lu le même texte. Bien que l’on puisse légitimement questionner l’utilité de « commenter les uploads/Philosophie/ de-l-x27-appropriation-a-la-propriete-john-locke-et-la-fecondite-d-x27-un-malentendu-devenu-classique-eric-fabri.pdf

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