DE LA NOTION DE PRINCIPE CHEZ ARISTOTE Author(s): G. MOREL Source: Archives de

DE LA NOTION DE PRINCIPE CHEZ ARISTOTE Author(s): G. MOREL Source: Archives de Philosophie , OCTOBRE-DECEMBRE 1960, Vol. 23, No. 4 (OCTOBRE- DECEMBRE 1960), pp. 487-511 Published by: Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris Stable URL: https://www.jstor.org/stable/43031962 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. 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Elle suffit cepen- dant pour indiquer, au moins par manière négative, le domaine où nous nous situons : il s'agit, d'une part, de savoir philosophique , c'est-à-dire de la connaissance de l'étant en tant qu'étant (ovrj ov), par conséquent non pas seulement connaissance des principes de la science, mais science en acte ( ¿veoyeía 1087a 16), portant non sur un uni- versel abstrait, mais sur le réel déterminé 1. D'autre part, il s'agit bien de savoir : nous ne nous satisfaisons pas d'af- firmer qu'Aristote est parvenu, comme il se le promettait, à dépasser ces deux formes inférieures de connaissance que sont la sensation (aû<jÔ7i<xiç) et l'opinion (oól-a) : certains, en effet, sont tentés de réduire la pensée d'Aristote à des apories successives , transposant trop vite certaines certi- tudes foncières en interrogations métaphysiques fragmen- taires. Il faut, au contraire, se demander si ces apories ne s'engendrent pas les unes les autres sous la poussée d'une I. « ...tj 6 EVôpyeta iî)pi<r»jiév7) xat wptajiévou, xó8e ti ouaa touo¿ tivoç» 1 087a 16 (nous citons la pagination et la numérotation Bekker). This content downloaded from 102.114.127.187 on Sat, 28 Aug 2021 05:37:47 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms m G. MOREL force interne qui fraie la voie à une compréhension de la pensée aristotélicienne comme un ensemble . Cette remar- que ne signifie pas, d'ailleurs, a priori, que cet ensemble se tienne sans ambiguïté, mais elle indique que les diffé- rentes antinomies, émergeant à mesure que se déroule le discours philosophique, ont peut-être leur source dans une antinomie plus profonde qui ne se laisserait pleine- ment découvrir qu'au terme du développement. Sans atomiser l'œuvre, sans non plus sous-estimer les difficultés en les ramenant à une unité artificielle, notre projet vise à déployer dans sa totalité l'acte philosophi- que d'Aristote, pour en découvrir, à travers ses diverses manifestations, le (ou les) sens fondamental(aux). C'est autour de la notion d'àcyr, que nous organisons cette recherche, puisqu'elle est, selon Aristote lui-même, la première notion qui ouvre la route au savoir suprême, et peut-être aussi, en un sens, celle qui l'achève. PREMIERS DEVOILEMENTS DE LA NOTION D'APXH DANS LA CRITIQUE PAR ARISTOTE DE LA PENSEE DE SES PREDECESSEURS La question de l'ipy/l - que nous traduisons pour le moment par « principe » - est en effet question centrale pour Aristote : c'est sur elle notamment qu'il fait porter le poids des, jugements et des critiques qu'il adresse à ses prédécesseurs. Au livre A de la Métaphysique qui cons- titue en bref une véritable philosophie de l'histoire philo- sophique, il annonce qu'il va tenir compte des travaux de ceux qui, avant lui, « se sont engagés dans l'étude des êtres et qui ont philosophé sur la vérité », et il en donne la raison suivante : « Car il est évident qu'eux aussi parlent de certains principes et de certaines causes » 2. Ce texte constitue déjà une précieuse indication pour le sens que donne Aristote à la notion de philosophie et précisé- ment à la notion d'àpyv) : il fait suite, en effet, à l'énumé- 2. « 8-řjXov yap ó'xi xáxsTvoi Asyouatv áp^áç Ttvaç xa! a!xta<;* » (983* 3-4) On remarquera ici, comme en d'autres textes, le rapprochement, qui va jusqu'à la synonymie, entre attta et ap^/ļ . Cp. 983a 30 où la cause efficiente est définie : a ô'ôiv Ij àp^rj ty1ç xivt)«û>ç ». This content downloaded from 102.114.127.187 on Sat, 28 Aug 2021 05:37:47 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms DE LA NOTION DE PRINCIPE CHEZ ARISTOTE hS9 ration des quatre causes, laissant entendre que ce n'est pas le principe enclos en lui-même qui importe, mais le principe en tant qu' il fonde (cause) quelque chose d'autre que lui-même. N'est pas vraiment philosophe celui qui se meut dans le seul « monde » des principes, mais celui pour qui les principes servent à découvrir la Vérité, c'est- à-dire la Réalité, la nature de ce qui est3. On comprend alors comment Aristote un peu plus loin dénie presque brutalement le titre de philosophes aux Platonisants, parmi lesquels, il est vrai, il se range encore lui-même : « D'une façon générale, alors que la Sagesse a pour objet la recher- che de la cause des phénomènes ( rapi tgív cpavspwv tò ařriov ), c'est précisément ce que nous (Platonisants) laissons de côté (car nous ne disons rien de la cause d'où vient le prin- cipe du changement) » 4. C'est pourquoi Aristote fait retour explicite au projet des philosophes, physiologues et cosmologues, antérieurs à Platon : il faut comprendre ce monde dans sa phénomé- nalité ; toutefois, en dépit des diverses solutions qu'ils ont proposées, tous, physiologues ou cosmologues, ont suc- combé sous le poids de la question qu'ils avaient soulevée, pour n'avoir pas réussi à faire émerger l'apy/i vraiment uni- versel, pour être, d'une manière ou d'une autre, demeurés prisonniers du sensible. Ce qui différencie en effet Aristote de ses prédécesseurs préplatoniciens, c'est la distinction « radicale » qu'il maintient entre deux ordres, l'ordre de l'essence ou du principe et l'ordre du sensible comme tel : « L'antérieur xarà tòv lóy ov n'est pas le même que l'anté- rieur xaTa TTjV a&70r,<7<.v . » (1018b 31) : dualité que l'on retrouve se répercutant à tous les niveaux de la réflexion ; il suffit pour le moment de le signaler : par exemple l'ob- jet de connaissance se présente sous une double face, tel qu'il est en soi et tel qu'il est pour nous : « La marche natu- relle ( 7T£®uxe) c'est d'aller des choses les plus connaissables pour nous (r^ív) et les plus claires pour nous à celles qui sont plus claires et plus connaissables en soi OfÚTs».), car les 3. Cest en effet le sens du mot ¿V/jOeta à 983b 2 selon la plupart des commenta- teurs, notamment Ross I, 128 qui renvoie aussi à 988a 993a 30, *17, 20. 4. ( ou6ev -yàp XzyoïLsv izepi r xh'aç o0ev i¡ i pyi) (jirraêoXT),; ), 992a 24&s: on notera ici encore le lien - et la relative redondance - entre sttxitt el Apx>i This content downloaded from 102.114.127.187 on Sat, 28 Aug 2021 05:37:47 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 490 G. MOREL objets de connaissance ne «ont pour nous (ôp'w) et (in/Mi) » (184a 16 ss.). Mais la sensation et celui du lo pas une simple reprise ou amplification de la pensée platonicienne. La rupture de Platon avec les premiers penseurs grecs est pour Aristote l'occasion d'asseoir sur de nou- velles bases le projet qui, selon lui, est à l'origine de la philosophie et qui tend à rendre raison des « phénomè- nes » (twv œavEpcôv). C'est en réfléchissant sur cette rup- ture qu'il indiquera la manière de dépasser à la fois le naturalisme des pliysiologues et l'idéalisme de Platon. On a reproché à Aristote le sectarisme de la critique qu'il a instituée contre son maître : cependant, en fai- sant tourner cette critique essentiellement autour de la notion ď eíòo; , il n'ignorait pas qu'il y avait d'autres aspects dans la doctrine de Platon : pour prendre un seul exemple, au livre N de la Métaphysique, il montre avec justesse comment les Platoniciens, revenant sur le problème du fondement de la pluralité des êtres, ten- tent de sortir de leur idéalisme abstrait en faisant appel à un principe nouveau, corrélat de l'Etre, le Non-Etre. Mais cette mention se transforme en critique impitoya- ble : Aristote dénonce, en effet, sous ce camouflage la persistante illusion idéaliste : les Platoniciens sont impuissants à descendre jusqu'au cœur de l'Etre, puis- que le principe auquel ils ont recours, le Non-Etre, loin de pénétrer à la source uploads/Philosophie/ de-la-notion-de-principe-chez-aristote.pdf

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