La firme théorique : définition et existence Commentaire sur la théorie de la f

La firme théorique : définition et existence Commentaire sur la théorie de la firme par Harold Demsetz tiré de : L'Economie de la Firme : sept commentaires critiques Editions Management 1998 La théorie néoclassique demeure le cœur de la théorie économique. Cette théorie qui cherche essentiellement à comprendre le fonctionnement du système des prix comme mode d'affectation des ressources contient aussi un modèle simple de la firme. Mais pourquoi y a-t-il une firme dans la théorie des prix ? Qu'est-ce qui définit la firme dans cette théorie ? Le premier commentaire de ce volume, est le lieu adéquat pour traiter ces deux questions épistémologiques. La manière dont je les aborde est très éloignée de celle qui est populaire aujourd'hui dans la théorie émergente de la firme. Les réponses à ces deux questions conduisent presque naturellement au deuxième commentaire qui traite des théories de l'organisation interne de la firme. Les traitements modernes de la firme ne séparent pas nettement l'organisation de la firme de la question de son existence. Lors de la rédaction de ce volume, j'ai acquis la conviction que le mélange de ces deux questions est à l'origine de confusions. Tout comme une théorie de l'existence de l'atome n'a pas besoin d'avoir de relation avec une théorie du fonctionnement interne de son système d'électrons, de la même façon une explication de l'existence de la firme peut ne pas avoir grand chose à voir avec une explication de son organisation interne. L'exemple le plus important de traitement simultané de ces deux questions est fourni par l'article classique de R.H. Coase de 1937, " The Nature of the Firm ", il annonce explicitement son objectif au début de la partie II de son article, " Notre tâche est d'essayer de savoir pourquoi une firme émerge dans une économie d'échanges spécialisés ". Sa réponse, qui a exercé une influence considérable, est que le marché, ou l'orientation par les prix, n'est pas gratuit. Les coûts de transaction, s'ils sont élevés, justifient le remplacement de la coordination par les prix par la coordination dirigée. Mais ensuite Coase poursuit en appliquant l'analyse des coûts de transaction à l'organisation interne de la firme, essayant de savoir jusqu'à quel degré la firme a-t-elle intérêt à être intégrée verticalement et quelle confiance elle peut accorder aux contrats de travail à long terme. Lorsque les économistes ont montré de l'intérêt pour l'existence des firmes, ils ne se sont pas penchés sur les faits relatifs aux firmes. Au contraire, on a assisté à la recherche d'une théorie logique susceptible d'expliquer l'existence des firmes dans un système de prix. Ce biais purement théorique est une conséquence du fait, auquel Coase fait allusion, que la firme en tant que construction théorique, s'emboîte mal dans le corps important de la théorie des prix que nous appelons théorie économique néoclassique. Je pense maintenant que le tenon n'est pas de guingois si le rôle de la firme dans la théorie est perçu correctement. Le mauvais emboîtement est le résultat de la manière inadéquate dont nous avons considéré la firme dans cette théorie. Je reviendrai sur cette importante question plus loin dans ce commentaire ; j'y donnerai une autre vision de la firme. La littérature contemporaine considère que l'élément qui permet d'identifier la firme est le recours à la coordination dirigée (managed coordination). La littérature ancienne faisait de même et je commence par exposer les deux vues qui ont eu le plus d'influence à propos de la coordination dirigée et de l'existence des firmes, à savoir celles de F.H. Knight et de R.H. Coase. II ne semblait pas que le problème de l'existence de la firme fût un problème à résoudre pour la littérature entourant la théorie néoclassique. Cette dernière théorie était elle-même confrontée à un problème d'existence, celui du profit dans une économie supposée fortement concurrentielle. Dans une telle économie, la valeur du produit marginal d'un facteur de production détermine la rémunération qu'il reçoit sur le marché. Le marché concurrentiel ne tolère pas qu'un facteur de production puisse recevoir une rémunération en l'absence de toute contribution à la production. Le profit est un paiement fait aux propriétaires de la firme, mais leur contribution productive, contrairement à la sueur des travailleurs, n'est pas claire, et sa justification est compliquée par le fait que le profit est, par nature un résidu, et non pas une somme spécifiée et facilement calculée. La littérature ancienne accordait un rôle productif à la propriété sous la forme du risque supporté par les propriétaires de la firme et l'existence du profit était attachée à la nécessité de rémunérer cette prise de risque, dans la mesure où il y avait un risque. Cette rationalisation du profit, qu'on pourrait associer aux divergences de fait qui existent entre l'économie concrète et l'économie du modèle de concurrence parfaite qui postule l'information complète de tous les agents, constitue la cible principale de l'attaque lancée par F.H Knight dans son livre influent Risk, Uncertainty and Profit (1921). C'est à la suite de cette attaque que l'on se rendit compte pour la première fois de la nécessité d'expliquer l'existence des firmes. L'explication de Knight La tâche première à laquelle s'attaque Knight dans son livre n'est pas d'expliquer l'existence de la firme ni même son organisation, mais d'expliquer l'existence du profit. Knight montre que, même si l'hypothèse d'information complète est abandonnée de telle sorte que le risque existe, le risque n'offre pas une explication satisfaisante du profit parce qu'il est associé à des distributions de probabilité connues des différents événements. Une compagnie d'assurance peut calculer la prime équitable correspondant au risque d'incendie et, en faisant payer cette prime aux firmes pour les assurer contre ce risque, elle convertit ce risque en un coût ordinaire de l'activité d'une entreprise. L'entrée, la sortie et d'une manière générale la concurrence doivent donc traiter le risque comme n'importe quel coût de production. En tant que tel, le risque ne peut donner naissance au profit. Des recettes qui dépassent les coûts, y compris ceux associés au risque, ne peuvent exister dans une économie concurrentielle en situation d'équilibre. Un concurrent potentiel doit être attiré et cela suffit pour éliminer le profit. Knight poursuit en disant que l'imperfection de l'information doit être le reflet de quelque chose de différent du risque pour qu'elle puisse donner naissance à un profit (ou à une perte). Les événements ne doivent pas pouvoir être prédits, de telle sorte qu'il est impossible de convertir l'incertitude en un coût de production connu. Pour répondre à ses préoccupations, Knight est amené à créer une nouvelle catégorie de connaissance imparfaite qu'il baptise incertitude. Elle se distingue du risque en ce que l'ensemble des événements possibles est si mal connu qu'il est impossible de procéder à un calcul de type actuariel. Les événements incertains sont créateurs de profit ou de perte parce que l'entrée sur le marché ou la sortie ne peuvent être fondés sur une anticipation rationnelle de ces événements. En introduisant l'incertitude, Knight ne se rend pas compte qu'il doit résoudre le problème de la redéfinition de l'équilibre concurrentiel et de la démonstration de l'existence d'un équilibre concurrentiel dès l'instant où concurrence et incertitude sont mêlés. L'incertitude est une cause étrange du profit si le but poursuivi par Knight est de ressusciter le profit comme orienteur de l'affectation des ressources dans une économie guidée par le système des prix. Puisqu'il n'est pas " prédictible " , il ne peut influencer rationnellement les décisions d'affectation des ressources. Or si le profit est une variable importante dans la théorie néoclassique et dans les travaux plus anciens de Smith sur la Richesse des nations, c'est parce qu'il oriente les flux de capitaux et donc aussi les autres ressources. De plus - et maintenant on en vient à la question concernant l'existence de la firme - l'incertitude en tant que seule cause du profit sape l'explication de l'existence des firmes si on pense que les firmes ont d'abord pour objectif de rechercher le profit. En rejetant le risque comme cause du profit et en le remplaçant par un concept non " prédictible " , Knight a besoin d'une nouvelle théorie qui justifie l'existence des firmes. C'est, la raison pour laquelle, du moins selon mon interprétation, Knight dévie de sa trajectoire initiale, allant de la recherche des causes du profit à celle de l'existence de la firme. Lui-même n'admet pas cette déviation mais c'est un fait que, dans la suite des argumentations qu'il développe, le passage du risque à l'incertitude s'accompagne d'un glissement de l'analyse et de l'objectif poursuivis. De façon significative, son argumentation pour justifier l'existence de la firme ne repose pas sur le profit mais sur le risque, ou plus précisément sur la distribution du risque. Knight considère que la firme a la capacité de redistribuer le risque entre le propriétaire-dirigeant et les employés. Le profit ou la perte, conséquence des fluctuations de l'activité économique est le reflet du fait que le propriétaire-dirigeant supporte presque intégralement le risque alors que les employés ont des contrats qui leur garantissent une paie relativement indépendante de ces fluctuations. Cette redistribution uploads/Philosophie/ demetz-pre-sentation-de-la-the-orie-de-la-firme-spe-cialise-e.pdf

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