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Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval, 2007 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 10/22/2021 6:47 a.m. Laval théologique et philosophique Les fondements culturels et historiques de la crise écologique (« Die geistesgeschichtlichen Grundlagen der ökologischen Krise ») Vittorio Hösle Théologie politique Volume 63, Number 2, juin 2007 URI: https://id.erudit.org/iderudit/016792ar DOI: https://doi.org/10.7202/016792ar See table of contents Publisher(s) Faculté de philosophie, Université Laval Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval ISSN 0023-9054 (print) 1703-8804 (digital) Explore this journal Cite this article Hösle, V. (2007). Les fondements culturels et historiques de la crise écologique : (« Die geistesgeschichtlichen Grundlagen der ökologischen Krise »). Laval théologique et philosophique, 63(2), 385–406. https://doi.org/10.7202/016792ar Article abstract In this article, the author wishes to throw some light on what he deems to be the essential laws (Wesensgesetze) that have contributed to the development of human culture from its beginnings to the present ecological crisis. More specifically, the aim is to conduct an analysis of the cultural and historical foundations (geistesgeschichtlichen) of the different conceptions of the relation between man and nature, as well as of the concept of nature itself, which have prevailed one after another through history and are still found today at the heart of the modern sciences of nature and technique. In doing so, the author hopes to contribute to the elaboration of a new philosophy of nature capable of addressing the present ecological crisis. Laval théologique et philosophique, 63, 2 (juin 2007) : 385-406 385 X document LES FONDEMENTS CULTURELS ET HISTORIQUES DE LA CRISE ÉCOLOGIQUE (« DIE GEISTESGESCHICHTLICHEN GRUNDLAGEN DER ÖKOLOGISCHEN KRISE ») Vittorio Hösle* Traduction par Danic Parenteau École d’études politiques Université d’Ottawa RÉSUMÉ : Dans cet article, l’auteur se propose de jeter un éclairage sur ce qu’il considère être les lois essentielles (Wesensgesetze) ayant contribué au développement de la culture humaine de- puis ses débuts jusqu’à la crise écologique actuelle. Précisément, il s’agit de mener une ana- lyse, sous la forme d’une analyse de l’histoire des fondements culturels et historiques (geistes- geschichtlichen), des différentes conceptions du rapport entre l’être humain et la nature et du concept de nature qui se sont succédé dans l’histoire et qui se trouvent aujourd’hui au cœur des sciences modernes de la nature et de la technique. Ce faisant, l’auteur aspire à contribuer à l’élaboration d’une nouvelle philosophie de la nature qui soit en mesure de faire face à la présente crise écologique. * Né en 1960, Vittorio Hösle a obtenu son doctorat à l’Université de Tübingen. Il a été professeur dans plu- sieurs universités européennes et états-uniennes et détient actuellement la Chaire Paul G. Kimball d’arts et de lettres à l’Université Notre-Dame (Indiana). Ses recherches portent principalement sur l’éthique, la métaphysique et la philosophie politique. Parmi ses ouvrages, on compte notamment Hegels System (Le système de Hegel, 2 vol., Hamburg, Meiner, 1987), Philosophie und Begründung (Philosophie et fonda- tion, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1987), Moral and Politik (Morale et politique, Munich, C.H. Beck, 1997), et Philosophie der ökologischen Krise (Philosophie de la crise écologique, Munich, C.H. Beck, 1991), duquel est tiré le présent article. Ses ouvrages ont été traduits dans plusieurs langues, dont l’anglais, le catalan, le chinois, le coréen, l’italien, etc. Le seul texte disponible en traduction française de cet auteur est un chapitre tiré de Philosophie und Begründung paru sous le titre de L’idéalisme objectif (trad. S. Cos- ta, B. Goebel et J. Schmutz, Paris, Cerf [coll. « Humanités »], 2001). VITTORIO HÖSLE 386 ABSTRACT : In this article, the author wishes to throw some light on what he deems to be the es- sential laws (Wesensgesetze) that have contributed to the development of human culture from its beginnings to the present ecological crisis. More specifically, the aim is to conduct an analy- sis of the cultural and historical foundations (geistesgeschichtlichen) of the different conceptions of the relation between man and nature, as well as of the concept of nature itself, which have prevailed one after another through history and are still found today at the heart of the modern sciences of nature and technique. In doing so, the author hopes to contribute to the elaboration of a new philosophy of nature capable of addressing the present ecological crisis. ______________________ Ils sciaient les branches qui les portaient Et se faisaient part à grands cris de leur expérience Sur la manière de scier plus vite, et puis ils tombaient, Au milieu des craquements, dans le vide, et ceux qui les regardaient Hochaient la tête tout en sciant et Continuaient de scier1. i ces mots de Bertolt Brecht traduisent adéquatement la situation de l’être humain dans le contexte de la présente crise écologique, il convient alors de souligner combien il est paradoxal que ce dernier, qui est responsable (de même que victime) de la catastrophe qui s’annonce, se soit lui-même attribué le nom d’homo sapiens. La pré- sente crise écologique et la dévastation à travers laquelle elle se manifeste apparais- sent en effet bien éloignées de l’idéal de sagesse et de l’équilibre harmonieux qu’ins- pire cet idéal, dont il s’attribue pourtant les vertus. Force est de reconnaître que depuis qu’est apparue la vie sur Terre, l’espèce humaine est sans conteste celle qui a extermi- né le plus grand nombre d’espèces végétales et animales et qui, par son action destruc- trice, a modifié à jamais l’équilibre biologique de la planète. Au fondement de cette destruction, et de la crise écologique qui en résulte, repose une forme de pensée particulière : la raison technique. Au cours des derniers siècles, cette forme de pensée a réussi à rompre l’équilibre qui existait entre les diverses formes de rationalités, de sorte qu’elle est parvenue à complètement s’imposer au détriment de celles pour lesquelles la tradition philosophique réservait le titre de « sagesses ». La force de cette pensée est incontestable. Nul ne peut nier qu’en biologie, par exem- ple, des progrès considérables ont été accomplis depuis Aristote : en comparaison de nos ouvrages scientifiques modernes, les traités aristotéliciens apparaissent en effet bien pauvres. Pourtant, si l’on compare la manière qu’avait Aristote d’intégrer tous les êtres vivants au sein de l’ensemble de l’être, au refus des sciences modernes de la nature de réfléchir sur les fondements de leur propre entreprise, alors peut-on toujours parler d’un progrès ? À vrai dire, si l’on compare le sentiment de conscience et de responsabilité éthique qui était au cœur des sciences anciennes au manque de volonté, ou simplement, à l’incapacité des scientifiques modernes à pouvoir rendre compte de 1. Bertolt BRECHT, Exil III, dans Œuvres complètes, Poèmes : Poèmes ne figurant pas dans des recueils, chan- sons et poèmes extraits des pièces 1934-1941, trad. P. Mayer, Paris, l’Arche, 1967, p. 68. S LES FONDEMENTS CULTURELS ET HISTORIQUES DE LA CRISE ÉCOLOGIQUE 387 leurs entreprises et de leurs actes sur un plan éthique — dont les conséquences sont pourtant immenses —, ne serait-il pas plus approprié de parler d’une régression ? Au fondement de l’actuel règne de la technique moderne et de la pensée technique se trouve une rupture entre rationalité instrumentale (Zweckrationalität) et rationalité axiologique (Wertrationalität). Et c’est cette rupture qui permet d’expliquer la présente crise écologique, de même que, d’une manière générale, le sentiment de désorienta- tion (Steuerungsprobleme) qui afflige nos sociétés modernes. Il ne s’agit point ici d’idéaliser le passé. L’histoire abonde assurément d’exemples de sociétés préindus- trielles atteintes par une telle perversion morale (moralische Perversionen), voire qui présentent une dépravation plus marquée. Mais à la différence de nos sociétés, ces sociétés préindustrielles ne disposaient pas de l’immense pouvoir vis-à-vis de la na- ture dont nous jouissons aujourd’hui. Cette disproportion alarmante entre « pouvoir » et « sagesse » trouve son origine dans le développement du pouvoir dont jouit l’être humain sur la nature, lequel repose à son tour sur les possibilités offertes par la so- ciété industrielle. Mener une analyse de la structure propre de cette société industrielle exige d’exa- miner séparément les trois éléments qui la composent : la science moderne, la tech- nique moderne et l’économie capitaliste. Ces trois éléments forment la « superstruc- ture » qui anime notre société, en tant qu’elle est son moteur, qui semble par ailleurs de plus en plus difficile à contrôler2. On doit ici remarquer que la question fondamentale du rapport entre l’âme et le corps ne sera point abordée dans le présent travail, à savoir à qui, de la structure ou de la superstructure, revient la primauté pour comprendre l’essence de l’être humain. Limitons-nous à deux brèves remarques. D’un point de vue ontologique, il semble évident que les facteurs matériels et idéels d’une culture existent toujours dans une relation d’interaction les uns avec les autres, dans la mesure uploads/Philosophie/ die-geistesgeschichtlichen-grundlagen-der-oekologischen-krise.pdf

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