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EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Annales. Histoire, Sciences Sociales. http://www.jstor.org EHESS Enjeux et usages de la "crise" dans la philosophie universitaire en France au tournant du siècle Author(s): Jean-Louis Fabiani Source: Annales. Histoire, Sciences Sociales, 40e Année, No. 2 (Mar. - Apr., 1985), pp. 377-409 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/27582152 Accessed: 25-10-2015 02:53 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 128.6.218.72 on Sun, 25 Oct 2015 02:53:22 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions JEAN-LOUIS FABIANI ENJEUX ET USAGES DE LA ? CRISE ? DANS LA PHILOSOPHIE UNIVERSITAIRE EN FRANCE AU TOURNANT DU SI?CLE* ? Et Monsieur Boutroux conclut avec une ?nergique douceur : comment vivrait-on sans philosophie ? 1 ? Dans un essai sur la situation de la philosophie fran?aise contemporaine, Jacques Bouveresse remarque que les consid?rations m?taphilosophiques sur la crise, voire sur la mort de la philosophie constituent aujourd'hui une sorte de th?me oblig? : ? On a l'habitude de dire, ?crit-il, que la philosophie est, d'une certaine mani?re, en ?tat de crise permanente. Mais c'est justement une mani?re de constater que le terme de ' crise ', lorsqu'on l'utilise ? son sujet, perd prati quement toute esp?ce de signification ?2. L'affirmation selon laquelle la philo sophie n'en finirait pas de finir, qui va d'ailleurs souvent de pair avec l'annonce de sa r?surrection p?riodique, n'est assur?ment pas un trait distinctif de la phi losophie fran?aise. M?me si les r?f?rences ? la crise et ? la mort constituent aujourd'hui des banalit?s et si certains universitaires savent g?rer cette crise de fa?on paisible et prosp?re, il n'en reste pas moins que le th?me de la fin de la philosophie a ?t? central depuis le xixe si?cle, sous des modes divers et sans doute oppos?s3. La Crise des sciences europ?ennes de Husserl constitue le meil leur exemple de diagnostic de la crise et pr?sente le programme le plus achev? de restauration de l'unit? et de la fonction perdues des discours philosophiques4. Mais le th?me de la crise de la philosophie a pris en France des formes particu li?res qui tiennent ? la fois ? l'existence d'une classe de philosophie dans les lyc?es, au d?veloppement tardif et relativement limit? de l'enseignement sup? rieur, ? la faible institutionnalisation des sciences sociales et ? l'existence d'un d?bat id?ologique permanent sur les fonctions du syst?me d'enseignement5. La remarque de J. Bouveresse pourrait faire douter de l'int?r?t d'une ?tude des formes qu'a prises la r?it?ration d'une th?matique de la crise de la discipline : quand les discours d'autod?finition incluent toujours une d?ploration de l'?tat Annales ESC, mars-avril 1985, n ? 2, pp. 377-409. 377 This content downloaded from 128.6.218.72 on Sun, 25 Oct 2015 02:53:22 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions HISTOIRE CULTURELLE des choses, il devient difficile de distinguer un ?tat organique d'un ?tat critique de la philosophie et il est peut-?tre vain de s'attarder ? l'ex?g?se d'un lieu commun ou, pire, d'une coquetterie d'universitaires qui aiment croire qu'ils vivent dangereusement. L'usage universel de la notion de crise est souvent l'occasion d'explications rapides et d'assimilations hasardeuses : c'est le moyen d'?noncer des ?quivalences entre la crise d'une discipline, la crise du syst?me d'enseignement et la crise sociale globale, sans qu'il soit jamais besoin de d?finir un ?tat organique ou hom?ostatique6. La notion appara?t alors comme un op?rateur autorisant ? rendre compte en derni?re instance de l'?tat d'une discipline par d'autres formes d'?tat critique. On pourrait trouver un exemple de ce jeu dans les diverses th?ories du reflet7. D'autre part, la r?f?rence g?n?ra lis?e ? la notion de crise enveloppe souvent la confusion de ce qui pourrait ?tre la notion de crise sociologiquement construite avec les proclamations que font les divers agents sociaux sur leur situation propre ou sur l'?tat du monde, la pre mi?re se r?duisant quelquefois ? n'?tre qu'une paraphrase des secondes. Si l'on choisit de prendre au s?rieux l'insistance que les philosophes univer sitaires de la Troisi?me R?publique mettent ? ?voquer la situation critique dans laquelle ils sont, on se trouve devant une situation apparemment paradoxale : l'inqui?tude se manifeste ? un moment qui est pour la philosophie universitaire fran?aise celui d'une nouvelle fondation, chose qui rend les explications de la crise en termes de d?clin social ou de d?composition particuli?rement risqu?es, ou ? tout le moins contre-intuitives. La p?riode 1880-1914 est souvent consi d?r?e comme un ?ge d'or de la philosophie universitaire ; les hagiographes y trouvent leur h?ros et leurs mod?les. On repr?sente souvent le professeur de philosophie de l'?poque comme un homme ?cout? et respect?. La repr?senta tion commune et le discours savant se rejoignent pour faire de ce moment celui de la r?ussite parfaite et de la meilleure ad?quation entre la philosophie et l'ins titution8. La philosophie s'est le plus souvent assign?e dans l'histoire de l'uni versit? deux places ?galement extraordinaires, le sommet et les marges : au tournant du si?cle, la position revendiqu?e est surtout celle du sommet. La m?taphore du couronnement, copieusement utilis?e dans les discours d'auto c?l?bration ou d'autod?finition9 est l'indice du souci que les philosophes ont de garder leur place au sommet de l'institution. Si la philosophie ne r?gne pas effectivement sur les autres disciplines (? l'aide d'un dispositif de police ?pist? mologique, par exemple), elle est d?finie comme l'instance de d?finition d'un ordre p?dagogique et de d?termination des fins de l'enseignement. Si l'on compare les discours de justification du tournant du si?cle avec la d?finition de l'activit? philosophique qui domine aujourd'hui, on s'aper?oit qu'on a gliss? du sommet vers les marges : le philosophe contemporain per?oit son r?le comme celui d'un inqui?teur institutionnel, comme le montre l'analyse d?j? cit?e de J. Bouveresse. L'analyse du passage du sommet aux marges devrait prendre en compte les transformations des rapports de force entre les disciplines (la m?ta phore du couronnement ne serait plus tenable aujourd'hui), et les modifications de l'organisation du champ intellectuel (notamment l'instauration d'un nou veau type de relations entre les avant-gardes litt?raires et les fractions avanc?es de l'universit? et les transformations du champ de l'?dition). Au tournant du si?cle, la revendication par les philosophes d'une position eminente dans le sys t?me d'enseignement se double de la r?it?ration du th?me de la crise ou du 378 This content downloaded from 128.6.218.72 on Sun, 25 Oct 2015 02:53:22 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions J.-L. FABIANI LA CRISE DE LA PHILOSOPHIE malaise. Le mot de crise appara?t dans les discours sur l'?tat de la discipline, surtout quand il s'agit de son rapport aux autres savoirs et particuli?rement ? l'activit? scientifique. Mais la r?f?rence ? une situation critique est ?galement pr?sente dans les nombreuses interrogations sur l'unit? de la philosophie, alors que la mort de la philosophie d'?tat appara?t comme un th?me majeur et que chaque professeur est invit? ? faire uvre personnelle10 : comment dans un contexte de lib?ralisation id?ologique et d'?mergence de strat?gies universitaires individuelles, maintenir les conditions d'une langue philosophique commune, en particulier dans l'enseignement secondaire et dans celui de la morale ? La question est au centre des d?bats. L'?poque est aussi marqu?e par la fr?quence des interventions sur l'urgence de la mobilisation contre les ennemis de la philo sophie, et toute une probl?matique de la d?fense disciplinaire se met en place. On s'efforcera ici de mettre en rapport l'ensemble des prises de position sur la situation et l'avenir d'une discipline avec les caract?ristiques particuli?res du syst?me d'enseignement fran?ais (hi?rarchie des disciplines, d?coupage des savoirs, articulation des contenus ? l'organisation des cursus, etc.) et avec la logique du champ intellectuel entendu comme syst?me de relations entre des positions et comme ensemble des trajectoires qui conduisent ? ces positions ou les relientn. Les remarques qui suivent constituent une tentative de reconstitu tion de l'histoire du d?bat sur la philosophie entre 1880 et 1914. Du fait de la pr?tention ? l'?ternit? de la philosophie (il n'y a de philosophia que perennis, n'importe quel professeur de philosophie est fond?, en chaire, ? s'identifier ? Socrate, etc.), on omet souvent de pr?ter attention aux conditions sociales d'apparition des pol?miques philosophiques12 : pour les d?fenseurs du statu quo disciplinaire, qui refusent l'introduction de nouveaux th?mes et la transformation de la place de la philosophie dans le cursus, les ennemis ? du moins ceux qu'ils d?signent comme tels ? ne sont pas fondamentalement diff? rents des ennemis de Socrate. Les philosophes tendent ? transformer tout d?bat sur la discipline en un choix simple : il s'agit d'?tre pour ou contre la philoso phie. Cette repr?sentation ?ternitaire de l'affrontement est elle-m?me un enjeu de luttes : sa l?gitimation permet de faire taire les r?formateurs, y compris les uploads/Philosophie/ ehess-ehess-is-collaborating-with-jstor-to-digitize-preserve-and-extend-access-to-annales-histoire-sciences-sociales.pdf

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