Université Joseph Ki-Zerbo Ouagadougou – Master de philosophie – Philosophie de
Université Joseph Ki-Zerbo Ouagadougou – Master de philosophie – Philosophie de l’art – « Art et histoire » (Daniel Payot) – octobre-novembre 2020 Page 1 sur 7 Envoi n° 5/10 [mercredi 28 octobre 2020] Hegel 2/2 Texte 1. Hegel, Leçons sur l’esthétique, traduction Charles Bénard, in Hegel, Esthétique, Textes choisis par Claude Khodoss, PUF, 1954, p. 88-89. Voir aussi traduction Jankélévitch, Flammarion, « Champs », 1979, troisième volume, p. 15-16. §1 « L'art n'a d'autre destination que d'offrir à la perception sensible la vérité telle qu'elle est dans l'esprit, le vrai dans sa totalité, concilié avec le monde objectif et visible. Or, en tant que cette manifestation doit s'accomplir dans la sphère des représentations réelles de l'art, cette totalité, qui n'est autre que l'absolu lui-même dans sa vérité, se développe dans une série de moments distincts. §2 Le milieu, le centre proprement dit, est ici la représentation de l'absolu, de Dieu lui-même, comme tel, dans son indépendance absolue, qui ne s'est pas encore développé dans le mouvement et la différence, qui n'est pas encore passé à l'action et à la distinction de soi, mais enfermé en lui-même, dans un repos, un calme divins, pleins de majesté. C'est l'idéal représenté sous sa véritable forme, qui, tout en se manifestant, reste dans une identité parfaite avec lui-même. Pour pouvoir apparaître dans l'indépendance infinie, l'absolu doit être conçu comme esprit et, en même temps, comme sujet, un sujet qui possède en soi sa manifestation extérieure, adéquate à lui- même. §3 Mais, maintenant, comme passant à l'existence réelle, il a en face et autour de lui un monde extérieur, qui doit être façonné d'une manière conforme à l'absolu pour devenir une manifestation qui lui corresponde et soit pénétrée de l'absolu. Ce monde environnant est d'abord l'objectif, la nature physique proprement dite, dans l'appareil de ses formes extérieures, qui n'a par elle-même aucune signification spirituelle, aucune intériorité ni subjectivité, et par conséquent ne doit être capable d'exprimer le spirituel que d'une manière simplement allusive, comme son théâtre façonné en chose belle. §4 En opposition avec la nature extérieure, apparaît l'intériorité subjective, l'âme humaine comme l'élément véritable où réside et se manifeste l'absolu. Ici se montrent, en même temps, la pluralité et la diversité, toutes les conséquences de l'individualité, la particularisation, la différence, l'action et le développement ; en général, le monde riche et varié de l'esprit réel, où la présence de l'absolu est aussi comprise et désirée, où il fait partout sentir son action. §5 On comprend déjà, par ces indications, que les diverses formes qu'affecte le fond même de l'art, dans son développement total, correspondent, quant à la conception et à la représentation (du moins en ce qui est l'essentiel), à ce que nous avons considéré sous le nom de formes symbolique, classique et romantique. En effet, l'art symbolique, au lieu de l'identité du fond et de la forme, n'offre qu'une manifestation extérieure, qui révèle seulement l'affinité des deux éléments ; il ne fait qu'indiquer par allusion la signification intime et le contenu qu'il devrait exprimer. Il fournit, par conséquent, le type fondamental de cet art particulier, qui a pour destination de façonner l'objectif comme tel, le milieu naturel, de manière à en faire un milieu artistique pour l'esprit, d'introduire dans ces formes, d'une façon purement indicative, la signification interne de l'esprit. §6 L'art classique, au contraire, répond à la représentation de l'absolu, manifesté dans la réalité extérieure, libre, indépendant, au sein de cette forme ; tandis que le fond de l'art romantique, qui détermine aussi sa forme, est la subjectivité, l'âme, le sentiment, dans leur infinité et leur particularité finie. » Texte 2. Hegel, Leçons sur l'esthétique, traduction S. Jankélévitch, Introduction, Flammarion, « Champs », premier volume, 1979, p. 152-153 : « Mais, de même que, dans la nature et dans les sphères finies de la vie, l’art a son avant, il a aussi son après, c’est-à-dire une sphère qui dépasse son mode d’appréhension et de représentation de l’Absolu. Car l’art porte en lui-même ses limites et doit, de ce fait, céder la place à des formes de conscience plus élevées. Cette limitation détermine aussi la place que nous assignons généralement à l’art dans notre vie actuelle. Pour nous, l’art n’est plus la forme Université Joseph Ki-Zerbo Ouagadougou – Master de philosophie – Philosophie de l’art – « Art et histoire » (Daniel Payot) – octobre-novembre 2020 Page 2 sur 7 la plus élevée sous laquelle la vérité affirme son existence. D’une façon générale, il y a longtemps que la pensée a cessé d’assigner à l’art la fonction de la représentation sensible du divin. (…) Chez tout peuple ayant atteint un stade de civilisation avancée, il arrive généralement un moment où l’art aboutit à quelque chose qui le dépasse. C’est ainsi, par exemple, que les éléments historiques du christianisme, l’apparition du Christ, sa vie et sa mort, ont fourni à l’art, principalement à la peinture, de nombreuses occasions de s’épanouir, l’Église elle-même l’ayant favorisé et encouragé dans cette voie ; mais lorsque le mouvement en faveur du savoir et de la recherche, ainsi que le besoin de spiritualité eurent provoqué la Réforme, la représentation religieuse fut également dépouillée de son caractère sensible et orientée vers l’intériorité de l’âme et de la pensée. De cette manière, l’après de l’art consiste en ce qu’à l’esprit est inhérent le besoin de ne reconnaître comme étant la vérité vraie que celle qu’il découvre à l’intérieur de lui-même. L’art, à ses débuts, donne encore une impression de mystère et fait éprouver une sorte de regret qu’on explique par le fait que ses productions ont été incapables de donner une représentation sensible et exhaustive de tout leur contenu. Mais lorsque ce contenu trouve dans l’art sa représentation complète et totale, l’esprit, dont le regard se porte plus loin, se détourne de cette objectivité, pour rentrer en lui-même. C’est ce qui arrive de nos jours. Il est permis d’espérer que l’art ne cessera pas de s’élever et de se perfectionner, mais sa forme a cessé de satisfaire le besoin le plus élevé de l’esprit. » Texte 3. Ibid., p. 26 : « A nos besoins spirituels, l’art ne procure plus la satisfaction que d’autres peuples y ont cherchée et trouvée. Nos besoins et intérêts se sont déplacés dans la sphère de la représentation et, pour les satisfaire, nous devons appeler à notre aide la réflexion, les pensées, les abstractions, des représentations abstraites et générales. De ce fait, l’art n’occupe plus dans ce qu’il y a de vraiment vivant dans la vie la place qu’il y occupait jadis, et ce sont les représentations générales et les réflexions qui y ont pris de dessus. C’est pourquoi on est porté de nos jours à se livrer à des réflexions, à des pensées sur l’art. ». Texte 4. Ibid., p. 33-34 : « L’œuvre d’art est donc incapable de satisfaire notre ultime besoin d’Absolu. De nos jours, on ne vénère plus une œuvre d’art, et notre attitude à l’égard des créations de l’art est beaucoup plus froide et réfléchie. En leur présence, nous nous sentons beaucoup plus libres qu’on ne l’était jadis, alors que les œuvres d’art étaient l’expression la plus élevée de l’Idée. L’œuvre d’art sollicite notre jugement ; nous soumettons son contenu et l’exactitude de sa représentation à un examen réfléchi. Nous respectons l’art, nous l’admirons ; seulement, nous ne voyons plus en lui quelque chose qui ne saurait être dépassé, la manifestation intime de l’absolu, nous le soumettons à l’analyse de notre pensée, et cela, non dans l’intention de provoquer la création d’œuvres d’art nouvelles, mais bien plutôt dans le but de reconnaître la fonction de l’art et sa place dans l’ensemble de notre vie. Les beaux jours de l’art grec et l’âge d’or du Moyen Age avancé sont révolus. Les conditions générales du temps présent ne sont guère favorables à l’art. (…) Sous tous ces rapports, l’art reste pour nous, quant à sa suprême destination une chose du passé. De ce fait, il a perdu pour nous tout ce qu’il avait d’authentiquement vrai et vivant, sa réalité et sa nécessité de jadis, et se trouve désormais relégué dans notre représentation. Ce qu’une œuvre d’art suscite aujourd’hui en nous, c’est, en même temps qu’une jouissance directe, un jugement portant aussi bien sur le contenu que sur les moyens d’expression et sur le degré d’adéquation de l’expression au contenu. » 1) Quelle est selon vous l’idée principale du premier texte ? 2) Quelle est selon vous l’idée principale des extraits 2, 3 et 4 ? 3) Voyez-vous des points communs entre art, religion et philosophie ? Lesquels ? Commentaire indicatif. L’ensemble des extraits ci-dessus résume la conception hégélienne de l’art : il en dégage particulièrement le dimension temporelle et historique. Définir ce qu’est l’art, pour Hegel, c’est lui assigner une place, préciser le moment qu’il constitue dans un processus : pas d’ontologie ici qui ne soit aussi une détermination historique. Le premier texte dessine cette problématique générale, puis en retient une leçon : l’art est en lui- même historique, il se déploie uploads/Philosophie/ envoi-5.pdf
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- Publié le Apv 10, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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