LES ERREURS DES ÉLÈVES EN MATHÉMATIQUES ÉTUDE DANS LE CADRE DE LA THÉORIE DES S
LES ERREURS DES ÉLÈVES EN MATHÉMATIQUES ÉTUDE DANS LE CADRE DE LA THÉORIE DES SITUATIONS DIDACTIQUESl Guy BROUSSEAU Laboratoire DAEST Université Bordeaux 2 Résumé. La théorie des situations permet de fonder l'étude des erreurs sur leur rôle, sur leurs effets et sur leur importance dans les processus didactiques. L'article montre ainsi de nouvelles classifications et de nouvelles méthodes d'études, plus proches du travail des professeurs, à qui il fournit ainsi une base de réflexion originale et utile. 1. Principes de l'analyse Envisagées dans le cadre de la théorie, les situations didactiques sont des systèmes plus ou moins simplifiés qui modélisent les relations et les activités réelles des protagonistes. Les protagonistes sont eux-mêmes des sous-systèmes qui peuvent directement influencer les autres par leurs changements d'états, volontaires ou non. Ce sont les actants intentionnels (par exemple le professeur, l'élève, etc.) et le « milieu », dénué d'intentions didactiques particulières mais qui réagit suivant ses propres lois. La méthode d'étude d'un concept de mathématique ou de didactique dans ce cadre consiste à le « définir» par des interactions caractéristiques (dans ce que nous appelons la « situation objective ») et à suivre les effets de ces interactions sur les différentes composantes du système didactique (les différents niveaux de l'analyse du milieu, par exemple). Nous allons donc, dans un premier temps, définir l'erreur dans le système minimal adidactique (un sujet: l'élève, un milieu: un problème, une action: l'erreur) et dans le système didactique minimal. Ensuite, nous examinerons le rôle et l'influence de l'erreur sur tout le système didactique, en remontant les différents niveaux de la structure du milieu (Brousseau, Margolinas). C'est-à-dire en simplifiant un peu: l'influence de cette 1 Je remercie Ruhal Floris et Alain Mercier de l'aide précieuse qu'il m'ont apportée pour sortir cet article des cartons et pour l'achever. « petit x » n° 57, pp. 5-30, 2000 - 2001 6 erreur sur la situation d'apprentissage (ou d'adaptation) du sujet, son influence et son rôle dans la situation didactique, et enfin son rôle dans la régulation que le milieu (noosphérien) exerce sur l'enseignement lui-même. Munis de ces définitions, nous essayerons de dégager les caractères principaux et les types des erreurs que l'on pourra observer dans les pratiques effectives d'enseignement et d'en tirer des explications et des prévisions des phénomènes qu'elles suscitent, et peut-être d'en inférer quelques pratiques utilisables. II. Définitions ILL L'erreur dans un système adidactique minimal Pour« définir» une erreur il faut d'abord envisager un premier actant, engagé dans une première situation. Il cherche à accomplir une tâche déterminée ou à obtenir un certain résultat déterminé, par l'emploi de moyens complètement ou incomplètement connus de lui. Le résultat visé est un certain état du milieu (la réussite). Les écarts entre les états actuels du milieu et le projet de l'actant sont interprétés par lui après chaque action à l'aide d'indices et de connaissances qui dirigent ses décisions. Ces connaissances lui fournissent une représentation anticipée du résultat des actions qu'il envisage. Ainsi, certains écarts sont jugés positifs parce que l'actant les interprète comme des étapes, en progrès, vers le résultat. D'autres seront jugés négatifs par le sujet lui-même parce qu'il y a un écart entre le résultat anticipé et le résultat observé. Dans ce cas, l'actant peut suspecter ses connaissances d'être fausses ou inappropriées, ce qui revient à considérer sa décision comme une erreur, mais il peut aussi penser que c'est le milieu qui est «responsable» de cet écart (il ne suit pas les règles convenues ou supposées, ou il réagit au hasard, ou avec une intention maligne). Si l'action est malencontreuse, mais s'il n'était pas possible d'en prévoir une meilleure, elle ne peut pas être reprochée au sujet. Par exemple, on ne peut pas dire que jouer le noir à la roulette était une erreur parce que c'est le rouge qui est sorti. Cette observation conduit à dédoubler le système: un premier actant agit dans une première situation suivant les règles de la situation et ses connaissances propres, un second qui peut être la même personne mais dans un autre rôle - porte un jugement sur l'action du premier actant et classe ses décisions en «bonnes décisions », ou « mauvaises décisions» et ces dernières en trois classes: - Les écarts imprévisibles (entre l'espoir et la réalité). - Les erreurs objectives: il existe un moyen de prévoir la bonne décision, mais le sujet ne la connaît peut-être pas. - Les erreurs du sujet: le sujet connaissait un moyen de déterminer la bonne décision, mais il ne l'a pas utilisée ou l'a mal utilisée. En réalité, la séparation n'est pas si claire, surtout en situation didactique: les actants, aussi bien les élèves que les professeurs, peuvent penser qu'il y a toujours un moyen de prévoir - ce moyen étant l'objet de l'enseignement - et que par conséquent, tous les écarts sont des erreurs. 7 Par cette définition, l'erreur est essentiellement une décision dont la production malencontreuse peut être prévue par l'actant et donc corrigée par un apprentissage. La signification de cette erreur sera essentiellement déterminée par les caractères des apprentissages à effectuer pour cette correction: le répertoire de connaissances à construire, le temps que cela prendra, la fréquence et le prix (le coût pour le sujet) de la répétition de cette erreur. Ces caractères ne dépendent pas du sujet, mais des institutions auxquelles il a affaire et de leur culture. Cette approche fournit un premier champ d'analyse pour la notion d'erreur dans des situations adidactiques (celles où l'actant se considère a priori responsable de la réussite ou de l'échec de ses actions, sans intervention didactique d'un tiers) : les erreurs dans l'action, dans la formulation, dans la compréhension et dans la preuve ou l'organisation des savoirs. II.2. L'erreur dans un système didactique minimal Considérons maintenant le système didactique complet, il est composé d'au moins un système « élèves» et d'au moins un système « enseignants ». Il s'agit d'analyser les effets sur le système entier d'un écart observé entre la réponse de l'élève à sa situation adidactique et la réponse que souhaitait le professeur. Le professeur ne devrait imputer une erreur à l'élève que dans le cas où les connaissances nécessaires ont déjà fait l'objet d'un enseignement, et où cet enseignement a été repéré, institutionnalisé par le professeur (qui peut par ailleurs organiser des apprentissages non repérés comme tels par l'élève). Ce type d'erreur sera considéré souvent par le professeur comme une faute puisqu'elle engage de la part de l'élève une autre responsabilité que celle de la réussite de l'action adidactique, mais aussi son action en tant qu'apprenant et surtout en tant qu'élève. Le professeur doit faire du non usage des connaissances enseignées une nouvelle sorte d'erreur, plus lourde de conséquences pour l'élève que l'erreur primitive2 . On ne doit pas oublier, à l'occasion, que la science du moment pourrait proposer une réponse différente (mais qui serait inaccessible à l'élève), ce qui met en scène un autre système (la noosphère3 par exemple). Cette approche fournit un programme d'étude des erreurs résumé ci-après. Il est important de noter que l'étude se recentre sur les conditions dans lesquelles une erreur est produite et sur ses conséquences (pour le sujet et pour ses connaissances), et sur les connaissances elles mêmes, et non pas seulement sur l'actant qui produit cette erreur. Cette méthode d'analyse de l'erreur, ou plutôt des erreurs, est par conséquent fondée sur l'étude de caractères que nous allons décliner ci-après. Ils sont assez différents de ceux qui sont habituellement considérés dans d'autres cadres, notamment dans les sciences cognitives et particulièrement dans la psychologie. Suivant les cas, elle les utilise, les complète, les corrobore ou les contredit. 2 Ce qui est obtenu par la technique de l'évaluation notée. 3 La noosphère, la sphère du savoir est l'institution cachée formée par tous les membres de la société qui sont intéressées au savoir à sa production et à sa diffusion: c'est elle qui, de façon plus ou moins diffuse influence les institutions chargées de l'éducation et de l'instruction. 8 III. Typologies d'erreurs et phénomènes didactiques 111.1. Les erreurs de l'élève. 111.1.1. Caractères Ainsi l'erreur sera rapportée à une situation précise, elle a un auteur, mais cet auteur sera modélisé par un «actant», et par un «joueur»4, déterminés par la façon dont l'auteur est engagé dans une action, il existe une connaissance « correcte» qui lui oppose une alternative et il recevra un certain type de correction (adidactique ou didactique ). Dans la situation la plus générale - la situation adidactique d'action - l'erreur est une décision telle que i) l'actant est en mesure d'identifier cette décision: - il a donc une certaine méta connaissance pour la désigner ou la décrire - et il peut envisager d'autres choix qu'il aurait pu faire effectivement; ii) l'actant perçoit un rapport causal entre son choix et l'effet observé: - ce rapport s'applique donc à une classe plus large de situations - et par conséquent il doit proposer au moins des indices qui auraient permis à l'actant de préférer le bon choix au «mauvais». Ces indices sont donc des moyens (supposés uploads/Philosophie/ erreurs-des-eleves.pdf
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- Publié le Jui 17, 2022
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