Cours esprit et matière 2016 1 Peut-on expliquer l’homme scientifiquement ? (Co

Cours esprit et matière 2016 1 Peut-on expliquer l’homme scientifiquement ? (Cours esprit et matière, la liberté) I- L’homme et la science : le matérialisme scientifique A- L’adolescence expliquée par la science comment explique-t-on les maux de l’adolescence quand on est neuropsychologue ? Nouvel Observateur, 15-21 septembre 2005 (Sur les travaux du neurologue Giedd) Pourquoi les adolescents ne raisonnent-ils pas comme les adultes, s’ils ont les mêmes cellules grises ? Pourquoi passent-ils leur temps à se mettre en danger, à changer de personnalité, à s’identifier à des desperados ou à écouter les Spice Girls ? Bref, comment expliquer qu’un cerveau mature produise une conduite immature ? Longtemps, la science a recouvert cette question d’un voile pudique. Faute de pouvoir ouvrir la boïte noire du cerveau adolescent, on se rabattait sur les explications psychologiques. On imaginait que la situation particulière du jeune, à la fois sur les plans physiologique, mental et social, l’empêchait d’avoir l’attitude raisonnable que ses neurones auraient dû lui dicter. On sait désormais qu’il n’en est rien : le cerveau des adolescents n’est pas plus achevé que leur corps ! Et son développement incomplet aide à comprendre bien des aspects du comportement et de l’état d’esprit propres à cet âge charnière. (…) au cours de l’enfance et l’adolescence, la densité de matière grise varie de manière importante, commençant par augmenter pour ensuite diminuer progressivement. (…) Le développement du cerveau obéit à deux principes antagonistes : « le premier est la surproduction. Le cerveau produit plus de cellules et de connexions qu’il ne peut en survivre, grâce à une abondance de nutriments, de facteurs de croissance et d’espace disponible dans le crâne. Cette surproduction est suivie d’une élimination par la compétition féroce à laquelle se livrent les cellules et les connexions. Seul un petit pourcentage d’entre elles vont survivre et gagner ». (…) le lobe frontal, que l’on considère souvent comme le « centre de décision » du cerveau (…) est impliqué dans la planification, la stratégie, l’organisation, la mobilisation de l’attention, la concentration. « En gros, c’est la partie du cerveau qui nous distingue le plus de la bête, dit Giedd. C’est celle qui a changé le plus au cours de l’évolution humaine, qui nous permet de faire de la philosophie, de penser sur la pensée ou de nous interroger sur notre place dans l’univers… Pendant l’adolescence, cette partie n’est pas terminée. Ce n’est pas que les ados soient stupides ou incapables. Mais il est en quelque sorte injuste d’attendre d’eux qu’ils aient des niveaux adultes d’organisation ou de prise de décision avant que leur cerveau soit achevé ». Courrier International, n° 717, 29 juillet au 18 août 2004 (idem) La dernière zone cérébrale à subir l’élagage neuronal et à trouver sa forme et ses dimensions adultes est le cortex préfrontal, siège de ce qu’on appelle les fonctions exécutives –prévoir, se fixer des priorités, organiser ses pensées, réprimer ses pulsions, peser les conséquences de ses actes. En d’autres termes, la dernière partie du cerveau à se développer est celle qui est capable de prendre une décision de ce type : « je finis mes devoirs, je descends la poubelle et ensuite j’enverrai un texto à mes copains pour aller au cinéma ». (…) « à partir du moment où nous avons commencé à savoir très précisément où et quand les modifications cérébrales se produisaient, nous avons pu élucider le mystère : le problème est simplement que la partie du cerveau qui responsabilise les ados n’est pas encore finie de se développer ». Nouvel Observateur, 15-21 septembre 2005-12-12 (L. Rotenberg, psychothérapeute, spécialiste de l’adolescence) Ces progrès apportent un enrichissement incontestable. Ainsi, en France, des recherches menées à Ste Anne ont permis de voir que dans la dépression il y a des régions du cerveau qui ne fonctionnent pas, et que lorsqu’on administre un antidépresseur, une partie des cellules inactives sont restimulées. C’est intéressant de visualiser de telles données, auxquelles on n’avait pas accès quand le seul moyen d’observer le cerveau était l’examen post mortem. Mais en même temps ces travaux ne nous disent pas comment il faut traiter un patient dépressif. Je me méfie d’une conception du tout biologique qui aboutirait à surexploiter les résultats scientifiques. (…) C’est une des tendances actuelles dans les milieux psychiatriques. Pour ma part, j’appartiens à une génération où l’on essaie de tenir compte de tous les éléments. Je trouverais absurde de ne pas m’intéresser aux nouveaux développements scientifiques, mais la référence à la psychanalyse, à des notions de base comme le complexe d’Œdipe, reste valable. C’est un matérialisme scientifique, qui règne dans ce qu’on appelle les « sciences cognitives » : ces sciences ont pour but d’appliquer à l’esprit les méthodes d’investigation des sciences de la nature (il s’agit donc de naturaliser l’esprit). B- Pourquoi ce réductionnisme ? - le matérialisme, une critique du dualisme Cours esprit et matière 2016 2 1) Le cas Phinéas Gage : naissance de cette nouvelle science (neuropsychologie) - Gall, père de la phrénologie, qui a localisé les facultés mentales : pour lui, chaque fonction mettait en jeu une structure cérébrale spécifique, dont le volume était d’autant plus important que la faculté correspondante était développée. D’où sa théorie des bosses du crâne, mais aussi son principal apport : l’idée de la localisation des facultés mentales - en 1861, Broca nous expose le cas de Mr Leborgne, qui pouvait dire seulement « Tan » mais comprenait ce qu’on lui disait ; on a découvert une atteinte de l’hémisphère gauche. Le cas célèbre de Phinéas Cage décrit par Damasio dans L’erreur de Descartes : P. Gage était un ouvrier en bâtiment ; en 1848, lors d’une explosion, une barre de métal d’un diamètre de plus de 2,5 cm traversa sa boîte crânienne, détruisant les aires d’association de ses lobes frontaux. Avant cet accident, il était connu comme un homme décent et consciencieux ; après, il fut décrit comme infantile et irrévérencieux. Il était incapable de contrôler ses impulsions et se livrait constamment à des planifications qu’il abandonnait ensuite. Cas qui montre bien l’impact des lésions du lobe frontal et temporal sur la personnalité (lésions qui entraînent des changements de comportement constituant la personnalité des individus- la personnalité renvoyant à la fois à ce qui fait la réputation d’une personne, la façon qu’on a de la percevoir, et aux attributs psychologiques durables qui créent cette réputation). Damasio en a déduit que le cortex joue le rôle d’inhibiteur des émotions. C’est lui qui nous évite d’être l’esclave perpétuel de nos pulsions et impulsions. Lobe frontal = lieu de contrôle de soi. Si un cerveau lésé peut créer une âme lésée, alors c’est que nous n’en sommes pas responsables ! La personnalité réside dans le cerveau, pas dans l’âme ! Une part de la personnalité serait innée et certaines personnes sont nées avec des tendances à se comporter de manière antisociale ou indifférente envers autrui. 2) Les problèmes soulevés par le dualisme cartésien a) « esprit es-tu là ? » Le spirituel et le matériel semblent avoir des propriétés plutôt différentes et sans doute irréconciliables. Corps Esprit Portion de matière, étendue en mouvement ; susceptible de division, de mesure, d’observation Pas d’intériorité, de conscience de lui-même Spiritus : siège des états mentaux d’un sujet ; principe de nos pensées ; n’occupe aucun lieu, n’est pas observable, mesurable Les évènements mentaux ont une qualité subjective qui leur est associée Les philosophes appellent qualia ces aspects subjectifs de l’esprit. ces qualia semblent particulièrement difficiles à ramener à quoi que ce soit de physique. Le corps est du côté du déterminisme, de la nécessité l’âme ou l’esprit, de la liberté ; l’esprit a la capacité d’initier des mouvements sans être causé par rien du tout Conséquence : l’esprit est quelque chose d’inexplicable scientifiquement ! C’est quelque chose de surnaturel. Cf. en parapsychologie le « facteur psy » : faculté mystérieuse qui rendrait compte de la thélépathie, de la voyance, etc. b) L’interaction, un miracle Nous faisons constamment l’expérience des relations entre les deux ; Exemples de relations causales : (1) un événement corporel (se piquer) a pour effet un événement mental (ressentir une douleur). (2) Un événement mental (penser : « c’est l’heure de se lever ») est la cause d’un événement corporel (se lever) Cours esprit et matière 2016 3 Comment expliquer l’interaction des deux substances ? Comment expliquer que deux réalités sans commune mesure ni point de contact peuvent s’influencer l’une l’autre ? Comment mes volontés, processus immatériels, pourraient-ils se traduire en gestes, ie, en mécanismes, en réalités matérielles et spatiales ? Comment expliquer également les émotions (passions de l’âme) ie, que l’âme subisse les effets du corps ? Comment se peut-il que l'expérience consciente puisse mettre en mouvement un corps, i.e. un objet matériel doté de propriétés physico-chimiques ? Comment peut-on vouloir être la cause du fonctionnement de nos neurones et de la contraction de nos muscles, de sorte qu'ils réalisent ce que nous nous proposons de faire ? Dans le Traité des passions de l’âme, Descartes dit que l'union se situe dans uploads/Philosophie/ esprit-et-matiere-cours-2016-peut-on-expliquer-l-x27-homme-scientifiquement.pdf

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