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K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E : : M ME EL LA AN NG GE ES S P PH HE EN NO OM ME EN NO OL LO OG GI IQ QU UE ES S / / A AV VR RI IL L 2 20 00 08 8 © Christophe Perrin – « Heidegger et Leibniz : de la simplicité du rien » 43 HEIDEGGER ET LEIBNIZ : DE LA SIMPLICITÉ DU RIEN. Christophe Perrin (Lille III et Paris IV) I. La présence de Leibniz chez Heidegger À Leibniz, Heidegger* consacre expressément un cours lors du semestre d’été 1928 à Marbourg : Metaphysische Anfangsgründe der Logik im Ausgang von Leibniz1, ainsi que plusieurs séminaires à Fribourg durant les semestres d’hiver 1929-1930, 1933- 1934, 1935-1936 et 1940-1941, séminaires qui, s’ils manquent aujourd’hui encore à l’appel de la précieuse Gesamtausgabe, devraient cependant paraître dans son tome 84 – le premier intitulé Für mittlere und höhere Semester: Über Gewissheit und Wahrheit im Anschluss an Descartes und Leibniz, le second : Unter- und Mittelstufe: Leibniz, Monadologie, le troisième : Mittelstufe: Leibnizens Weltbegriff und der Deutsche Idealismus et le dernier : Fortgeschrittene: Leibniz, Monadologie. Déclarant en 1927 à propos du philosophe originaire de Leipzig que « toutes ses idées essentielles » sont « dispersées (…) dans des ouvrages de circonstance, de courts traités et des lettres »2, c’est généralement avec la même dispersion que le penseur de Messkirch l’évoque, souvent peu mais très souvent, d’où des clins d’œil dans des textes variés et parfois fort éloignés dans le temps, chacun donnant lieu ou à une simple allusion ou à quelque développement substantiel. En outre, Heidegger dialogue avec celui qu’il considère appartenir, avec Kant et Hegel, « aux plus grands » des penseurs allemands – et qu’il tient du reste pour « le plus allemand des penseurs allemands »3, quand bien même il écrit en français –, dans des textes essentiels. Dans Vom Wesen des Grundes4 en 1929, c’est une discussion sur la quête universelle d’une raison ou d’un fond – Grund - poussant jusqu’aux raisons ultimes ou aux fins dernières qui se noue, et celle-ci de se poursuivre en mettant en lumière, lors du cours du semestre d’hiver 1955-1956 intitulé Der Satz vom Grund, la particularité de ce qui, après un long temps d’incubation, ne parvint qu’avec Leibniz au statut de principe, lors même qu’avant lui Platon, Aristote ou même Spinoza se conformaient * Notice bibliographique : Les références des textes de Heidegger sont données suivant les tomes de la Gesamtausgabe qui, depuis 1975, sous la direction de Friedrich-Wilhelm von Hermann, paraissent aux éditions Vittorio Klostermann, Francfort-sur-le-Main – abrégés GA, tome et page. Seront utilisées, dans la mesure du possible et quitte à les modifier, les traductions françaises existantes. 1 GA 26. 2 GA 24, p. 329. 3 GA 13, p. 19. 4 GA 9, pp. 123-175. K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E : : M ME EL LA AN NG GE ES S P PH HE EN NO OM ME EN NO OL LO OG GI IQ QU UE ES S / / A AV VR RI IL L 2 20 00 08 8 © Christophe Perrin – « Heidegger et Leibniz : de la simplicité du rien » 44 déjà à cette loi qu’ils tenaient pour une vérité certaine sans l’énoncer comme telle ou la déterminer épistémologiquement : le principe de raison. Heidegger se propose alors d’étudier à la fois ce que dit celui-ci et comment il le dit, pour établir finalement qu’il est équivoque, sinon contradictoire puisque affirme que rien n’est sans raison – ‘‘nihil est sine ratione’’ – sans aucunement nous révéler ni la raison de sa formulation, ni la nature véritable de la raison, en sorte qu’il définit une règle qu’il ne peut s’appliquer lui- même. Dans une autre leçon, cette fois datée du deuxième trimestre 1940, Nietzsche: Der europäische Nihilismus1, Heidegger cherche de la métaphysique l’origine chez Leibniz. En faisant de toute chose, de toute réalité, bref de tout étant, quelque chose qui est un sujet, qui est ‘‘subjectif’’, qui est à la fois représentation et effort, Heidegger explique que Leibniz, pensé comme précurseur du nihilisme moderne en ce qu’il pousserait la modernité scientifique et rationaliste dans la volonté de pouvoir de l’ère atomique, a inauguré une vaste et riche tradition, au point d’avoir une double filiation : une, presque directe, avec l’humanisme allemand incarné par Herder et Goethe comme admirateurs de la volonté naturelle, de la force et de l’effort, du destin napoléonien, et une qui se mêle très profondément à l’héritage kantien de la subjectivité pour donner l’idéalisme allemand, représentés par Schelling et Hegel. Insistant sur la centralité de Leibniz, lui qui se situe « au tournant » de la « métaphysique comme principe essentiel de l’histoire occidentale »2, Heidegger, à dire vrai, ne manque jamais une occasion de souligner la portée de sa postérité, car « c’est moins par sa pensée et sa création personnelles qu’il exerça de l’influence, que par la structure de l’éducation scolaire à la philosophie, éducation déterminée par lui »3. Parmi tous ces écrits, le cours du semestre d’été 1928 est à n’en pas douter l’ouvrage heideggérien de référence sur Leibniz : la métaphysique de celui-ci y est évoquée pour elle-même, et non en rapport avec un thème particulier comme Heidegger en a l’habitude ; elle est même exposée de manière assez exhaustive, expliquée et discutée, l’auteur mêlant habilement didactique et herméneutique pour démontrer le lien indissoluble entre logique et métaphysique, mieux, montrer comment celle-là dérive de celle-ci en sorte de co-appartenir finalement à la « sphère universelle de l’être »4. Aussi les commentateurs ne s’y sont pas trompés : qu’il s’agisse de Renato Cristin ou de Renata Viti Cavaliere, prolixes sur le sujet, ou de jeunes chercheurs tels Julien Pieron ou Pierre Teitgen, tous ont travaillé et travaillent encore sur le tome 26 des œuvres complètes de Heidegger paru en 1978 et dont la traduction française, en cours de réalisation par Gérard Guest, est annoncée chez Gallimard sous le titre Fonds métaphysiques initiaux de la logique. Du reste, Heidegger s’y adonnant à une auto- 1 GA 48, p. 238. 2 GA 69, p. 132. 3 GA 41, p. 87. 4 Renato Cristin, Heidegger and Leibniz. Reason and the Path, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, Contributions to phenomenology, 1998, p. 3. K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E : : M ME EL LA AN NG GE ES S P PH HE EN NO OM ME EN NO OL LO OG GI IQ QU UE ES S / / A AV VR RI IL L 2 20 00 08 8 © Christophe Perrin – « Heidegger et Leibniz : de la simplicité du rien » 45 interprétation de Sein und Zeit, ce grand cours de 1928 est d’autant plus important qu’il s’avère un prélude au fameux tournant – Kehre – et à l’abandon de la perspective, encore métaphysique, de l’ontologie fondamentale. Puisqu’elle est aujourd’hui nettement balisée, ce n’est donc pas dans cette voie que nous inscrirons notre propos, mais plutôt dans celle qui consiste à interroger le sens de la reprise par Heidegger de la question posée par Leibniz au § 7 de ses Principes de la Nature et de la Grâce, à savoir : « pourquoi il y a plutôt quelque chose que rien ? »1. Heidegger, en effet, n’a jamais cessé de souligner le caractère essentiel d’une telle interrogation, faisant par là même de son auteur un penseur de premier ordre. Reportons-nous seulement à l’Einführung in die Metaphysik, son cours du semestre d’été 1935 pour nous en convaincre : « Pourquoi donc y a-t-il l’étant et non pas plutôt rien ? Telle est la question », et le professeur d’ajouter aussitôt : « Telle est manifestement la première de toutes les questions » avant de s’en expliquer : « d’abord parce qu’elle est la plus vaste, ensuite parce qu’elle est la plus profonde, enfin parce qu’elle est la plus originaire », ce dont on se persuadera en remarquant que « tout ce qui n’est pas néant tombe sous le coup de cette question, et finalement le néant lui-même, non qu’il soit quelque chose, un étant, du fait que nous en parlons tout de même, mais bien parce qu’il ‘‘est’’ le néant »2. Aussi, répétée par le phénoménologue – à la suite de Schelling d’ailleurs – et reformulée dès l’hiver 1928-1929 en ces termes : « pourquoi y a-t-il de l’étant et non pas plutôt rien ? »3, la question du métaphysicien est-elle assumée comme telle, en sorte d’être posée dans une continuité synonyme de fidélité à toute une tradition, ou contestée et, par uploads/Philosophie/ heidegger-et-leibniz-de-la-simplicite-du-rien.pdf
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- Publié le Fev 13, 2021
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