Analyse d’un texte argumentatif : exemple Victor Hugo, extrait de la préface du

Analyse d’un texte argumentatif : exemple Victor Hugo, extrait de la préface du Dernier jour d’un condamné, 18321 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D'abord, – parce qu'il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. – S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu'on peut s'échapper d'une prison ? Faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ? Pas de bourreau où le geôlier suffit. Mais, reprend-on, – il faut que la société se venge, que la société punisse. – Ni l'un, ni l'autre. Se venger est de l'individu, punir est de Dieu. La société est entre deux. Le châtiment est au-dessus d'elle, la vengeance au-dessous. Rien de si grand et de si petit ne lui sied. Elle ne doit pas "punir pour se venger" ; elle doit corriger pour améliorer. Transformez de cette façon la formule des criminalistes, nous la comprenons et nous y adhérons. Reste la troisième et dernière raison, la théorie de l'exemple. – Il faut faire des exemples ! il faut épouvanter par le spectacle du sort réservé aux criminels ceux qui seraient tentés de les imiter ! - Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont que des variations plus ou moins sonores. Eh bien ! nous nions d'abord qu'il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise l'effet qu'on en attend. Loin d'édifier le peuple, il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité, partant toute vertu. Les preuves abondent, et encombreraient notre raisonnement si nous voulions en citer. Nous signalerons pourtant un fait entre mille, parce qu'il est le plus récent. Au moment où nous écrivons, il n'a que dix jours de date. Il est du 5 mars, dernier jour du carnaval. À Saint- Pol, immédiatement après l'exécution d'un incendiaire nommé Louis Camus, une troupe de masques est venue danser autour de l'échafaud encore fumant. Faites donc des exemples ! le mardi gras vous rit au nez. 1. Première étape : observer le paratexte et analyser le texte 1.1. Analyser le paratexte et rechercher la situation d’argumentation Qui parle ? Quand ? Quels repères historiques peuvent identifier les conditions dans lesquelles le texte a été écrit ? 1.2. Lire le texte et les premiers éléments essentiels à sa compréhension a) S’agit-il d’une argumentation directe ou indirecte ? b) Quel est l’objet du texte ? 1.3. Identifier la thèse, les arguments et les exemples a) Quelle est la thèse du texte ? Est-elle explicite ou implicite ? b) Quels arguments soutiennent la thèse ? Quels arguments réfutent la thèse adverse ? c) Quels sont les types d'arguments utilisés ? d) Identifier les exemples qui illustrent les idées. 1.4. Observer la dynamique du texte a) CIRCUIT ARGUMENTATIF : Comment les différents arguments sont-ils agencés ? c) ORGANISATION DU TEXTE : Quels éléments renseignent sur l’organisation du texte (disposition typographique, progression thématique, connecteurs logiques) ? 1.5. Analyser le lexique a) Quels mots se répètent dans le texte ? 1 Cf. PONS (E.), Les clés de la dissertation et du commentaire littéraire, Ellipses Éditions, Paris, 2014, pp.92-97. b) Quels sont les champs lexicaux en présence ? c) Les mots ont-ils une valeur méliorative ou péjorative ? 1.6. Repérer les figures de style 1.7. Relever les marques d’énonciation a) Quels sont les marques concernant l’auteur et les marques (pronoms, interrogations, apostrophes) qui impliquent le lecteur (ou la/les personne(s) à qui s’adresse le texte) ? c) Quels procédés rendent le texte subjectif ? Quels sont les procédés lexicaux, grammaticaux (mode et temps verbaux) et syntaxiques à relever ? (ponctuation, types de phrases, etc.) 1.8. Identifier les stratégies argumentatives Comment est valorisée la thèse défendue ? Comment est dévalorisée la thèse adverse? (réfutation, concession, confrontation, adhésion, …) 1.9. Déterminer la tonalité du texte 2. Élaborer le plan 2.1. Regrouper les caractéristiques observées en rubriques homogènes 2.2. Déterminer un ordre pertinent et cohérent 3. Troisième étape : rédiger le texte 3.1. L’introduction Celle-ci doit comprendre plusieurs éléments : - une présentation générale de l’auteur et de son œuvre en une ou deux phrases. - une présentation brève de la teneur du texte (« De quoi parle-t-il ? ») - l’annonce du plan (facultatif) 3.2. Le développement Chaque paragraphe doit se construire rigoureusement pour proposer une démonstration claire et efficace.2 1. Vous annoncez l’idée, l’argument, que vous allez traiter dans le paragraphe. 2. Vous développez cette idée pour l’expliquer de manière approfondie. 3. Vous illustrez et prouvez cette idée, à l’aide de références et d’exemples commentés. 4. Vous concluez votre paragraphe, en proposant une interprétation. 3.3. La conclusion Elle consiste en la récapitulation des grandes étapes de l’analyse, suivie d’une ouverture sur une perspective plus large. Conseils À faire : - Toujours revenir au texte en faisant références à des citations précises, mises entre guillemets et accompagnées du numéro de la ligne. Elles doivent être courtes. - « Aérer » le texte en allant à la ligne au début de chaque paragraphe et en commençant chaque paragraphe par un alinéa. À éviter : - Paraphraser - Indiquer des procédés stylistiques sans indiquer les effets produits sur le lecteur ou les idées qu’ils soutiennent - Se répéter 2 PONS (E.), Les clés de la dissertation et du commentaire littéraire, Ellipses Éditions, Paris, 2014, p.16. Introduction Victor Hugo est resté célèbre pour la force de ses engagements politiques. En effet, il a su lier littérature et société en racontant par exemple la fuite d’un bagnard, dans Les Misérables, ou les pensées d’un prisonnier attendant la peine capitale dans Le dernier jour d’un condamné. C’est la préface de ce dernier ouvrage que nous étudions ici, rédigée a posteriori en 1832 par un auteur soucieux de justifier ses prises de position et d’expliciter le message contenu dans ce journal fictif. […] Nous verrons en quoi ce texte est un véritable réquisitoire contre la peine de mort, mêlant la raison et le cœur et mettant en scène un dialogue fictif qui se veut critique. Développement Première partie : la dynamique du texte (circuit argumentatif et organisation du texte), la stratégie argumentative Pour développer son réquisitoire contre la peine de mort, Victor Hugo combine divers arguments, de façon à accroître l’efficacité de sa critique. En effet, il combat sur le terrain de la rationalité, en soutenant sa thèse à l’aide d’arguments logiques (« il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore, lignes 2-3), d’arguments de valeur seuls (« Se venger est de l'individu, punir est de Dieu », ligne 9), ou associés à des arguments d’expérience (« Nous nions que le spectacle des supplices produise l'effet qu'on en attend. Loin d'édifier le peuple, il le démoralise, et ruine en lui toute sensibilité », lignes 19-20). Victor Hugo contredit en fait un à un trois arguments apportés par les partisans de la peine de mort, par l’intermédiaire d’un raisonnement par réfutation, comme s’il détruisait méthodiquement toutes les preuves adverses. Cette alliance d’arguments est renforcée par la mise en valeur du parcours du raisonnement accompli par l’auteur dans son réquisitoire. Des liens logiques accompagnent chaque étape du texte, pour en montrer la progression en gradation : « d’abord » (l.2), « mais » (l.8), « reste la troisième et dernière raison » (l.14). Ainsi, l’auteur fonde d’abord son argumentation sur la raison et la rigueur, de façon à convaincre ses lecteurs et ses adversaires du caractère inutile et néfaste de la peine de mort. […] Deuxième partie : le lexique des émotions, de l’indignation La raison ne peut à elle seule guider le combat de Victor Hugo, qui associe sa révolte intellectuelle à un engagement émotionnel, car cela correspond à son intime conviction, mais aussi car il sait que son texte gagnera ainsi en force. Ainsi, plusieurs expressions visent à persuader les lecteurs du bien-fondé de l’attaque indignée de son auteur, en jouant sur la peur (« comment osez-vous avoir des ménageries ? », l.5-6), sur la croyance religieuse (« punir est de Dieu », l.10), sur le pathétique (« le spectacle des supplices, l.20), sur l’horreur (« échafaud encore fumant », l.27). Victor Hugo fait donc appel à des sentiments de diverses natures pour persuader les lecteurs que son attaque est la bonne. Cette palette émotionnelle s’assortit de l’expression d’une indignation qui va croissant. C’est une indignation contre la sempiternelle répétition des mêmes arguments pour soutenir la peine de mort (« la phrase éternelle », « variations plus ou moins sonores », l.18-19). C’est aussi une indignation contre l’effet amoral des exemples d’exécution en public, effet mis en valeur par uploads/Philosophie/ exemple-danalyse-dun-texte-argumentatif.pdf

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