PHILOSOPHIE THÈSE DE DOCTORAT SOUS LA DIRECTION DE JEAN-LOUIS CHRÉTIEN LA BEAUT

PHILOSOPHIE THÈSE DE DOCTORAT SOUS LA DIRECTION DE JEAN-LOUIS CHRÉTIEN LA BEAUTÉ DANS LA PENSÉE DE SAINT AUGUSTIN GUILLAUME DELABY Université de Paris-IV – La Sorbonne École doctorale V « Concepts et langages » Années 2009 – 2012 www.guillaumedelaby.com/prose/saintaugustin.pdf La Beauté dans la pensée de saint Augustin 2 À ceux que j’aime, et à la mémoire particulière de ma grand-mère maternelle; À ceux qui m’ont élevé et soutenu depuis toujours; à ma mère, par sa patience et son courage indéfectibles; à mon père, par sa vitalité bravement reconquise; à ma sœur et à mon frère, qui sont l’amour et la joie de mon enfance à chaque fois retrouvés; et à tous mes insignes professeurs, notamment MM. Philippe Cournarie, Éric Zernik, Jacques Darriulat et Jean-Louis Chrétien; À mes amis, sans lesquels je ne pourrais être heureux; À ma chère petite Ibti, qui me supporte chaque jour et m’accompagne vaillamment en cette vie; À tous ceux, enfin, dont l’âme soupire jour et nuit vers la Beauté véritable. La Beauté dans la pensée de saint Augustin 3 Nolite diligere mundum, quoniam omnia quae in mundo sunt, concupiscentia carnis est, et concupiscentia oculorum, et ambitio saeculi... Operetur igitur in Ecclesiis suis, et a vinaciis vinum separet : nos demus operam ut vinum simus. ENARRATIONES IN PSALMOS, IN PSALMUM VIII, § 13 La Beauté dans la pensée de saint Augustin 4 TABLE DES MATIÈRES ___________________________ PRÉSENTATION INITIALE DU PROJET DE RECHERCHE ___________________________ Ces quelques pages ont pour objet la présentation d’un projet de recherche doctorale portant sur le thème de « la Beauté dans la pensée de saint Augustin » : ainsi peut-on provisoirement intituler le sujet de la thèse à venir, bien que, pour l’heure, celui-ci réponde davantage à la nécessité d’un enregistrement administratif qu’à l’exigence d’une définition philosophique précise, car il faut être suffisamment avancé dans son étude pour en éprouver plus exactement la portée et, par suite, s’aventurer à en déterminer le titre. À première vue, ce thème pourrait sembler soit trop vague, soit trop régional : vague, parce qu’à considérer, comme Augustin, que « la Beauté de toutes les beautés » n’est autre que Dieu lui-même (Confessions, III, VI, 10), les limites de notre sujet risqueraient de s’étendre à celles de la Création tout entière et à toutes les strates de beautés discernables en elle, de sorte que l’on pourrait finir par se perdre dans la multitude innombrable des formes de la Beauté, au point de perdre de vue l’unité de son concept; régional, parce que la Beauté n’est pas explicitement la question centrale de la pensée augustinienne, du moins pas au sens moderne d’une esthétique conçue comme philosophie des sensations, du jugement de goût et des œuvres de l’art spécifiquement. Mais « la Beauté dans la pensée de saint Augustin » est en fait le contraire d’une thématique vague, en ce qu’elle définit une méthodologie de recherche bien précise, consistant à examiner la Beauté non seulement dans la lumière particulière, et même la justification essentielle, que ce concept apporte à chacune des grandes théories de la pensée augustinienne, mais en outre comme ressort et comme clef primordiaux de sa pensée considérée de manière synoptique. Il ne s’agit pas non plus d’une problématique régionale, car, en dépit de l’apparence fragmentaire ou clairsemée des textes augustiniens traitant explicitement de la Beauté considérée exclusivement, Augustin a en réalité recourt à cette dernière bien au-delà de la simple métaphore, bien au-delà également de l’allusion. Dans le neuvième traité sur l’épître de saint Jean aux Parthes (IX, 9), Augustin écrit ainsi : [Dieu] nous a aimés le premier, lui qui est toujours beau, et qu’étions-nous quand il nous a aimés, sinon laids et difformes ? Il ne nous a pas aimés, cependant, pour nous laisser à notre laideur, mais pour nous changer et nous rendre beaux. Comment deviendrions-nous beaux ? En aimant celui qui est toujours beau. Plus croît en toi l’amour, plus croît la beauté; car la charité est la beauté de l’âme. Par la charité, il semble donc possible de faire une certaine expérience du mystère de la Beauté de Dieu, qui est, selon saint Augustin, la Beauté de toutes les beautés et, par conséquent, la Beauté de tout ce que nous trouvons beau et de tout ce que nous cherchons de beau. C’est en ce sens que la Beauté n’est pas un thème vague : car, en vertu de la charité qui est indissociable de sa rencontre, elle est, dans la pensée d’Augustin, un cercle dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Partout, parce qu’elle est le centre qui soutient toutes ses théories et leur unique visée; sans circonférence, parce qu’elle ne circonscrit pas un système de pensée clos ou fini : comme l’amour, la Beauté est illimitée à qui sait la découvrir et l’entretenir, en expansion permanente, s’ouvrant à l’infini sur la beauté du monde et sur la beauté de nos frères humains, auxquels Augustin nous invite à donner en retour la Beauté elle-même reçue en partage. Dans le cinquième traité sur l’épître de saint Jean aux Parthes, Augustin précise que « [le] monde, pris dans l’acception défavorable du mot, ce n’est autre chose que les amateurs du monde. Ceux qui aiment le monde ne peuvent aimer le prochain » : en ce sens, pour Augustin, le monde dont la beauté est aimable n’est pas celui que l’on contemple en esthète, encore moins en égoïste, mais celui dont on cherche au contraire à partager la Beauté dans l’amour du prochain, en vue de nourrir ce dernier de la Beauté de la Création, de celle de la Créature et, plus substantiellement, de celle de leur Créateur. C’est en ce sens aussi que la Beauté n’est pas un thème régional : car « nous rendre beaux » et toujours plus dignes d’aimer « celui qui est toujours beau » est sans doute l’objectif primordial de la philosophie d’Augustin, celui qui en permet toute la cohérence et en promet l’éternelle vérifiabilité. Notre travail ne se propose donc d’autre dessein que de mettre au jour les rapports profonds, bien que souvent inaperçus des relecteurs-philosophes, ou pour le moins diffus dans leur esprit, qu’entretient la Beauté avec les grandes théories augustiniennes. La question de la Beauté est en effet l’une de celles qui ont le plus manqué aux reprises Présentation initiale du projet de recherche 7 diverses qu’a connues la pensée d’Augustin au fil de l’histoire de l’augustinisme, soit que cette question en soit carrément absente (E. R. Dodds, pour n’en donner qu’un exemple outrancier, a présenté, en 1928, dans le volume 26 du Hibbert Journal, une critique prétendument exhaustive des Confessions qui, non seulement ne s’était pas aperçue qu’il pouvait être question de beauté dans ce texte, mais était allée jusqu’à démontrer qu’il s’agissait d’un texte sans beauté – et même d’un “moribund masterpiece”); soit que la Beauté soit traitée comme un problème autonome au sein de la pensée de saint Augustin, alors qu’elle l’irrigue de part en part et l’explique en filigrane; soit qu’elle ne soit approchée que comme une série de thèmes régionaux, éclatés et distincts, sans unité dans la pensée d’Augustin, ou bien insuffisamment approfondis, voire infidèlement jugés dignes d’un meilleur emploi que celui auquel Augustin l’a prêtée. Ainsi a-t-on pu voir se développer des études sur la musique totalement indifférentes à la résonance que celle- ci peut avoir dans le vaste palais de l’œuvre d’Augustin – certains ne craignant pas d’écrire, pour n’en donner qu’un triste exemple, que la conception augustinienne de l’écoute musicale n’est qu’une « trahison » de « la vérité du temps musical », dans la mesure où la musique ne sert qu’à « fixer l’âme en Dieu », ce qui constituerait une « contradiction totale » (Bernard Sève, L’Altération musicale, Paris, p. 253)… D’autres auteurs heureusement, tel l’organiste et théoricien Jean Huré, ainsi que, plus récemment, le philosophe de l’art Jacques Darriulat, ont développé de plus sensibles approches de l’écoute et du plaisir musical dans le De Musica, qui mériteraient d’être pleinement mises en lumière, tant elles s’ancrent au cœur de la vision augustinienne de la « distension de l’âme », ouverte à l’Éternité au sein même de l’écoulement temporel de la musique. Par « grandes théories augustiniennes », nous n’entendons pas autre chose que ce qu’en a retenu la vulgate : la conception de la recherche de Dieu par l’humilité et la charité; l’explicitation de la non-substantialité du mal et du libre-arbitre comme volonté capable de s’abandonner elle-même en s’abandonnant au néant (dogme du péché originel); la présentation du mystère de la grâce, en vertu de laquelle, en dépit de la chute, Dieu nous a donné d’être à son image et de faire bon usage de notre libre-arbitre pour augmenter cette ressemblance tout au long de notre vie; l’analyse de la création du monde comme nécessaire exaucement de la bonté de Dieu n’ayant pu permettre qu’une création bonne demeurât dans le non-être; la théorisation du temps qui s’écoule dans la Cité des Présentation initiale du projet de recherche 8 hommes, et au sein duquel uploads/Philosophie/ guillaume-delaby-la-beaute-dans-la-pensee-de-saint-augustin.pdf

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