4 démonstration. 21 février 1 4 LA DÉMONSTRATION Wittgenstein et la diversité d
4 démonstration. 21 février 1 4 LA DÉMONSTRATION Wittgenstein et la diversité des raisonnements mathématiques Des objets mathématiques Des énoncés mathématiques Véracité Une objection née d’un malentendu à propos du premier théorème de Kurt Gödel Les styles de pensée se justifient-ils ? Le constructionnisme Géométrie et algèbre Mathématiques et sciences Démonstration et preuve Qu’est-ce que « Thalès » a découvert ? Wittgenstein : Une démonstration mathématique doit être synoptique L’évidence en-soi Wittgenstein et la diversité des raisonnements mathématiques Dans le plan du cours, toujours provisoire, nous avons annoncé cette leçon ainsi : Démonstration et calcul. Les mathématiques ne sont pas unitaires. Comme Wittgenstein, je suis enclin à penser que « les mathématiques sont une mixture BIGARRÉE de techniques de preuve. » En particulier il faut distinguer d’une part les démonstrations qui déduisent des conclusions à partir de postulats, et d’autre part le calcul. Vous pourriez trouver curieux ou surprenant que j’introduise le nom de Ludwig Wittgenstein aussi tôt dans la discussion sur les mathématiques. Sa réputation comme philosophe des mathématiques n’est pas glorieuse même parmi les wittgensteinophiles les plus fervents. À mon avis il a fait des observations remarquables sur ce que c’est que faire des mathématiques – sur les mathématiques en action, si vous voulez. La philosophie des mathématiques, de presque tous les autres auteurs, sauf Imre Lakatos1, s’adresse aux mathématiques achevées, complètes, sous forme de démonstrations réussies et publiées dans les manuels. Pour cette raison, j’ai donné en 2004 un séminaire sur le thème : Lire Wittgenstein, Lire Lakatos,. Wittgenstein n’a pas publié un mot sur les mathématiques, après son Tractatus. Nos sources sur ses idées dans ce domaine proviennent de quelques cahiers de remarques et des notes de ses auditeurs – tout cela autour de 19402. Je ne propose pas une « interprétation » de Wittgenstein. Je cite de temps en temps quelques-unes de ces observations succinctes qui nous font ouvrir les yeux sur les faits qui sont simplement devant nous. Sa technique n’est pas de discuter des aspects ésotériques, difficiles ou obscurs des mathématiques. On pourrait dire qu’il n’était pas respectueux des mathématiques : il prend des exemples infantiles. Je pense qu’il avait raison, parce que les questions philosophiques traditionnelles sont elles-mêmes un peu puériles. Il faut examiner les expériences les plus 1 Imre Lakatos, Proofs and Refutations, Cambridge, 1976. Traduction. fr. Preuves et réfutations : essai sur la logique de la découverte mathématique, Hermann, 1984. 2 Bemerkungen über die Grundlagen der Mathematik, Oxford, 1956; Suhrkamp Taschenbuch, 1984. Tr. fr. Ludwig Wittgenstein, Remarques sur les fondements des mathématiques, Gallimard, 1983. Cf. aussi Cours sur les fondements des mathématiques, Cambridge, 1939. Mauzevin : Éditions T.E.R., 1995. (Chicago, 1975, Cora Diamond, ed.) 4 démonstration. 21 février 2 simples, celles qui ont le moins l’allure de réflexions sophistiquées, pour comprendre l’essentiel. Je ne dis pas que les remarques de Wittgenstein sont toujours justes ou profondes. Il y en a qui me paraissent ignorantes ou banales, il y en a qui omettent certains aspects des mathématiques qui sont essentiels à la compréhension. Wittgenstein est énervant, frustrant, agaçant. Bref, un philosophe remarquable. Des objets mathématiques Notre concept le plus général est le concept de style de pensée. Les styles sont distingués par leurs objets et leurs méthodes. La méthode des mathématiques, en bref, c’est la démonstration. Pour les objets mathématiques, commençons par les exemples les plus traditionnels et (croit-on) les plus simples : les objets géométriques comme la sphère ou le carré. Personne ne doute qu’il y ait des sphères et des carrés empiriques, approximatifs, matériels, dans le monde. Il y en a beaucoup plus du fait des activités humaines. Nous fabriquons des tables carrées, des roulements à billes. Mais nous disons que ces billes ne sont pas des sphères parfaites. La sphère la plus parfaite dans tout l’univers tourne en ce moment autour de la terre : elle sert de gyroscope dans un petit satellite placé en orbite polaire. Voici une photo de cette sphère. Transparent Elle est en quartz du Brésil, elle a été produite dans une usine allemande, et polie dans un laboratoire en Arizona. Elle est utilisée dans une expérience visant à tester la théorie générale de la relativité. Elle représente ce que la science et l’ingénierie d’aujourd’hui peuvent faire de mieux. Mais cela ne correspond pas à notre conception d’une sphère parfaite. Cette idée n’a de sens que dans le contexte d’un style de pensée géométrique. Cette sphère dont vous voyez la photo, la sphère la plus parfaite dans l’univers, je l’ai vue en réalité. Probablement, plus personne ne la verra dans le futur, sauf si le satellite où elle se trouve était récupéré par une station spatiale et qu’on la rapporte à terre. En principe, bien sûr, cela reste possible. Il est impossible de photographier une sphère parfaite – une sphère mathématique, l’idée de la sphère chez Platon. Voici sur le transparent une photo d’une installation créée par Vladimir Skoda, un artiste tchèque qui vit à Paris. C’est une belle représentation des solides parfaits de Platon, de Kepler. Mais ces solides parfaits, il est impossible de les voir « eux-mêmes » comme j’ai vu la sphère presque-parfaite du gyroscope. C’est impossible en pratique et c’est impossible en principe, parce que ce sont des objets abstraits introduits dans le discours, et dans l’esprit, par le style de pensée mathématique. La sphère sert de paradigme d’un objet mathématique qui a toujours été au cœur de débats ontologiques, des débats qui d’ailleurs ne changent rien aux mathématiques elles- mêmes. Longtemps, nous sommes passés des exemples géométriques aux nombres où le débat a un tour moins dramatique. On peut montrer une photo de la sphère la plus parfaite de l’univers, et affirmer que ce n’est pas une sphère géométrique parfaite. C’est une sphère imparfaite. On ne peut pas faire la même chose pour le nombre quatre. On peut montrer un plat de quatre huîtres. Je crois que même des gens qui ont une formation philosophique ne diraient pas que ce nombre quatre est imparfait. Peut-être ai-je tort – la formation philosophique peut conduire à des affirmations bizarres. 4 démonstration. 21 février 3 Des énoncés mathématiques Chaque style introduit de nouveaux types d’objets, mais il introduit aussi de nouveaux types de propositions. Je commence par donner une version positiviste de cette idée. C. G. Hempel en donne une formulation très claire. Il faut distinguer, dit Hempel, la proposition arithmétique 2+3=5 d’une proposition d’arithmétique appliquée qui s’applique à des ensembles de choses. J’ai deux pièces d’un euro dans la main gauche, et trois dans la main gauche. Je les place sur la table. Voilà, cinq : deux pièces plus trois pièces font cinq. Le monde marche comme cela. Mais cela marche moins bien avec les lapins. J’ai deux lapins mâles dans une cage, et trois lapines dans une autre. Je les mets dans le jardin. Après quelques jours, il y aura 37 lapins. Les euros ne sont pas comme les lapins, c’est un fait empirique. À la laverie automatique, il y à une machine qui change un billet de 5 euros en cinq pièces d’un euro. Il serait assez facile de construire une machine qui rende un billet de 5 euros pour mes 2 euros dans la main gauche plus mes 3 euros dans la main droite. Voilà des exemples triviaux d’addition empirique, où deux et trois font cinq, en général. Mais pas toujours. Hempel soutient qu’il y a une proposition de l’addition empirique qui est distincte de l’arithmétique pure. La distinction de Hempel ne repose pas sur l’usage ordinaire des mots au moyen desquels on exprime les idées mathématiques. Ordinairement, nous ne faisons pas de distinction entre ‘2+3=5’ en tant qu’énoncé arithmétique et en tant qu’énoncé portant sur des ensembles d’objets comme des pièces, des lapins ou des pommes. De même, dit Hempel, il faut distinguer les propositions de géométrie des propositions portant sur des objets matériels. J’ai dit que c’était une approche positiviste : Hempel l’exprime en termes de phrases. La phrase « 2 et 3 font 5 » est équivoque. Elle peut signifier deux propositions : l’addition empirique ou l’énoncé arithmétique. Même chose pour la phrase « tous les points situés sur la surface d’une sphère sont équidistants du centre ». On peut le dire de la sphère gyroscopique, mais pas dans le même sens qu’un énoncé ou une définition de géométrie. Il reste une question sur l’application des mathématiques de la sphère à la sphère de quartz dans le satellite, qui sert de gyroscope. Si je trouve le temps dans ce cours, je voudrais parler de cette importante question de l’application des mathématiques au monde réel. Chez Hempel, dans sa formulation positiviste, il est question de mots et de phrases. Mais on avait exprimé la même idée dans l’Antiquité. Proclus, le philosophe néo-platonicien, a dit vers l’an 450 que les sphères de la géométrie ne sont pas la même chose que des billes ou d’autres sphères empiriques. Il a dit aussi que les énoncés sur les sphères géométriques sont d’une autre nature que les affirmations concernant les uploads/Philosophie/ hacking-demonstration.pdf
Documents similaires










-
33
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 20, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0723MB