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1 Le texte suivant est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXIII, n° 3-4, 1993, p. 669-684. ©UNESCO : Bureau international d’éducation, 2000 Ce document peut être reproduit librement, à condition d’en mentionner la source JOHANN FRIEDRICH HERBART (1776-1841) Norbert Hilgenheger 1 Dans les pays de langue allemande,le pédagogue Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827) eut deux grands successeurs : Johann Friedrich Herbart (1776-1841) et Friedrich Fröbel (1782-1852). Pleins d’enthousiasme juvénile, tous deux commencèrent par suivre le modèle fascinant du philanthrope suisse. Tous deux réussirent ensuite, chacun à sa manière, à dépasser Pestalozzi et à ouvrir à l’action pédagogique des voies nouvelles alliant étroitement la théorie et la pratique. Pestalozzi est entré dans l’histoire de l’éducation comme le père des orphelins de Stans (Suisse) et le fondateur de la nouvelle école primaire. Outre sa philosophie pédagogique romantique, Fröbel a donné au monde le terme « jardin d’enfants ». Le profil de l’éducateur et penseur pédagogique J. F. Herbart peut lui aussi être esquissé à partir d’un point central marquant, à savoir l’idée de l’instruction éducative. C’est son expérience d’enseignant et d’éducateur qui conduisit Herbart à cette idée majeure de sa théorie pédagogique, véritable trait d’union entre son système philosophique et sa « pédagogie ». Hebart philosophe Johann Friedrich Herbart naquit le 4 mai 1776 à Oldenburg, ville du nord de l’Allemagne, et mourut le 11 août 1841 dans la ville universitaire de Göttingen. De 1794 à 1797, il fut à l’université d’Iéna l’élève du philosophe Johann Gottlieb Fichte (1762 – 1814). Cependant, le jeune Herbart prendra rapidement ses distances par rapport à la « théorie de la science » et à la philosophie pratique de son maître. Sur le terrain fertile des contradictions de la pensée idéaliste, il fera germer sa propre philosophie réaliste. Sa vie durant, Herbart restera cependant fidèle à la rigueur intellectuelle de son maître Fichte, essayant à son instar de présenter les éléments les plus importants de sa réflexion sous la forme de « déductions ». Les principales œuvres philosophiques de Herbart s’intitulent : Hauptunkte der Metaphysik [Éléments essentiels de la métaphysique] (1806) ; Allgemeine Praktische Philosophie [Philosophie pratique générale] (1808) ; Psychologie als Wissenschaft : neugegrundet auf Erfahrung, Metaphysik und Mathematik [La psychologie en tant que science, nouvellement fondée sur l’expérience, la métaphysique et les mathématiques] (1824-1825) et Allgemeine Metaphysik nebst den Anfängen des Philosophischen Naturlehre [Métaphysique générale avec les premiers éléments d’une philosophie des sciences de la nature] (1828-1829). Dans sa métaphysique, Herbart reprend la doctrine des monades de Gottfried Wilhelm Leibniz . Prenant en considération les problèmes soulevés par Emmanuel Kant dans la Critique de la raison pure, Herbart cherche dans ses déductions métaphysiques à appréhender le réel par les concepts. La métaphysique de Herbart comprend notamment une psychologie minutieusement élaborée qui fait date dans l’histoire de cette discipline. Herbart fut le premier à utiliser avec une logique implacable les méthodes du calcul infinitésimal moderne pour résoudre les problèmes de la recherche philosophique. Selon lui, la psychologie a ses racines dans l’expérience, dans la 2 métaphysique et dans les mathématiques. Son ambition fut de renouveler pour la psychologie l’exploit qu’Isaac Newton avait accompli pour la physique. Bien que la recherche psychologique empirique du XIX e siècle ne l’ait pas suivi, la psychologie de Herbart exerça une influence indéniable sur la psychologie empirique de Wilhelm Wundt , par exemple, ou sur la psychanalyse de Sigmund Freud. La philosophie pratique de Herbart se caractérise par le fait que les jugements moraux sont interprétés comme des jugements esthétiques particuliers. Les jugements moraux prennent position avec approbation ou réprobation sur les manifestations de la volonté. Les idées morales ne sont rien d’autre que des jugements esthétiques sur des manifestations élémentaires de la volonté. Les jugements moraux de la vie quotidienne peuvent être rectifiés, en fonction des idées morales de perfection, de liberté intérieure, de bienveillance, de droit et d’équité. Herbart exerça principalement ses activités à Berne entre 1797 et 1800, à Brême de1800 à 1802, à Göttingen de 1802 à 1809, à Königsberg de 1809 à 1833 et de nouveau à Göttingen de1833 à 1841. En Suisse, Herbart fut précepteur, à Brême il fut chercheur indépendant et donna des leçons particulières, à Göttingen et Königsberg, il fut professeur de philosophie et de pédagogie. Au début de 1809, il fut appelé à Königsberg pour y devenir le deuxième successeur d’Emmanuel Kant. Königsberg voulait avoir un philosophe de haut niveau scientifique qui fût en même temps un technicien de la pédagogie. Tel est l’esprit dans lequel le roi, Frédéric Guillaume III, approuva en ces termes la nomination de Herbart à Königsberg : « J’approuve d’autant plus volontiers la nomination du professeur Herbart de Göttingen à la chaire de philosophie de notre université qu’il pourra contribuer d’une manière particulièrement utile à l’amélioration du système éducatif selon les principes de Pestalozzi. » (Kehrbach 1897-1912 [K14], p. 13) L’idée d’instruction éducative Entre 1802 et 1809, Herbart avait déjà réussi grâce à de nombreuses publications à se faire une réputation non seulement de philosophe, mais encore de pédagogue. En 1802 paraissait Pestalozzis Idee eines ABC der Anschauung [L’idée d’un ABC de l’intuition de Pestalozzi], suivi en 1804 d’Über die asthetische Darstellung des Welt als das Hauptgeschaft des Erziehung [De la représentation esthétique du monde comme objet principal de l’éducation] et, en 1806, d’Allgmeine Pädagogik aus dem Zweck der Erziehung abgeleitet [Pédagogie générale déduite du but de l’éducation]. La pierre angulaire de la doctrine pédagogique de Herbart, basée sur l’expérience et sur la réflexion philosophique, est l’idée de l’instruction éducative. Comme les praticiens et les théoriciens qui l’ont précédé, Herbart distingue entre éducation (Erziehung, latin educatio) et instruction (Unterricht, latin : instructio). L’éducation se préoccupe de former le caractère et d’améliorer l’être humain. L’instruction véhicule une représentation du monde, transmet des connaissances nouvelles, perfectionne les aptitudes préexistantes et fait éclore des capacités utiles. La réforme pédagogique de Herbart révolutionne le rapport entre éducation et instruction. Ainsi est né un nouveau paradigme de la pensée et de l’action pédagogiques. Avant Herbart, on s’est occupé d’abord séparément de questions d’éducation et d’instruction. Ce n’est que dans un deuxième temps que l’on s’est occupé de savoir comment l’instruction pouvait s’appuyer sur l’éducation et inversement. Dans sa théorie pédagogique en revanche, Herbart osa subordonner la notion d’« instruction » à celle d’« éducation ». Pour lui, le moyen éducatif le plus efficace n’est pas le recours à la punition ou à l’humiliation par exemple ; une éducation qui puisse à coup sûr être couronnée de succès est celle qui repose sur une instruction adéquate. L’instruction, dit Herbart, est « l’objet principal de l’éducation ». Ayant réfléchi, ayant appris et ayant expérimenté par lui-même, Herbart s’est convaincu des effets étonnants de l’instruction éducative : l’homme que l’instruction aura doté d’un « intérêt polyvalent » pourra faire 3 avec aisance tout ce que, « après mûre réflexion », il « voudra » faire. Son idéal moral lui apparaît avec la plus grande netteté et, pour le réaliser, il pourra s’en remettre à son désir d’apprendre davantage et à la « force de son caractère ». Toute l’activité pédagogique de Herbart, précepteur à Berne, conseiller pédagogique à Brême, professeur de philosophie et de pédagogie aux universités de Göttingen et de Königsberg, et aussi directeur de l’institut pédagogique expérimental rattaché à l’université de Königsberg, est pénétrée de l’idée de l’instruction éducative. Dans les pages qui suivent, nous tenterons de montrer comment Herbart a progressivement développé cette notion d’instruction éducative et comme cette idée centrale de la philosophie pédagogique de Herbart s’est perpétuée jusqu’à notre époque. Les fils conducteurs biographiques, théoriques et pratico-pédagogiques permettront de tracer un profil mettant en lumière la contribution de Herbart au progrès de la réflexion pédagogique et à la réforme de l’action pédagogique. La conception de la science pédagogique chez Herbart En 1797, un camarade suisse de l’université d’Iéna procure à Herbart un poste de précepteur à Berne. Là, Herbart se joint à un cercle d’amis qui, comme lui, accueillent avec enthousiasme les idées pédagogiques de Pestalozzi et cherchent de surcroît à entrer en contact personnel avec lui. Dans un écrit de 1802, Herbart rappelle pour ses lectrices et lecteurs le stage qu’il fit auprès de Pestalozzi : « Une douzaine d’enfants de cinq à huit ans furent convoqués à l’école à une heure inhabituelle de la soirée ; je craignais de les trouver de mauvaise humeur et de voir échouer l’expérience que j’étais venu observer. Mais les enfants vinrent de très bon gré, et une activité animée se poursuivit régulièrement jusqu’à la fin. » (Herbart,1982a, p. 65) ». Herbart décrit ensuite la manière dont Pestalozzi invite les enfants à faire travailler en même temps leur bouche et leurs mains, comment il utilise la récitation collective comme méthode d’apprentissage de l’élocution tout en leur donnant à manier des objets qui doivent faciliter l’apprentissage de l’écriture. Les connaissances que son expérience a permis au jeune précepteur d’acquérir en Suisse ne sont pas les seules racines de sa doctrine pédagogique. Elles s’accompagnent de uploads/Philosophie/ herbartf.pdf

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