Humain, posthumain SCIENCE, HISTOIRE ET SOCIÉTÉ Collection dirigée par Dominiqu

Humain, posthumain SCIENCE, HISTOIRE ET SOCIÉTÉ Collection dirigée par Dominique Lecourt l!i~ _Îltî~*~[~TI~ItH 1111illllllllllll~1111111I1I11I1I1111I1I1I 2970858 La technique et la vie ominique Lecourt Presses Universitaires de France 1) 0 lJ- 8: (.., J . DU MÊME AUTEUR L'épistémologie hÙlorique de Gaston Bachelard (1969, Paris, rééd. Vrin, Ile éd., 2002). Bachelard. Épistémologie, textes choisis (1971, Paris, rééd. PUF, 6e éd., 1996). Pour une en·tique de l'éPistémologie (1972, Paris, rééd. Maspero, SC éd., 1980). Une crise et son enjeu (Paris, Maspero, 1973). Bachelard, le jour et la nuit (Paris, Grasset, 1974). Lyssenko, histoire réelle d'une « science prolétarienne» (1976, Paris, rééd. « PUF / Quadrige », 1995). Dissidence ou révolution? (Paris, Maspero, 1978). L'ordre et les jeux (Paris, Grasset, 1980). La philosoPhie sans feinte (Paris, Albin Michel, 1982). Contre la peur. De la science à l'éthique une aventure infinie (1990, Paris, rééd. « PUF / Quadrige », 1999). L'Amérique entre la Bible et Dmwin (1992, Paris, rééd. « PUF / Quadrige », 1998). A quoi sert donc la philosophie? Des sciences de la nature aux sciences politiques (Paris, PUF, 1993). Les injàrtunes de la raison (Québec, Vents d'Ouest, 1994). Prométhée, Faust, Frankenstein: Fondements imaginaires de l'éthique (1996, Paris, rééd. Livre de Poche / Biblio-Essai, 1998). L'avenir du progrès (Paris, Éditions Textuel, 1997). Déclarer la philosophie (Paris, PUF, 1997). Science, philosoPhie et histoire des sciences en Europe, sous la direction de D. Lecourt (1998, Bruxelles, rééd. European Commission, 1999). Encyclopédie des sciences, sous la direction de D. Lecourt (Paris, Livre de Poche, 1998). Les piètres penseurs (Paris, Flammarion, 1999). Dictionnaire d'histoire et philosoPhie des scienres, sous la direction de D. Lecourt (Paris, PUF, 1999), prix Gegner de l'Académie des sciences morales et politiques (2000). Rapport au ministre de l'Éducation nationale sur l'enseignement de la philosophie des sciences (2000) : http://vvww.education.gouv .fr / rapport/lecourt/. Sciences, mythes et religions en Europe, sous la direction de D. Lecourt (Bruxelles, European Com- mission, 2000). La philosoPhie des scienêes (Paris, PUF, « Que sais-je? »,2001). ISBN 2 13 0530540 ISSN 1242-5087 Dépôt légal l,r édition: 2003, avril © Presses Universitaires de France, 2003 6, avenue Reille, 75014 Paris A la mémoire de Georges Canguilhem «Si l'on bannit l'homme ou l'être pensant et contemplateur de' dessus la surface de la terre, ce spectacle pathétique et sublime de la nature n'est plus qu'une scène triste et muette. L'univers se tait; le silence et la nuit s'en emparent. Tout se change en une vaste solitude où les phéno- mènes inobservés se passent d'une manière obscure et sourde. C'est la présence de l'homme qui rend l'existence des êtres inté- ressante. » Denis Diderot, l'Encyclopédie. Sommaire PROLOGUE ............... . 1 BIO-CATASTROPHISME ET POSTHUMANITÉ II - L'AVENIR SELON LES TECHNO-PROPHÈTES III - LA TECHNIQUE ET LA VIE . IV - HUMAIN POSTHUMAIN. ANNEXE -UNABOMBER BIBUOGRAPHIE . INDEX ..... 17 57 81 93 125 137 143 Prologue Il doit y avoir maldonne. L'humanité vient de faire, en quelques années, plusieurs pas décisifs sur la voie de la maîtrise technique du vivant. Ces succès ne sont pourtant pas unanimernent célébrés comme autant de progrès illustrant l'intelligence et l'ingéniosité de l'être humain. Bien que les efforts des chercheurs se concen- trent sur le meilleur parti à tirer de leurs résultats pour le rnieux-être général, on n'entend guère que discours d'épou- vante et alertes solennelles. Un tel en vient à s'interroger sur le caractère inhumain de la science l ; pour tel autre, la difli- culté serait même pour les hommes de lui survivre2• Après avoir été idolâtrée pendant des décennies, la science se voit rnaintenant dénoncée comme détentrice d'un pouvoir Inalé- fique. Et voici qu'on fait de tous côtés l'éloge de la peur comme de la seule voie vers la sagesse face à des désastres annoncés comme inévitables. N o111bre de nos philosophes semblent affectés de ce qu'on pourrait appeler le «complexe de Cassandre ». Convainquez-vous que vous n'y couperez 1. H. Atlan, La science est-elle inhumaine?, Paris, Bayard, 2002. 2. J..]. Salomon, Survivre à la science: une certaine idée du jùtur, Paris, Albin Michel, 2000. 2 HUMAIN, POSTHUlVWN pas, agissez en conséquence, et c'est ainsi que vous y échap- perez. Plaisant paradoxe du catastrophisme éclairé 1 ! Des groupes organisés, des individualités prestigieuses, des autorités spirituelles vénérables, des responsables politiques cherchent ainsi à dresser l'opinion publique contre les scienti- fiques, tout particulièrement contre les biologistes et, au pre- mier chef, contre les généticiens, suspects parmi les suspects. Certains d'entre eux parmi les plus renommés semblent au demeurant céder à l'intimidation et accepter d'endosser tous les pêchés de la terre, saisis d'une sorte de jubilation morose, se livrant à une manière d'autoflagellation sur commande. Leurs laboratoires sont dépeints comme des officines infer- nales, leurs anirnaleries comme des chambres de torture, leurs expérimentations comme les fantaisies perverses d'individus détraqués toujours prêts à jouer aux démiurges irresponsables. On s'étonne, après cela, que, la maigreur des budgets et la modicité des salaires aidant, les effectifs des étudiants en sciences connaissent depuis une décennie une chute continue et spectaculaire à l'échelle internationale2 ! L'argument des argurnents peut aisément se formuler ainsi: ce que l'expansion des biotechnologies nous promet 1. J.-P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé: quand l'impossible est certain, Paris, Le Seuil, 2002. 2. À ces motifs de ce qu'on appelle pudiquement une «désaffection» des étu- diants pour les filières scientifiques, il faut ajouter le raidissement dogmatique d'un enseignement qui, sous les coups, se replie souvent sur son contenu tech- nique et invoque les nécessités de la concurrence internationale pour n'y laisser guère de place aux questions philosophiques posées à la science par la société. Paradoxe: en France, ce sont les écoles d'ingénieurs, dont les effectifs ne connaissent pas la même érosion parce que leurs élèves sont plus assurés de leurs débouchés professionnels, qui semblent le plus ouvertes à ces interroga- tions alors qu'elles affichaient une idéologie de la réussite sociale à première vue peu favorable à la spéculation. PROLOGUE 3 pour demain n'a rien d'humain. Ce qui se profIle dès mainte- nant à l'horizon, ce n'est pas le « surhomme» dont Friedrich Nietzsche en son temps annonçait fIévreusement la venue, porteur d'une transmutation de toutes les valeurs; ce sur- homme dont les nazis ont dévoyé le concept au service de leurs activités racistes et criminelles contre les juifs, les tzi- ganes, les homosexuels et les malades mentaux. Ce qui s'annonce n'est pas non plus la venue de cet «horrune nou- veau », de cet «homrrle total» dont rêvait le jeune Marx en sa candeur feuerbachienne et que les staliniens ont prorrlU au rang d'idole à leurs fIns d'asservissement des rrlasses en Union soviétique et comme rnotif d'aliénation intellectuelle dans ce qu'on a appelé, pendant un demi-siècle, le «rrlouvement comrrluniste international ». Non. C'est bien plutôt d'une « posthurrlanité» que notre humanité scientifIque et technologique serait en voie d'accoucher. Une «posthumanité» qui verrait, à brève échéance, nous dit-on, notre espèce engloutie, détruite par ses propres efforts pour dominer la planète. Le préfIxe «post », si populaire sur les campus nord-américains (pensez à la gloire du postrrloderne!) depuis bientôt trois décennies, marque en l'occurrence plus que le constat de la fin d'une époque dans l'histoire humaine; il désigne, comme un fait accompli, la fIn des fIns: dans l'effort de connaissance qui soutient son devenir, l'humanité en serait venue à s'expulser, pour ainsi dire, elle-même de son être. Rompant le fli d'une histoire pathétique et sublime, elle ne reconnaîtrait plus aucune des valeurs qui ont jalonné jusqu'à ce jour son che- min. Et s'il était encore permis de juger cette «posthurna- nité» à l'aune de nos actuelles valeurs, elle apparaîtrait comme pure inhumanité. 4 HUMAIN, POSTHUMAIN Malgré le bon sens et l'incrédulité persistante des citoyens, moins enclins à la panique que ne le sont ou n'affectent de l'être leurs représentants, l'outrance de certains de ces dis- cours dispose des moyens d'obtenir un large écho. Car notre monde a été, de longue date, préparé à accueillir favorable- ment et à amplifier les thèmes majeurs de ces vaticinations tristes. Depuis deux siècles, la peur des «savants fous» et autres «apprentis sorciers »1 a été cultivée par une abondante litté- rature populaire qui a ses lettres de noblesse - Aldous Huxley, Herbert George Wells, notamrnent - ainsi que par des campagnes idéologiques pour dénoncer à l'occasion la «faillite de la science» en réplique à l'arrogance du scien- tisme dominant2. Depuis quelques décennies, producteurs et réalisateurs hol- lywoodiens se sont mis de la partie. Les effets spéciaux sont des prouesses techniques d'autant plus prisées des spectateurs que le réalisme ou le pragmatisme les plus plats constituent les seules philosophies qui soient proposées à leur adhésion pour l'ordinaire de leur vie. Or ces effets sont venus accen- tuer le mouvement depuis quelque temps engagé vers une synthèse des genres entre la traditionnelle science-fiction et le film d'horreur, synthèse qui a donné consistance à ce nou- 1. J'ai examiné ce mythe et quelques autres, in D. Lecourt, Prométhée) Faust) Fran- kenstein: Fondements imaginaires de l'éthique (1996), Paris, rééd. Livre de Poche / Biblio Essai, 1998. 2. F. Brunetière, «Après une uploads/Philosophie/ humain-posthumain.pdf

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