L’articulation entre Théologie et Parole de Dieu en Théologie Morale Gérard Var

L’articulation entre Théologie et Parole de Dieu en Théologie Morale Gérard Vargas, septembre 2013 INTRODUCTION Nous sommes tellement habitués à définir la morale comme une série d’obligations qui s’imposent à nous, Chrétiens, pour respecter la volonté de Dieu et gagner ainsi notre salut, que l’on est tout à fait surpris de découvrir que « la Bible n’est pas un livre de règles », que l’Ecriture n’est pas une collection de commandements à appliquer benoitement ! En effet, la pratique de l’Ecriture montre que « l’on a là un document trop riche pour être utilisé comme une mine à exploiter pour des leçons de morale ». On y trouve une pluralité de formes littéraires : la Bible est une bibliothèque ; en son sein on peut trouver des lois et des préceptes (Lev, Dt), on y découvre aussi des récits, des discours prophétiques, des poèmes, des écrits de sagesse etc...Même si le Livre possède une unité qui est sa clôture, et est habité par un dynamisme interne, celui de l’accomplissement selon Paul Beauchamp, choisir d’appuyer sa théologie morale de manière privilégiée sur tel ou tel type de texte, donnera des résultats différents qui peuvent être légitimes mais qui doivent être justifiés. Les traditions protestantes et catholiques ont fait souvent des choix distincts : on peut trouver essentiel de s’appuyer sur l’Epitre aux Romains et son insistance sur le Salut par la Grace, ou sur l’Evangile de Matthieu et son appel insistant à mettre en pratique la parole du Christ, comme dans le Sermon sur la montagne. L’Ecriture n’est pas un programme qui fixerait tous les détails, « car la question première de la Bible n’est pas « Que commande Dieu ? », mais « Que fait Dieu ? », nous rappelle Geneviève Médevielle. Etre impliqué dans le projet de Dieu, c’est se rappeler que « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant… » (Saint Irénée). Lorsque le Chrétien se tourne vers l’Ecriture, il n’agit pas comme les philosophes moralistes en quête de fondement pour leur éthique. « Le Chrétien se réfère à l’Ecriture pour découvrir plus que ce qu’il doit faire on ne pas faire. Il cherche à agir en conformité avec un appel de Dieu. » LA REPONSE A UN APPEL : LA CONVERSION COMME PRELUDE A LA VIE MORALE DU CHRETIEN. La réponse à cet appel est de l’ordre de la conversion. Conversion à l’appel d’une personne : le Christ : « Alors qu’un système éthique commence avec des valeurs ou des principes, l’Evangile commence avec une personne qui prétend être lui-même la norme que ses disciples sont appelés à suivre : «viens et suis-moi ». L’Ecriture n’est pas une carrière de normes, même si certains textes offrent un caractère normatif ». Répondre à cet appel, ce n’est pas commencer par adopter un système de normes, c’est d’abord décider de suivre le Christ « car c’est lui l’instance de jugement sur le bien qui est à faire ». C’est effectuer une véritable conversion, c’est de l’ordre de la décision et de la foi. Il n’y a pas d’opposition entre ces deux termes : « La foi est en nous la première collaboration entre une grâce offerte par le Christ et un effort humain, bien pauvre, certes, mais signe efficace d’engagement. C’est aussi parce que l’on croit en Jésus comme le porteur de la nouvelle du salut et comme sauveur que l’on vit comme lui, comme il a dit de vivre, selon la logique de l’être nouveau dans lequel il nous a transformés. » Le Christ est la norme concrète de l’agir éthique du chrétien. Nous adhérons et vivons volontairement sous La loi du Christ.Contentons-nous de citer la Première lettre de saint Jean : « celui qui prétend demeurer en lui, il faut qu’il marche lui-même dans la voie où lui, Jésus, a marché » (1 Jn 2, 6). Il est fondamental de souligner qu’en régime chrétien, « la conscience morale qui nait de la conversion ne porte pas alors sur le choix d’un acte, sur un contenu objectif qui serait la visée éthique, mais plus fondamentalement sur un mode d’être ». Ce mode d’être, c’est de vivre « comme Jésus ». C’est aimer son prochain comme soi-même, avec toute la difficulté qui existe à mettre cette maxime en pratique dans la vie de tous les jours, mais c’est un choix fondamental, car, « en servant son frère, le converti se transforme lui-même par son action ». La foi en Christ engendre des dispositions morales caractéristiques, modelées sur la vie du Christ, souligne G. Médevielle.La vie morale du chrétien, la théologie morale qui s’en suivra, tirent son origine de cette décision de l’intelligence qu’est l’acte de foi en la personne du Christ comme source, chemin et vie, d’un processus de métamorphose qui nous fera participer à la vie même du Christ, une vie en Dieu. Ce n’est pas le choix a priori d’un ensemble de normes, même si celles-ci sont indispensables par la suite. Elles découlent de ce choix qui est librement posé, elle ne le précédent pas. COMMENT FAIRE ? La question qui vient immédiatement à l’esprit est : comment faire ? Si l’Ecriture n’est pas un livre de règles de conduite, comment réussir pratiquement cette métamorphose qui nous fera passer du vieil homme, que nous sommes, à l’homme nouveau, dont parle saint Paul. Comment faire pour se forger ce caractère bien particulier qu’est celui du Chrétien et revêtir ainsi le Christ ? Sommes-nous bien assurés que forger ce caractère suffise et autorise alors à se passer de normes, de commandements pour régler sa conduite au quotidien ? Un premier constat s’impose : à défaut d’être une « carrière » de normes, la Bible est un lieu théologique où l’homme découvre la présence de Dieu. La question dès lors est de savoir quel usage implicite ou explicite il est fait de l’Ecriture dans une réflexion éthique. Quels passages bibliques et quels types de lecture sont donc privilégiés ? Il n’entre pas dans le cadre du sujet que nous traitons de parler de l’éthique dans l’Ecriture, ou d’esquisser une théologie biblique de la morale, mais très précisément de discuter de l’usage et de la place de l’Ecriture en théologie morale. Nous envisagerons dans un premier temps les obstacles et les conditions méthodologiques à remplir en vue d’un bon usage de l’Ecriture en théologie morale. Trois grands modèles classiques permettant d’aborder le texte biblique seront évoqués, que l’on complétera brièvement par les six modèles que les théologiens moralistes contemporains utilisent de nos jours. Nous conclurons, en illustrant les propos qui précédent, en montrant l’utilisation que fait saint Augustin du Sermon sur la Montagne que l’on trouve chez saint Matthieu (Mt 5-7).Si nous avons choisi saint Augustin, c’est parce que son analyse a largement inspiré la morale de saint Thomas d’Aquin que l’on trouve à la Ia-IIae de la Somme Théologique. Ce travail a donc fortement influencé la morale catholique. Ajoutons que c’est la première œuvre pastorale de saint Augustin, au début de l’an 391. Augustin a alors la quarantaine, l’âge de la maturité, lorsqu’il accède au sacerdoce. Son évêque, Valère, le charge de la prédication à Hippone. Augustin est donc le premier évêque africain à assurer cette fonction, et son exemple se répandra dans tout l’occident. Pour se préparer, il demande à son évêque un congé de plusieurs mois. Ce sermon, nous indique Servais Pinckaers, est l’œuvre d’un rhéteur de grande classe et d’un génie de la pensée chrétienne. Les idées qu’il livre vont faire école et exerceront leur influence pendant des siècles. Nous conclurons ce tour d’horizon par les questions que pose le rapport entre théologie morale et Parole de Dieu dans la pratique, en suivant les réflexions de Xavier Thévenot, sur les précautions à prendre pour entreprendre un bon discernement en morale. Obstacles à lever et conditions méthodologiques à respecter pour un bon usage de l’Ecriture 1. La Bible n’est pas un livre de règles, une « carrière » de normes : La Bible présente une irréductible pluralité de formes littéraires. C’est une bibliothèque. En son sein, on peut trouver des lois, des poèmes, des préceptes…La question posée n’est pas : « Que commande Dieu ? », mais « Que fait Dieu ? » et la manière dont il implique l’homme dans son action, avertit d’emblée Geneviève Médevielle.C’est un document trop riche pour ne le réduire qu’à être une mine à exploiter pour des leçons de morale... Si l’on veut utiliser la Bible comme source de théologie morale, il faut alors entrer dans l’intelligence de l’ensemble du Livre. Méthodologiquement constate A. Thomasset : « Cela demande au théologien moraliste de devenir un interlocuteur des exégètes et des théologiens biblistes ». 2. La vie morale est plus vaste que la question des normes : Quand nous devons décider, les règles et les normes morales disponibles ne sont pas la seule source d’inspiration. Nous demandons conseil, nous regardons l’exemple de personnes que nous admirons, nous essayons d’entrer en nous même, nous prions, nous regardons l’exemple de Jésus…bref, la vie morale est uploads/Philosophie/ l-x27-articulation-entre-theologie-et-parole-de-dieu-en-theologie-morale.pdf

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