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HAL Id: halshs-01909329 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01909329 Submitted on 23 Nov 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Charles S. Peirce : la fixation des croyances; présentation et réédition de l’article de Peirce sur la fixation des croyances (1877) Michel Bourdeau To cite this version: Michel Bourdeau. Charles S. Peirce : la fixation des croyances; présentation et réédition de l’article de Peirce sur la fixation des croyances (1877). 2018. halshs-01909329 1 PEIRCE : LA FIXATION DES CROYANCES. Michel Bourdeau (IHPST-CNRS) bourdeau@ehess.fr Charles Sanders Peirce est né en 1839 à Cambridge, Massachusetts, et est mort, dans la même ville, d’un cancer, en 1914. Fils d’un mathématicien de Harvard, où il fit des études scientifiques, il semblait appelé à une brillante carrière. La réalité fut tout autre. Hormis une charge de cours de logique à l’université John Hopkins (1879-1884), il n’occupa aucun poste universitaire. Pour gagner sa vie, il dut travailler à l’US Coast and Geodesic Survey (c’est la fonction indiquée à la fin de la traduction), où il s’occupait d’expériences sur la gravitation et des recherches sur le pendule, mais fut contraint en 1891 d’abandonner ce poste, qui lui avait permis de venir cinq fois en Europe entre 1870 et 1883. Ce n’est qu’autour de 1900 que l’amitié de William James, qui l’invita à donner des conférences à Harvard, lui valut une reconnaissance tardive. Peirce est le père du pragmatisme ; il est également connu comme le fondateur de la sémiotique, ou théorie des signes1. S’en tenir là serait toutefois méconnaitre l’étendue et la portée de ses contributions, qui font de lui l’égal des plus grands philosophes. Indépendamment de Frege, il a par exemple découvert la théorie de la quantification ; il a également développé des théories originales des probabilités ou du continu2. Si son œuvre reste relativement peu lue, c’est que son étude se heurte à deux difficultés considérables. Comme pour Leibniz, en guise d’écrits, il ne nous a laissé le plus souvent que de petits articles, comme celui-ci, ou une masse de manuscrits longtemps restés inédits. De plus, il en est venu à adopter une morale terminologique qui l’a conduit à introduire de nombreux néologismes (synéchisme, agapisme, tychisme, légisigne, etc.) inintelligibles au commun des mortels. Comment se fixe la croyance appartient à la première philosophie de Peirce. C’est le premier d’une série de six articles, Illustration of Logic of Science, publiés de 1877 à 1878 dans le Popular Scientific Monthly3, série où l’on trouve la première présentation du pragmatisme. La pensée de Peirce s’enrichira considérablement par la suite, mais déjà on reconnaît sans peine les grandes orientations dont il ne s’écartera guère. Traduit presqu’immédiatement en français, l’article compte à juste titre parmi les plus célèbres de Peirce. Signe de l’importance qu’il lui accordait, celui-ci a envisagé à plusieurs reprises de le republier4. La réflexion sur la nature du doute et de la croyance qui y est exposée approfondit une critique du cartésianisme commencée dix ans plus tôt dans « quatre conséquences de quelques incapacités »5 et débouche sur une théorie de la recherche, nécessaire à cette logique de la science que l’auteur veut développer. * * * « Le but de ce travail, nous dit l’auteur, est de décrire l’investigation scientifique » (566). Si cette indication vient presque à la fin de l’article, c’est que celui-ci est destiné à servir d’introduction à 1 Sur la philosophie du langage de Peirce, dans laquelle s’inscrit la sémiotique, voir Fr. Belluci, « Peirce, philosophe du langage », Cahiers philosophiques 150 (2017-3), p. 91-110. 2 Dans le premier cas, voir B. Gaultier, « Peirce et les deux paquets de cartes : les probabilités peuvent-elles être le guide de la vie ? », Cahiers philosophiques 150 (2017-3), p. 67-90; dans le second, voir M. Panza, « Peirce et le Continu », Revue de synthèse, 4e S. n° 4, oct-dec, 1998, p, 603- 611. 3 Les cinq autres articles sont : « How to Make Our Ideas Clear ? » (1878), « The Doctrine of Chances » (1878), « The Probability of Induction » (1878), « The Order of Nature » (1878), « Deduction, Induction and Hypothesis » (1878) ; le texte de 1877 se trouve dans Popular Scientific Monthly 12 (Nov 77 ; p. 1-15). 4 Peirce a envisagé successivement d’en faire le huitième essai de « Search for a Method » puis, en 1894, le chapitre cinq de « How to Reason ? » et encore en 1909-1910, le premier essai de « Essays on the Reasoning of Science ». 5 Second d’une série de trois articles publiés entre 1868 et 1869 dans le Journal of Speculative Philosophy. 2 l’ensemble des Illustrations de la logique de la science, comme le dit d’ailleurs explicitement l’anglais, qui parle non de travail mais de série d’articles. La décision d’étudier cette méthode de recherche originale qu’est la science vient de ce qu’elle est la seule vraiment satisfaisante. Toutefois, pour en montrer la supériorité, rien de mieux que de commencer par décrire celles qui l’ont précédée. Voilà pourquoi la cinquième et dernière partie occupe plus de la moitié de l’article. Si l’originalité de Peirce y est déjà manifeste, le plus original se trouve toutefois dans les deux parties précédentes, qui portent sur le concept de recherche pris en lui-même et qui mettent en place ce qu’annonce le titre : « l’unique objet de la recherche est de fixer une opinion » (560), résultat qualifié de « fort important » (559). Les deux premières parties, quant à elles, doivent être vues comme une introduction générale à l’ensemble des Illustrations de la logique de la science. Les concernant, il suffira de retenir que, si Peirce est un grand logicien, la logique, comme le montre le titre des essais qui suivent, est entendue au sens que lui donnait Port-Royal : c’est l’art de raisonner. Elle ne saurait donc se réduire, comme c’est trop souvent le cas, à la logique formelle, à l’étude du raisonnement déductif, ce qui ne serait pas conciliable avec la caractérisation qui en est donnée : « découvrir par le moyen de ce qu’on sait déjà quelque chose qu’on ne sait pas encore » (555). Les troisième et quatrième parties du texte constituent, elles, la pièce maitresse de l’anti cartésianisme de Peirce. Certes, quelque dix ans plus tôt, il avait déjà dénoncé diverses erreurs commises par le père de la philosophie moderne6 mais, avec ce qu’Isaac Levi a appelé « le modèle ‘croyance-doute’ de la recherche »7, la critique se radicale et s’en prend directement à ce doute méthodique sur quoi repose le cartésianisme. Dans un premier temps, c’est seulement l’existence d’un rapport en quelque sorte constitutif entre recherche et vérité qui est mis en cause. On voudrait que la recherche vise la vérité comme la boussole indique le nord. Le Discours de la méthode ne porte-t-il pas pour titre complet : Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences ? Quelque temps plus tard, c’est encore une Recherche de la vérité que publiera Malebranche, et plus près de nous un des derniers ouvrages de Quine s’intitule : The Pursuit of Truth. Or Peirce nie purement et simplement ce qui passe encore pour une évidence : « Ce que l’on peut tout au plus soutenir, c’est que nous cherchons une croyance que nous pensons vraie. Mais nous pensons que chacune de nos croyances est vraie et le dire est réellement une pure tautologie » (559). Inutile d’ajouter que cette façon de dissocier recherche et vérité a souvent été perçue comme un renoncement aux exigences élémentaires de la vie intellectuelle, comme une porte ouverte aux divagations de toute sorte, et a été à ce titre, l’objet de très vive critiques8. Dans l’expression « recherche de la vérité », le premier terme fait figure de parent pauvre ; pourtant si l’on veut comprendre pourquoi la vérité n’est pas l’objet premier de la recherche, c’est bien ce concept qu’il convient de thématiser ; et c’est à ce moment-là que la dimension anti cartésienne de l’argument apparaît explicitement. « L’irritation produite par le doute nous pousse à faire des efforts pour atteindre l’état de croyance. Je nommerai cette série d’efforts recherche ». Pour Peirce, comme pour Descartes, le doute est le moteur de la recherche, mais il est difficile d’imaginer deux conceptions plus opposées du rôle qu’y joue le doute. L’expression « doute méthodique » établit un lien fort entre doute et méthode. Le doute passe pour un instrument indispensable au chercheur, au point que c’est presque devenu une idée reçue que le chercheur est un douteur. Pour Peirce, cette conception du doute, uploads/Philosophie/ peirce-2018-07-31.pdf
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- Publié le Mar 12, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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