L.S.R un projet paraphilosophique pas de son temps mais: en son temps L'article

L.S.R un projet paraphilosophique pas de son temps mais: en son temps L'article suivant est paru en allemand dans Germanic Notes and Reviews, vol. 33, n. 2, fall/Herbst 2002, pp. 109-133 Nietzsches initiale Krise La crise initiale de Nietzsche Un nouvel éclairage de la question "Nietzsche et Stirner" par Bernd A. Laska Friedrich Nietzsche 1864 «J'ai rencontré, lorsque j'étais jeune, une divinité dangereuse et je ne voudrais raconter à personne ce qui envahit alors mon âme -- pas plus les bonnes que les mauvaises choses. C'est ainsi que j'appris à me taire à temps et aussi que l'on doit apprendre à parler pour bien se taire: qu'un homme qui a des arrière-plans a besoin de premier plans, que se soit pour lui-même ou pour les autres. Car les premiers plans sont nécessaires pour se reposer de soi- même et pour rendre possible aux autres de vivre avec nous.» Friedrich Nietzsche 1885 (1) 1. Introduction et vue d'ensemble 2. La question "Nietzsche et Stirner" aujourd'hui 3. Parenthèse: La réception clandestine de Stirner 4. La question "Nietzsche et Stirner" autrefois 4.1 «L'Unique» à l'arrière-plan 4.2 La découverte de «L'Unique» 4.3 Une question restée sans réponse définitive 5. La crise initiale de Nietzsche 5.1 L'euphorie berlinoise 5.2 La dépression de Leipzig 5.3 Eduard Mushacke ? 6. Epilogue Notes 1. Introduction et vue d'ensemble La vie de Nietzsche et tant que philosophe s'est terminée, comme un large public le sait, par un effrondement spectaculaire, à Turin, au début de l'année 1889. Cette crise finale, par laquelle Nietzsche se retira pour toujours du monde sur le plan de l'esprit, a été l'objet de nombreuses analyses très approfondies, qui n'ont apporté à la question ni clarté décisive ni conclusion définitive. (2) De la même manière, le début de la carrière du philosophe fut marqué par une crise existentielle grave, bien que moins spectaculaire, qu'il surmonta, en octobre 1865, au moyen d'une auto-discipline des plus strictes et surtout en devenant un disciple enthousiaste de Schopenhauer. Contrairement à la dernière, cette crise initiale n'a guère été prise en considération par les spécialistes de Nietzsche eux-mêmes et pour ainsi dire jamais étudiée en détail. La vie et l'œuvre de Nietzsche ont à vrai dire été examinées avec plus d'attention et un soin critique plus grand que celles d'aucun autre philosophe. (3) Cependent, dans les présentations de cette phase décisive au cours de laquelle le jeune homme devint philosophe, ses nombreuses biographes ont suivi ses propres déclarations d'une manière grandement dépourvue d'esprit critique. (4) En règle générale, l'abrupte conversion de Nietzsche à la philosophie schopenhauerienne, à la fin du mois d'octobre 1865, est encore aujourd'hui mise sur le compte de ce "hasard", qu'il a lui-même invoqué, et considéré comme ne demandant pas une explication plus détaillée. J'ai néanmoins fait, en examinant de plus près cette page restée en grande partie blanche de la biographie de Nietzsche, une surprenante découverte: Eduard Mushacke, avec lequel il entretint dans la première moitié du mois d'octobre 1865 des brefs rapports, notoirement très intensifs mais aussitôt interrompus, était un ancien ami intime de Max Stirner. Cette découverte rend possible un regard nouveau, et critique cette fois, sur cette phase de l'évolution intellectuelle de Nietzsche. Regard qu'arrêtent toutefois, en un premier temps, quelques sédiments de l'histoire des idées, qui font obstacle à tout examen sérieux de l'hypothèse selon laquelle la rencontre du jeune homme avec «L'Unique» de Stirner -- rencontre qui ne peut sans doute qu'être postulée -- serait la cause décisive de la crise initiale de laquelle sortit le philosophe Nietzsche. Le plus massif de ces sédiments est, peut-on dire, le fait que la question "Nietzsche et Stirner" -- à savoir si le premier eut connaissance de l'ouvrage du second et si celui-ci influença sa pensée -- a déjà été amplement discutée dans les années 1900 et finalement classée comme n'ayant, tout compte fait, pas d'importance; et ce, principalement parce que Stirner lui-même était considéré comme un auteur sans importance dans le domaine de l'histoire d'idées. Ce sédiment s'est considérablement consolidé au cours d'un siècle à la fin duquel, alors que Nietzsche jouit dans le monde entier d'une très grande prestige, c'est à peine si l'on connaît encore Stirner en Allemagne même. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire d'aborder de manière rétro- chronologique et pour ainsi dire archéologique le thème proprement dit, à savoir la crise initiale de Nietzsche. D'analyser donc en premier lieu les présentations les plus récentes de la question "Nietzsche et Stirner", puis -- après une utile et indispensable parenthèse sur la réception clandestine de Stirner -- les discussions qui eurent lieu dans les années 1890, pour finir par l'examen de la situation du jeune Nietzsche en octobre 1865. Nous ne débattrons pas ici de la question plus large de savoir si cette reconstruction de la crise initiale de Nietzsche ouvre une nouvelle perspective sur son évolution ultérieure et peut finalement être prise en considération pour éclairer les causes de sa crise finale. 2. La question "Nietzsche et Stirner" aujourd'hui Il s'agit là d'un thème qui ne fera sans doute de nos jours que provoquer des haussements d'épaules. On connaît Nietzsche, du moins croit-on le connaître - mais Stirner ? On ne le connaît pas et on n'a pas besoin de le connaître, il n'est qu'une note en bas d'une page de Nietzsche ou de Marx qui, comme l'on sait, en fit une critique complète et radicale dès 1846. Quel autre sens qu'étroitement historiographique peut-il y avoir à soule -- ver à nouveau la question, extrêmement marginal et qui plus est depuis longtemps réglée, de savoir si Nietzsche connaissait ou non «L'Unique» de Stirner ? Cette étude apportera une réponse sur ce point. Max Stirner a toujours eu, dans le monde de la philosophie et, d'une façon générale, de la culture, la réputation la plus mauvaise qu'on puisse imaginer -- quand il n'a pas été tout simplement "oublié", jusqu'aux années 1890, puis derechef à partir des années 1910. Il passa pour un esprit borné et fut un exclu, un intouchable, un paria de l'esprit. Cela allait de soi et il eût été déplacé de justifier ce jugement. Alois Riehl, l'un des premier professeurs de philosophie à consacrer une monographie à Nietzsche, l'a énoncé, incidemment comme il convenait et sans même prononcer le nom du réprouvé: "C'est trahir une encore plus grande incapacité à distinguer entre les esprits que d'associer Nietzsche et le parodiste involontaire de Fichte, l'auteur de l'ouvrage intitulé «L'Unique et sa Propriété» -- cela signifie tout simplement associer des écrits d'une puissance oratoire presque singulière, possédant la force et la fatalité du génie, avec une bizarrerie littéraire." (5) A l'opposé Nietzsche a joui le plus souvent du respect de ses ennemis eux-mêmes, comme auteur plein d'esprit, styliste brillant et psychologue pénétrant. Aussi la question "Nietzsche et Stirner", qui fut naturellement posée pour des raisons polémiques, eut-elle autour de 1900 une certaine force explosive (voir ci-dessous). Aujourd'hui, on ne considère évidemment plus Stirner -- si toutefois on le connaît -- comme un paria, mais simplement comme une figure marginale sans importance. C'est pourquoi la plupart des ouvrages consacrés à Nietzsche ne l'évoquent plus du tout depuis longtemps. Il ne se trouve que rarement un auteur pour traiter brièvement la question "Nietzsche et Stirner", et c'est alors pour la classer une nouvelle fois comme insignifiante. Quant à celle de savoir si Nietzsche a connu ou non «L'Unique», elle ne joue plus aucun rôle dans l'affaire. Quelle que soit la réponse -- Henning Ottmann donne, après une brève esquisse, le résumé suivant: "L'horizon spirituel de Nietzsche, de l'Antiquité à l'époque moderne, fut toujours des plus étendus. Il n'eut pas d'affinité spirituelle avec la species anarchistica petite-bourgeoise." (6) Rüdiger Safranski conclut lui aussi son chapitre sur Stirner en remarquant que Nietzsche aura éprouvé de la répulsion à l'égard du "petit-bourgeois" Stirner. (7) Une curieuse ambivalence est néanmoins perceptible chez les deux spécialistes. Safranski parle du "silence remarquable" de Nietzsche sur Stirner; Ottmann de manière non-fondée, d'"une des légendes plus intelligentes" sur Nietzsche. Ni l'un ni l'autre ne se soucie toutefois véritablement de ce thème -- ce qui est en partie compréhensible, lorsque l'on connaît la "réception clandestine" de «L'Unique» (voir ci-dessous). La marginalité de Stirner, solidement établie depuis des décennies, a entraîné une atrophie des connaissances, déjà maigres depuis toujours, sur sa personne et ses idées. On lui doit, entre autre résultats, les différentes étiquettes -- un Stirner jeune- hégelienne, ou anarchiste, ou nihiliste, ou solipsiste -- qui ont toutes acquis droit de cité et sont utilisées de manière négligente et en tout cas inexacte. On a un exemple, intéressant dans notre contexte, des conséquences de cette ignorance de Stirner considérée comme un faute vénielle, dans la biographie de Nietzsche en trois volumes de Curt Paul Janz, ouvrage qui fait encore aujourd'hui autorité, par ailleurs soigneux et approfondi, et qui a été révisé sur plusieurs points lors de ses réédtions. (8) Janz, dans la demi-page qu'il consacre à la question "Nietzsche et Stirner" (à coté de trois pages de documents), a commis quatre uploads/Philosophie/ la-crise-initial-de-nietzsche.pdf

  • 18
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager