Yvon PESQUEUX Hesam Université Professeur du CNAM, titulaire de la Chaire « Dév

Yvon PESQUEUX Hesam Université Professeur du CNAM, titulaire de la Chaire « Développement des Systèmes d’Organisation » 292 rue Saint Martin 75 141 Paris Cédex 03 France Téléphone ++ 33 (0)1 40 27 21 63 FAX ++ 33 (0)1 40 27 26 55 E-mail yvon.pesqueux@lecnam.net / yvon.pesqueux@gmail.com Site web esd.cnam.fr Les auteurs fondateurs d’une théorie du changement Résumé Ce texte est organisé de la manière suivante. Après une brève introduction consacrée à la présentation du texte, il aborde successivement : le transformisme lamarckien ; la théorie de l’évolution chez C. Darwin (la sélection naturelle, la variation, C. Darwin et le social-darwinisme) ; mise en perspective : les différences entre transformisme et darwinisme ; A. D. Chandler et La main visible des managers (l’organisation traditionnelle de la production et de la distribution (1790 - 1840), la « révolution » dans les transports et la communication, la « révolution » dans la distribution et la production, l’intégration de la production de masse et de la distribution de masse, croissance et gestion de l’entreprise industrielle moderne, une perspective historique fondée sur les structures : la thèse de l’effondrement du marché autorégulateur de K. Polanyi ; R. Boudon et la place du désordre ; changement et communication : les apports de l’« Ecole de Palo Alto ». Introduction Dans sa Métaphysique, Aristote définit le changement par le mouvement en tant que combinaison des concepts de « puissance » (qui rend la chose possible) et d’« actes » (qui permettent de le réaliser. Partant de sa manière et de sa forme, le changement se situe au confluent de 4 causes : la cause matérielle, la cause formelle, la cause efficiente et la cause finale. Dans le monde qui change (le devenir), le changement peut se produire au gré des accidents mais aussi des conséquences de l’exercice de la liberté humaine. C’est la cause efficiente, extérieure à l’être en changement, qui explique que le changement opère ici et maintenant, là ou plus tard. C’est toujours la référence à une cause efficiente qui fonde l’horizon des philosophies du changement ou des sciences du mouvement. Examinons donc d’abord brièvement les deux postures de la biologie dans ce qu’elles ont à nous dire pour ce qui concerne le changement organisationnel, théories qui viennent fonder la légitimité d’une conception évolutionniste du modèle organisationnel du changement venant indiquer par là une intelligibilité des situations qui tienne compte des pressions de l’environnement comme de ses ressources propres. Rappelons toutefois qu’il existe au moins une différence majeure entre l’organisation et la nature : l’organisation est une construction humaine dont le naturalisme reste donc à prouver. Se référer implicitement ou explicitement à ce champ conduit à devoir assumer les conséquences de l’usage d’une conception organique – pour ne pas dire naturaliste - de l’organisation. Le transformisme lamarckien1 Jean-Baptiste de Monet de Lamarck (1744-1829) est souvent considéré comme le fondateur de la biologie. Il poursuivit à Paris des études médicales et sa rencontre fortuite et ses herborisations avec Jean-Jacques Rousseau le décidèrent, à vingt-quatre ans, à se consacrer à ses travaux botaniques. Il fut élu en 1779 à l’Académie des Sciences, à l’âge de trente-cinq ans, et devint botaniste du Roi en 1781. A cinquante ans, il devint professeur de zoologie au Muséum et fut le premier à formuler une théorie de l’évolution organique dans la Philosophie zoologique (1809). Comme plus tard C. Darwin, J.-B. Lamarck se pose la question de l’évolution des espèces. Il s’interroge également sur les lois qui régissent le fonctionnement des êtres vivants au quotidien et sur ce qui les différencie des objets inanimés. Il postule que la classification des êtres vivants est généalogique : des êtres les plus simples, apparus par génération spontanée, dérivent des êtres de plus en plus complexes jusqu’à, et y compris, l’homme. La biologie, qui désigne la science des êtres vivants, devient alors une science autonome qui affirme la différence entre vivants et objets inanimés en même temps que l’identité des lois physiques régissant les uns et les autres : les êtres vivants ont simplement une organisation particulière telle que le jeu de ces lois entraîne la vie en place de l’inertie. Ses conceptions sont à la base du transformisme. J.-B. Lamarck voit chez les invertébrés les plus simples, une petite masse gélatineuse qui est le siège de mouvements lents de fluides indifférenciés. Puis, au fur et à mesure qu’il remonte dans sa classification des êtres vivants, il voit apparaître des formes possédant une esquisse de cœur et de système circulatoire, où les mouvements de fluides sont un peu plus rapides. J.-B. Lamarck considère que les êtres vivants les plus simples apparaissent par génération spontanée. Ces êtres sont des petites masses gélatineuses avec quelques mouvements de fluides internes, provoqués par la chaleur. C’est leur simplicité d’organisation qui leur permet d’apparaître spontanément. A partir de ces êtres très simples, se forment des êtres un peu plus complexes, bénéficiant de l’organisation des premiers qui leur a été transmise. A partir d’eux s’en forment d’autres encore plus complexes, et ainsi de suite, jusqu’à ce que soient formés des êtres vivants aussi compliqués que l’être humain. Et cela sans faire appel à autre chose qu’aux lois de la physique. La Philosophie zoologique compte parmi les classiques de l’histoire des sciences puisqu’il représente l’acte de naissance du transformisme. Dans cet ouvrage fondateur, le temps fait son entrée dans l’étude des êtres vivants, et tout d’abord dans leur 1 J.-B. Larmarck, Philosophie zoologique, Garnier Flammarion, Paris, 1994 (Ed. originale : 1809) classification qui doit être généalogique : des êtres les plus simples, apparus par génération spontanée, dérivent des êtres de plus en plus complexes jusqu’à, et y compris, l’homme. Plus encore qu’un exposé sur le transformisme, cet ouvrage peut être également considéré comme un texte fondateur de la biologie. Non seulement J.-B. Lamarck invente ce terme de biologie pour désigner la science des êtres vivants, mais il définit celle-ci comme science autonome, affirmant la différence entre les êtres vivants et les objets inanimés en même temps que l’identité des lois physiques régissant les uns et les autres : les êtres vivants ont simplement une organisation particulière telle que le jeu de ces lois entraîne la vie à la place de l’inertie. C’est bien évidemment pour sa théorie de l’évolution ou du changement – le transformisme – que J.-B. Lamarck représente une source d’inspiration pour les catégories du changement organisationnel. La théorie de l’évolution chez C. Darwin2 Charles Darwin (1809-1882) était un naturaliste et biologiste anglais. Son œuvre principale, L’origine des espèces par voie de sélection naturelle (1859-1862) est le nœud d’un chassé-croisé entre sciences naturelles et sciences sociales. Alors qu’il s’inspire explicitement de Malthus pour construire une théorie biologique, sa conception de la sélection naturelle alimentera en retour des courants anthropologiques et sociologiques. Un autre de ses ouvrages, L’expression des émotions chez l’homme et les animaux (1874) est considéré comme le point de départ de l’éthologie. C. Darwin inspirera l’interactionnisme américain et certaines analyses marxistes. En revanche, le darwinisme social relève d’une autre conception de l’évolution, qui trouve plutôt sa source chez J.-B. Lamarck. Tout au long de ses recherches, C. Darwin s'interroge sur l'origine et l'évolution des espèces animales ainsi que sur les facteurs ayant une influence sur celles-ci, mais sans pourtant jamais parler de l'être humain. Cet ouvrage constitue une véritable révolution scientifique, certains commentateurs n’hésitant pas à le classer dans les ouvrages fondamentaux de notre époque. Jusqu’au milieu du XIX° siècle en effet, l’idée d’hérédité était une notion purement juridique : il s’agissait de la transmission des biens matériels au sein d’un lignage. C. Darwin transpose cette notion aux sciences naturelles et aboutit au principe de la contraignante domination des mécanismes héréditaires dans les phénomènes d'évolution des espèces. Réduite à l’essentiel, la théorie de l’évolution de C. Darwin est la suivante : en même temps que la rareté des ressources maintient un certain équilibre entre les espèces végétales et animales, des mutations se produisent dans chaque espèce qui donnent à l’une des variétés une probabilité plus forte de survie. Ce mouvement, lent et dû au hasard, est une sélection naturelle, des particularités géographiques pouvant d’ailleurs conduire à la formation de niches écologiques où se maintiennent des variétés de l’espèce, préservées de la sélection. Cette théorie n’est pas téléologique. Pour C. Darwin, l’évolution n’a pas de but. Telle espèce, aujourd’hui adaptée à son environnement, peut demain périr avec une transformation de celui-ci si une mutation préalable ne l’a pas dotée de qualités assurant sa survie dans le nouveau contexte. 2 C. Darwin, L’origine des espèces, Editions la Découverte, Paris, 1989 C. Darwin aborde l’étude de l’origine des espèces et observe les affinités mutuelles des êtres organisés, leurs rapports embryologiques, leur distribution géographique, leur succession géologique et d’autres faits analogues. Il en arrive à la conclusion que les espèces n’ont pas été créées indépendamment les unes des autres, mais que, comme les variétés, elles descendent d’autres espèces. Mais ce qui deviendra une source d’inspiration pour un certain nombre de théories en sciences de gestion, c’est l’explication de l’évolution des espèces en uploads/Philosophie/ x-14-auteursfondateurstheorieduchangementhalshs.pdf

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