LA DISTINCTION de Pierre BOURDIEU, Éditions de Minuit, 1979 On ne s’intéressera
LA DISTINCTION de Pierre BOURDIEU, Éditions de Minuit, 1979 On ne s’intéressera ici qu’à une minuscule partie de cette oeuvre épaisse : les trois pages 379, 380 et 381. Pierre Bourdieu y analyse deux comportements contrastés à l’égard de la culture, celui des autodidactes, petits-bourgeois, ou classes en ascension, par rapport à celui des diplômés de l’enseignement supérieur, bourgeois, aristocrates, ou classes établies. Chez les premiers l’acquisition laborieuse des savoirs et des connaissances, chez les seconds un milieu et une éducation propices, d’où des conduites dissemblables : " d’un côté, l’acquisition, l’accumulation, la thésaurisation, bref un appétit de possession inséparable d’une anxiété permanente concernant les propriétés… de l’autre, non seulement l’ostentation, la dépense et la générosité qui font partie des conditions de la reproduction du capital social mais aussi l’assurance… Comme si le principal privilège imparti aux détenteurs de naissance était d’ignorer l’insécurité qui hante les hommes de l’acquis. " Et, s’agissant de la culture, des attitudes différentes : " Les petits-bourgeois ne savent pas jouer comme un jeu le jeu de la culture : il prennent la culture trop au sérieux pour se permettre le bluff ou l’imposture ou, simplement, la distance et la désinvolture qui témoignent d’une véritable familiarité… Faisant de la culture une question de vie ou de mort, de vrai ou de faux, ils ne peuvent soupçonner l’assurance irresponsable, la désinvolture insolente, voire la malhonnêteté cachée que suppose la moindre page d’un essai inspiré sur la philosophie, l’art ou la littérature. " Malraux l’imposteur A l’appui de sa thèse, Bourdieu cite en exemple Malraux, ce qui nous vaut une page féroce : " Que l’on pense seulement… au Malraux des Voix du silence, qui enveloppe d’un bric-à-brac métaphysique à la Spengler une culture de bric et de broc, associant sans complexe les " intuitions " les plus contradictoires, les emprunts hâtifs à Schlosser ou Worringer, les platitudes rhétoriquement exaltées, les litanies purement incantatoires de noms exotiques et les aperçus que l’on dit brillants parce qu’ils ne sont même pas faux. En fait… rien ne sépare vraiment cette autre image réalisée de la culture petite- bourgeoise, le Palais Idéal du Facteur Cheval, féerie de feuilleton sortie des gravures de la Veillée des Chaumières… du pathos de pacotille de Malraux réunissant dans une même phrase " le sourire innombrable de la mer " et les cavaliers du Parthénon, la Kermesse de Rubens et la sculpture khmère, la peinture Song et la Danse de Çiva, le tympan roman et l’ " immortelle évidence d’Antigone ", tout cela sous le signe de la communauté avec le cosmos. Rien, sinon la hauteur des références et surtout l’arrogance, certitude d’avoir qui s’enracine dans la certitude d’avoir toujours eu, comme par un don immémorial, et qui est l’exact opposé de la naïveté, de l’innocence de l’humilité, du sérieux, par où se trahit l’illégitimité… " La description des symptômes de la maladie est impeccable, y compris dans l’analogie avec le Facteur Cheval, mais le diagnostic, qui est l’essentiel de la thèse de Bourdieu, est erroné : Malraux n’était en rien un " héritier " ou un " bourgeois ". Il était un parfait autodidacte ayant quitté l’ " école primaire supérieure " à l’âge de seize ans. Son génie était justement là : réussir à faire croire qu’il était familier des Song et de la peinture flamande, qu‘il avait une formation approfondie dans le domaine des beaux-arts, jusqu’au mensonge de prétendre avoir suivi les cours de l’école du Louvre. Mais chaque fois qu’un spécialiste besogneux, tel Georges Duthuit ou Ernst Gombrich, s’est intéressé aux écrits sur l’art de Malraux il n’a trouvé qu’ " erreurs, omissions, négligences, contradictions, confusions… ", prouvant à quel point sa culture artistique était superficielle. Sans aller jusqu’à croire Louise de Vilmorin qui aurait dit : " Personne n’a aussi mauvais goût que lui " (Todd, p. 523), Malraux n’a par ailleurs jamais fait montre de beaucoup de perspicacité pour les artistes de son temps. Pour lui par exemple " la grande révélation de l’après-guerre [de 14] " était le peintre Galanis. Et pour l’après deuxième guerre mondiale et sa position de ministre, comme l’écrit Élisabeth Lebovici (Libération, 24 novembre 2001), il est " passé quand même à côté de toute la modernité picturale, de l’expressionnisme abstrait américain à Joseph Beuys, du pop’art au nouveau réalisme, via les démarches conceptuelles ou Support/Surface en France ". En fait, son vrai génie est dans l’imposture de s’être fait passer, lui authentique petit- bourgeois, pour un aristocrate de l’esprit, y compris auprès d’une intelligence aussi pénétrante que celle de Pierre Bourdieu. (© jacques haussy - novembre 2001) Le constructivisme structuraliste de Pierre Bourdieu Pierre Bourdieu est né en 1930. de formation philosophique, il est aujourd'hui titulaure de la chaire de sociologie du Collège de France. Il a notamment su combiner trois des "pères fondateurs" de la sociologie, que l'on a traditionnelement opposés avant lui : Karl Marx, Emile Durkheim et Max Weber. Si Pierre Bourdieu est particulièrement connu pour les travaux déjà relativement anciens qu'il a réalisés avec Jean-Claude Passeron sur les mécanismes scolaires de reproduction sociale - Les Héritiers et La Reproduction -, il a développé par ailleurs un oeuvre multiforme sur de nombreux terrains, en veillant à ce que l'élaboration théorique ne soit jamais totalement détachée du travail d'nequête. Ainsi, ses recherches ne se sont pas cantonnée à l'analyse de la reproduction des structures sociales - qui n'a d'ailleurs jamais été comprise par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron comme une reproduction à l'identique - mais beaucoup d'autres aspects ont été intégrés à des réflexions. C'est le cas, par exmple, dans un ouvrage collectif qu'il a dirigé. La Misère du monde, centré sur la façon dont des formes sociales de souffrance travaillebt la subjectivité des individus. Ce qu'il a appelé "constructivisme structuraliste" synthétise bien l'originalité de sa démarche, particulièrement en ce qui concerne les travaux qui ont été publiés depuis la fin des années 1970. 1-. Un constructivisme structuraliste Pierre Bourdieu définit le "constructivisme structuraliste" à la jonction de l'objectif et du subjectif : "Par structuralisme ou structuraliste, je veux dire qu'il existe, dans le monde social lui-même, [...] des structures objectifs indépendantes de la conscience et de la volonté des agents, qui sont capables d'orienter ou de contraindre leurs pratiques ou leurs représentations. Par constructivisme, je veux dire qu'il y a une génèse sociale d'une part des schèmes de perception, de pensée et d'action qui sont constitutifs de ce que j'appelle habitus, et d'autre part des structures sociales, et en particulier de ce que j'appelle des champs 1." Dans cette double dimension, objective et construite, de la réalité sociale, une certaine primauté continue toutefois a être accordée aux structures objectives. C'est ce qui conduit Pierre Bourdieu à distinguer deux moments dans l'investigation, un premier moment objectiviste et un deuxième moment subjectiviste : "d'un côté, les structures objectives que construit le sociologue dans le moment objectiviste, en écartant les représentations subjectives des agents, sont le fondement des représentations subjectives et elles constituent les contraintes structures qui pèsent sur les interactions ; mais d'un autre côté, ces représentions doivent aussi être retenues sur l'on veut rendre compte notamment des luttes quotidiennes, individuelles et collectives, qui visent à transformer ou à conserver ces strucutures". Cette priorité chornologique et théorique donnée à la dimension objective de la réalité sociale puise une part de ses racines dans une réflexion épistémologique, exprimée par Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron en 1968 dans Le métier de sociologue 2 et réitérée depuis Pierre Bourdieu. On trouve au coeur de cette orientation la notion de "rupture épistémologique", rupture entre la connaissance scientifique des sociologues et "la sociologie spontanée" des acteurs sociaux ; ce qui rapproche les sciences sociales des sciences de la nature. Elle trouve une de ses sources dans l'impératif sociologique de rupture avec "les prénotions" des acteurs avancé par Durkheim dans Les règles de la méthode sociologique. Toutefois, malgré la réaffirmation de ce principe , la démarche de Pierre Bourdieu - ne serait-ce que par le deuxième moment subjectiviste - apparaît, souvent, dans le détail des analyses, plus complexe qu'une simple dichotomie entre connaissance savante et connaissante ordinaire. 2-. Deux notions clés : habitus et champ Selon Pierre Bourdieu, "le principe de l'action historique, celle de l'artiste, du savant ou du gouvernant comme celle de l'ouvrier ou du petit fonctionnaire, n'est pas un sujet qui s'affronterait à la société comme à un objet constitué dans l'extériorité. Il ne réside ni dans la conscience ni dans les choses mais dans la relation entre deux états du social, c'est-à-dire l'hitoire objectivée dans les choses, sous forme d'intitutions, et l'hitoire incarnée dans les corps, sous la forme de ce sytème de dispositions durables que j'appelle habitus 3". c'est don la rencontre de l'habitus et du champ , de "l'histoire faite corps" et de "l'histoire faite chose" qui apparaït comme le mécanisme principal de production du monde social. Pierre Bourdieu a spécifié ici, en cherchant à le rendre opératoire pour des travaux empiriques, le double mouvement constructiviste d'intériorisation de l'extérieur et uploads/Philosophie/ la-distinction-de-pierre-bourdieu.pdf
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- Publié le Jul 15, 2021
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