Dissertation : la liberté d’informer doit-elle connaître des limites ? Le livre

Dissertation : la liberté d’informer doit-elle connaître des limites ? Le livre « Le grand secret », écrit par le médecin personnel du président François Mitterrand, est interdit en France après sa publication. Or le Président avait pris l’engagement de publier des bulletins de santé réguliers dès le début de son 1er septennat. Cette décision de justice pose des limites à la liberté d’informer, en se référant aux libertés individuelles (droit au secret médical), mais reste problématique car il s’agit d’un personnage public, et au regard des engagements pris par ce dernier. La liberté d’informer renvoie au rôle dévolu aux médias (presse, radio, télévision, Internet) dans une société, au degré de liberté qui leur est accordé et au rôle de la censure. L’information demande des commentaires, une analyse pour être décodée. Une information n’est donc pratiquement jamais neutre, elle est toujours l’expression d’une opinion. La liberté d’informer dépend donc étroitement de la liberté d’expression dévolue aux individus. Doit-il y avoir des limites à la liberté d’informer ? Si oui, sous quelle forme (explicite ou implicite, censure externe ou autocensure) ? Limiter la liberté d’informer n’implique-t-il pas une soumission au pouvoir politique ? Les limites doivent –elles être les mêmes pour un personnage public ou un citoyen ordinaire ? Le principe de la liberté d’informer n’est pas compatible à priori avec l’existence de limites instituées(I). Mais des limites semblent néanmoins nécessaires pour éviter les dérives possibles(II). (I)Le principe de la liberté d’informer n’est pas compatible à priori avec l’existence de limites instituées. 1) La lutte contre la censure et pour le pluralisme politique ont accompagné l’émergence de la démocratie moderne Le développement de la presse de masse au XIXe siècle est contemporain de l’évolution démocratique (évolution vers le suffrage universel, émergence des partis politiques). La démocratie est un régime politique qui se caractérise par le pluralisme des idées et leur alternance possible, l’opposition étant aussi importante que la majorité pour son bon fonctionnement. La lutte contre la censure a également permis l’émergence de partis politiques modernes, y compris ceux défendant les intérêts des travailleurs (interdits au départ). Dans les régimes autoritaires ou les dictatures, la liberté d’informer ainsi que la liberté d’expression sont étroitement contrôlées par le gouvernement. Cette censure se traduit par des pressions exercées sur les journalistes de presse ou de télévision (sur leurs carrières par exemple), par la reprise en main des chaînes de télévision par le pouvoir (le contenu des informations est ainsi soigneusement filtré), ou par des moyens plus coercitifs. Les journalistes sont ainsi les premières victimes de la violence étatique (emprisonnements, attentats, voire élimination physique). En Russie, la journaliste Anna Politkovskaïa, qui dénonçait les agissements de la Russie en Tchétchénie ainsi que la politique de Vladimir Poutine, a été assassinée en 2006. La censure se traduit également par le contrôle de l’accès à Internet pour les citoyens de base. Les régimes autoritaires utilisent les moyens suivants : blocage de certaines pages, liste-noires de mots- clés (ex : « démocratie », « droits de l’homme ») qui déclenchent des alertes quand ils sont utilisés par des internautes. En chine, le gouvernement prévient l’accès par des internautes chinois aux informations circulant sur Internet en utilisant des pare-feux (ceux-ci permettent de filtrer l’accès aux sites indésirables et de voir ce qui circule sur le réseau). Il a également obtenu des moteurs de recherche qu’ils fournissent une version adaptée pour les internautes chinois : Yahoo et Google filtrent ainsi d’eux- mêmes le contenu de ce qui est renvoyé aux visiteurs de leur portail chinois. Postuler des limites à la liberté d’informer semble donc l’apanage des régimes autoritaires et dictatoriaux, et met en péril la liberté d’expression, une des valeurs fondamentales des régimes démocratiques. 2) Nécessité de contre-pouvoirs efficaces dans une démocratie La presse, et les médias plus généralement, jouent le rôle de contre-pouvoirs efficaces au pouvoir politique, et à la justice. Ils permettent ainsi un contrôle citoyen sur les décisions prises par les élus, et sur le fonctionnement de la justice. Tout d’abord en dénonçant les scandales politiques. L’affaire du Watergate aux Etats-Unis en est un exemple emblématique. Des journalistes d’investigation du Washington Post ont dénoncé les écoutes illégales réalisées par le parti républicain au siège du parti démocrate situé à l’intérieur de l'immeuble du Watergate, entraînant ainsi la démission du Président Richard Nixon impliqué dans le scandale. En France, c’est la presse qui a permis de médiatiser l’affaire du sang contaminé. Le drame du sang contaminé s'est transformé en « scandale » en avril 1991, lorsque la journaliste Anne-Marie Casteret publie dans l'hebdomadaire L'Évènement du Jeudi un article prouvant que le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) a sciemment distribué, de 1984 à 1985 à la fin de l'année, des produits sanguins, dont certains contaminés par le virus du sida à des hémophiles. La presse peut également dénoncer les dysfonctionnements de la justice : en France, c’est grâce au journal L'Aurore que l’écrivain Emile Zola a pu lancer son fameux « j’accuse » dans l’affaire Dreyfus, pour protester contre la déportation du capitaine Dreyfus, injustement condamné selon lui. Les preuves étayant le dossier d’accusation étaient en effet peu consistantes, voire fabriquées de toutes pièces. 3) L’existence de limites à la liberté d’informer peut avoir des effets pervers Les limites à la liberté d’informer ne sont pas forcément des limites explicites (censure instituée par le pouvoir) : il peut s’agit d’une auto-censure des médias traduisant une soumission au pouvoir, ou une forme de conformisme social. L’auto-censure consiste dans le traitement préférentiel de certains sujets (ex : traitement des crises humanitaires par la télévision) alors qu’on en occulte d’autres, ou dans la manière de traiter un sujet (en passant sous silence ou en minimisant les responsabilités du pouvoir). Il peut même s’agir d’une véritable collusion entre la presse et le pouvoir politique et économique. C’est le cas en Italie par exemple, avec le cas de Berlusconi. Celui-ci est à la fois le chef du gouvernement italien (jusqu’en 2006), le leader du parti Forza Italia, le PDG d’un groupe de télévisions comprenant 3 chaînes nationales de télévisions commerciales (90% de l’audience des chaînes italiennes) et une grande maison d’édition et de presse. La concentration croissante qui caractérise le secteur des médias (constitution de grands groupes dans le secteur de la communication, comme le groupe Hachette en France) peut avoir des effets pervers sur l’indépendance de la presse, et mettre en danger la liberté d’informer. Les enjeux économiques et financiers peuvent également limiter la liberté des médias : impossibilité pour un média de critiquer un annonceur publicitaire important par exemple. Postuler des limites à priori à la liberté d’informer paraît contradictoire avec le principe même de liberté. Mais comme pour toute liberté, la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres, d’où la nécessité d’instituer des limites à la liberté d’informer pour garantir le respect des libertés individuelles. II Des limites semblent néanmoins nécessaires pour éviter les dérives possibles de la liberté d’informer 1) Les dérives des médias On accuse tout d’abord les médias de franchir les limites de la libre expression en portant à leur comble la dérision ou la satire, ou en portant atteinte à la vie privée des personnes : d’où la multiplication des procès en diffamation ou pour violation de la vie privée. C’est ainsi que des émissions satiriques ont été mises en cause, notamment par le président François Mitterrand, lors du suicide de Pierre Bérégovoy en 1993. Il a dénoncé « ceux qui ont pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme ». Les risques d’abus de leur pouvoir par les médias sont également nombreux. Le plus évident est celui de la manipulation de l’opinion publique, soit directement (campagne de presse), soit indirectement (publication de sondages pouvant influencer le comportement électoral des citoyens). La question se pose de définir le délai incompressible à respecter pour la publication de sondages avant une élection (ce délai est actuellement fixé par la loi : interdiction des sondages la veille d’un tour de scrutin). ??? A CONFIRMER On peut également se demander s’il faut laisser des groupes extrémistes, porteurs de valeurs contraires à la démocratie ou prônant la haine raciale, s’exprimer librement dans les médias : faut-il autoriser les sites nazis par exemple, ou des sites islamophobes comme SOS racaille ? L’Affaire Redecker (un professeur de philosophie de Toulouse est menacé de mort par des groupuscules islamistes mal identifiés pour avoir écrit dans le figaro un article très critique envers l’islam, son prophète et ses croyants), de même que celle des caricatures de Mahomet au Danemark (reproduites en France par le journal Charlie Hebdo) pose également le problème des limites de la liberté d’expression. Pour certaines autorités religieuses (catholiques aussi bien que musulmanes), la liberté d’expression doit avoir comme limite le respect des croyances de chacun : choquer les individus en attaquant leurs opinions religieuses constituerait alors une dérive de la liberté d’expression. Mais on peut trouver cet argument spécieux. Si la liberté d’expression impose de ne choquer personne, il ne s’agit plus alors de défendre une liberté, mais d’encadrer uploads/Philosophie/ la-liberte-d-x27-informer-doit-elle-connaitre-des-limites.pdf

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