Document élaboré par Nathalie LECOCQ sous licence Creative Commons 1 La percept
Document élaboré par Nathalie LECOCQ sous licence Creative Commons 1 La perception du temps Nathalie Lecocq, diplômée du CNY Paris, juillet 2014 "Le temps est le seul bien que nous ayons dans cette vie ; et je crois que la vie pourrait être plus riche et avoir davantage de signification si chacun en savait plus sur le temps et sur la manière dont il l’affecte personnellement." Edward T. Hall "La danse de la vie" Le train est complet aujourd’hui mais il reste de la place dans celui d’hier ! Cette phrase surréaliste entendue au guichet des réservations de la gare en Inde s’explique parce qu’en hindi le mot « kal » peut se traduire par hier ou demain. En sanskrit « kal » signifie « temps ». Une société qui utilise le même mot pour hier ou demain a bien évidemment un rapport au temps différent du nôtre. Les Hindous semblent aussi dotés d'une patience infinie quand on les voit attendre des heures dans les gares, des trains en retard sans manifester le moindre énervement. En Afrique, le temps non plus n’est pas vécu de la même façon, n’a-t-on jamais souri à ces hommes qui attendent des jours au bord d’une route qu’une personne passe pour dépanner leur véhicule ? Et que dire du proverbe Africain à l’adresse des Européens « vous avez la montre, nous avons le temps » ? Il est tout à fait anachronique de souhaiter son anniversaire à un Africain. En Europe même, si l’on réfléchit un peu sur les conjugaisons des verbes dans les différentes langues européennes, ne serait-ce qu’entre le français et l’anglais, nous percevons des nuances sur la façon de penser le passé, le présent et le futur. Etymologiquement, le mot « temps » provient du latin tempus, lui-même dérivé du grec temnein, couper, qui fait référence à une division du flot du temps en éléments finis. Il est à noter que temple (templum) dérive aussi de cette racine, le templum est la division de l’espace du ciel ou du sol en secteurs par les augures. Dans la tradition juive, l’avenir est orienté, le temps a un sens, dirigé vers la venue du messie à la fin des temps. Cette vision linéaire va prendre encore plus d’ampleur dans la tradition chrétienne. L’incarnation du Christ est un événement majeur qui oriente le cours de l’histoire et du temps. Notre calendrier en est d’ailleurs fortement marqué puisque l’on repère les dates avant et après Jésus-Christ. L’idée d’un temps linéaire va fonder l’idée de progrès. Dans un temps linéaire, le futur peut être différent du passé. On peut même agir dans le présent pour changer le futur, on peut l’améliorer, et donc les souffrances d’aujourd’hui prennent du sens parce qu’elles servent à l’avènement d’un futur meilleur que le présent que nous connaissons. Dans la société occidentale actuelle, on considère un déroulement linéaire du temps, du passé vers le futur, porté vers une forme de progrès, d’accumulations de biens et de connaissances. Au lieu d’être imprégnée par une signification, la vie est perçue comme un ordre mécanique de successions. Selon d’autres conceptions du monde, il existe des affinités entre l’homme et le monde extérieur, entre microcosme et macrocosme. On interroge les augures, les astrologues, pour savoir si les actions des Hommes seront en harmonie avec l’univers. Rien n’est séparé de rien, tout est relié. Document élaboré par Nathalie LECOCQ sous licence Creative Commons 2 La représentation du temps dans notre société est telle que le passé est derrière nous, l’avenir devant. Il existe pourtant d’autres représentations faisant référence à d’autres conceptions du temps : le passé est devant car on le connaît, l’avenir est derrière car on ne peut le voir. Dans les Principia, le physicien Newton dit que le temps peut être représenté par une variable mathématique à une seule dimension. Toutefois, une courbe à une dimension peut être fermée ou ouverte. Si elle est fermée sur elle-même, on peut toujours la ramener à un cercle. Si la courbe ne se referme pas sur elle-même, on tire dessus et cela fait une droite. Un mouvement en spirale est donc un mouvement linéaire. Donc à partir du moment où l’on dit que le temps n’a qu’une dimension, il peut être défini de façon cyclique ou de façon linéaire. L’expression « en remontant le temps » sous-tend une conception linéaire du temps. L’expression « la roue tourne » encore usitée actuellement lorsque l’on veut dire que la chance ne sourira pas toujours à une personne, sous-tend une conception du temps cyclique. Chaque civilisation choisit entre ces deux grandes options, avec éventuellement des solutions intermédiaires. Pour l’anthropologue Edward T. Hall, le temps qui organise la vie sociale des humains est foncièrement culturel. L'erreur la plus grave, concernant le temps, serait de le considérer comme une réalité simple. Loin d'être une constante immuable, comme le supposait Newton, le temps est un agrégat de concepts, de phénomènes et de rythmes recouvrant une très large réalité. Quand nous faisons des choses très différentes (comme écrire, jouer, organiser des activités, voyager, avoir faim, dormir, rêver, réfléchir, célébrer des cérémonies), nous exprimons, différentes catégories de temps. Et il y a les rythmes biologiques qui parfois se dérèglent quand on voyage en avion. Edward T. Hall considère 9 temps : biologique, individuel, physique, métaphysique, micro-temps, synchronie, sacré, profane, et le méta-temps ou temps des philosophes. J’y ajouterai un 10ème temps, le temps présent. Il existe dans ces catégories des temps dont les Occidentaux ne sont que partiellement conscients ! Figure 1 : Les temps de Edward T. Hall Document élaboré par Nathalie LECOCQ sous licence Creative Commons 3 1) Temps biologiques Ce sont les temps ayant pour « métronome » les rythmes naturels et les cycles propres à l’environnement des organismes vivants. Avant que la vie n'apparaisse sur la terre - il y a entre deux et quatre milliards d'années -, l'alternance du jour et de la nuit due à la rotation de notre minuscule planète autour du soleil, fut l'un des nombreux cycles constitutifs de l'environnement dans lequel la vie se développa. Les flux et reflux des marées, l'alternance des saisons en fonction de l'orbite que décrit la terre autour du soleil furent à l'origine de l'apparition d'autres séries de cycles alors que la vie commençait. Les cycles de formation des taches solaires, la dilatation et la compression de l'atmosphère primitive, pareilles à la respiration d'un énorme animal endormi, constituèrent autant de changements de rythmes de l'environnement auxquels les premières formes de vie s'adaptèrent, et qu'elles finirent aussi par intérioriser. Aucune forme de vie ne peut évoluer dans un monde atemporel et sans rythmes. Au contraire, ces rythmes d'alternance du jour et de la nuit, de la chaleur et du froid, de l'humidité et de la sécheresse marquèrent les premières formes de vie de propriétés primordiales qui constituèrent la base de développement des formes de vie ultérieures. Les animaux, sans montre, ont aussi une organisation du temps bien réglée. Les moineaux ne mangent pas à n’importe quelle heure ! Les rythmes de l’homme et ceux de la nature sont intimement liés. Nous avons tous pu constater le lien existant entre le temps qu’il fait (grand soleil, brume, etc …) et notre moral. Il s’agit de trouver un équilibre harmonieux entre ces deux rythmes. Des hommes et des femmes ont fait des expériences d’isolement sensoriel dans un caisson ou une caverne, soit pour des raisons scientifiques, soit pour des raisons mystiques dans certaines traditions. Et ces expériences ne laissent pas indifférents, poussées à l’extrême, elles créent des déséquilibres menant certains au suicide. L’homme a une période propre appelée rythme circadien d’environ 25 heures ; laquelle ne correspond pas exactement à la période de la rotation terrestre. Il lui est donc nécessaire de se resynchroniser en permanence. Le signal qui permet ce réglage de nos horloges biologiques vient de la lumière. Des études récentes expliquent que la désynchronisation des rythmes biologiques favorise les maladies cardiaques, l’hypertension artérielle, l’obésité, le diabète, la dépression saisonnière, et même le risque de cancer. Le lien entre cancer et désynchronisation des rythmes biologiques est désormais bien connu, au point que l’OMS ait reconnu en 2007 le travail de nuit comme potentiellement cancérigène. Il est reconnu que la lumière artificielle en provenance des écrans des téléviseurs, des ordinateurs et celle plus particulièrement bleutée émises par les tablettes et objets connectés perturbe la mélatonine, une hormone importante dans la régulation des rythmes circadiens. Si les cadrans solaires étaient directement liés au cycle de la nature, on s’en est éloigné avec les horloges et montres à aiguilles. Et que dire des horloges à quartz à affichage digital ? Le temps devient un temps neutre, uniforme, une succession d’unités. Nos grands-parents vivaient au rythme des saisons, nous vivons au rythme de notre montre. Les rythmes s’accélèrent. L’humanité arrivera-elle à suivre ? De plus, nous assistons à une désynchronisation de notre société par rapport aux rythmes naturels. La vie en ville, loin de la nature, favorise cet état de fait. Les possibilités offertes par l’électrification nous uploads/Philosophie/ la-perception-du-temps-nathalie-lecocq.pdf
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- Publié le Nov 04, 2021
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