Avant-propos Cet ouvrage collectif propose une histoire de la philosophie conçu
Avant-propos Cet ouvrage collectif propose une histoire de la philosophie conçue selon la perspective des œuvres majeures qui en firent – et en font encore – sa grandeur. Ni anthologie de textes, ni présentation d’un penseur en général, le présent volume ambitionne de restituer la richesse d’ouvrages marquants de la philosophie à travers 60 notices rédigées par des connaisseurs et spécialistes reconnus de chacune des œuvres abordées. 1. L’esprit du volume Les notices qui composent l’ouvrage assument une double fonction de présentation du contenu des grands livres de l’histoire de la philosophie, et d’analyse de celui-ci. Par cette seconde fonction, elles se révèlent irréductibles à des fiches de lecture reproduisant de manière linéaire l’ordre d’un livre, bien qu’elles le restituent fidèlement. Au-delà de la description du contenu des ouvrages traités, il est en effet apparu nécessaire de prêter une attention particulière à la définition des concepts rencontrés en chacun d’entre eux, mais aussi à l’argumentation justifiant l’usage de ces derniers. Choisir d’insister sur les concepts et les arguments revient à prendre les œuvres au sérieux, à les traiter comme des structures rationnelles au sein desquelles la raison d’être des thèses principales pourrait être comprise par tout être s’élevant à la raison, et à congédier l’impression de gratuité ou d’artificialité qui peut parfois étreindre le lecteur face à la succession de thèses que restituent certains résumés ; c’est aussi refuser de voir dans les œuvres des constructions artificielles réductibles à des « dispositifs » dont la prétention à la vérité se révélerait bien vaine. C’est pourquoi il nous a paru décisif, pour rédiger les notices, de faire appel à des connaisseurs intimes des œuvres présentées afin que chacun d’entre eux puisse faire droit – grâce à sa longue fréquentation du texte – à la subtilité et à l’argumentation des ouvrages analysés. Dès lors, l’explication et l’explicitation des œuvres se révèlent indissociables d’une certaine interprétation que revendique pleinement ce volume. Au sens propre, ce sont bien des lectures qui sont ici esquissées plus que des comptes-rendus ou de simples fiches qui viseraient à présenter de manière neutre et anonyme chacun des textes réduits à l’énumération de propositions. Par là s’établit une étonnante dialectique à travers laquelle chaque contributeur fait, d’une part, entendre sa voix et sa tonalité propres, sa manière singulière de philosopher sur un texte, tout en convergeant d’autre part vers l’exigence générale d’expliquer et de clarifier les concepts et les arguments des œuvres abordées. 2. Choix des notices et organisation de l’ouvrage Le choix des œuvres traitées fut, pour l’essentiel, laissé à la discrétion des auteurs qui étaient les mieux placés pour déterminer quel texte était le plus à même d’exprimer la pensée d’un philosophe. Naturellement, un tel choix s’est trouvé contraint par le nombre global de notices – 60 – de sorte qu’il fallut parfois éliminer certaines œuvres qui auraient pleinement mérité de figurer parmi les textes marquants de l’histoire de la philosophie, ainsi que certains auteurs pourtant importants comme Guillaume d’Ockham, Pic de la Mirandole, Montaigne, Schelling Proudhon, Russell, Popper, ou Rawls. À cet égard, le choix final indique moins une hiérarchie objective de l’importance des titres retenus qu’une sélection drastique parmi peut-être deux à trois cents œuvres essentielles, à laquelle il fallut se résoudre. Néanmoins, pour pallier l’absence de certaines œuvres traitées dans leur singularité tout comme celle d’auteurs non retenus lors de la sélection, nous avons souhaité que fussent rédigés des « panoramas » consacrés à des courants ou à des périodes spécifiques de l’histoire de la philosophie. Qu’il s’agisse ainsi des Présocratiques, de la philosophie islamique, de la pensée libérale ou encore du « nouveau réalisme », nous avons estimé que s’il était difficile de consacrer une notice entière à plusieurs œuvres de chacun de ces courants, il était en revanche indispensable d’en proposer une présentation générale. L’exceptionnelle densité de la pensée présocratique nous a même conduits à accueillir deux perspectives différentes qui lui étaient consacrées ; l’une insiste avec justesse sur ce qui les relie, tandis que l’autre approfondit peut-être davantage la singularité de chacun mais les deux approches nous ont semblé bien plus complémentaires que redondantes. Le choix a également été fait de ne pas réduire le monde médiéval à la seule pensée de Thomas d’Aquin tout comme il a été décidé de ne pas ramener la Renaissance à la seule œuvre du Prince de Machiavel. C’est pourquoi nous avons fait droit à un panorama consacré à la philosophie islamique, ainsi qu’à des notices consacrées à la Docte ignorance de Nicolas de Cues ou à la Théologie platonicienne de Ficin dont l’œuvre demeure trop méconnue en France. Par ce biais, nous espérons que les périodes médiévale et renaissante n’apparaîtront pas comme les parents pauvres de l’histoire de la philosophie et formulons le vœu que ces notices donneront aux lecteurs le désir d’en savoir plus sur ces grandes œuvres parfois sous-estimées. Enfin, la phénoménologie formant un ensemble relativement cohérent, nous avons souhaité la mettre à part et l’isoler de la philosophie contemporaine tout en proposant une introduction générale ; cela permet d’embrasser d’un coup d’œil les textes majeurs de ce courant mais aussi de s’initier progressivement à la démarche autant qu’à la méthode phénoménologique, depuis les pères fondateurs jusqu’à ses ultimes développements. En outre, bien que le texte retenu de Husserl – les Méditations cartésiennes – soit postérieur à Être et Temps de Heidegger, nous avons souhaité accorder la primauté à Husserl pour d’évidentes raisons et le faire figurer avant Heidegger. 3. Public Ce volume s’adresse à une gamme étendue de lecteurs, depuis l’élève de Terminale souhaitant approfondir ses cours de philosophie jusqu’à l’honnête homme désirant disposer d’un panorama des œuvres fondatrices, en passant par les étudiants, qu’ils soient en classes préparatoires ou à l’université. Le caractère historique de la présentation des œuvres séduira plus particulièrement les étudiants de Sciences-Po ou d’HEC cherchant à peaufiner leur culture générale, tandis que le soin accordé aux concepts et à l’argumentation retiendra peut-être davantage l’attention de l’étudiant en licence de philosophie ou en classes préparatoires littéraires. En outre, ce volume peut également intéresser le professeur d’autres disciplines qui, ayant besoin de notions philosophiques, pourra rapidement retrouver la logique d’un argument ou le sens d’un concept. La plupart des notices indiquent par une bibliographie succincte les différentes éditions du texte, précisent la plupart du temps – lorsque cela a du sens – quelle est l’édition de référence, et proposent une série de commentaires classiques qui, avec le temps, sont devenus les compléments indispensables de l’œuvre. Enfin, nous souhaitons chaleureusement remercier tous les contributeurs de ce volume qui ont accordé leur confiance à cette entreprise et qui nous honorent par la qualité de leur notice dont nous espérons qu’elles rencontreront le large public qu’elles méritent. Première partie Philosophie antique 1 Panorama 1 : Deux perspectives sur les présocratiques I. Première perspective sur les présocratiques Entre le milieu du VIIe et le IVe siècle av. J.-C., en diverses cités grecques, de l’actuelle Turquie jusqu’à l’actuelle Sicile, des savants ont développé une nouvelle forme de discours sur le monde et sur l’homme que l’on considère comme l’origine de la philosophie et de la science en Occident. Leurs œuvres, en vers ou en prose, ne nous sont parvenues qu’indirectement, sous l’état de fragments éparpillés au sein des œuvres d’auteurs postérieurs. Les noms de Thalès, Pythagore, Parménide, Héraclite, Empédocle ou Démocrite ont traversé les siècles, mais les présocratiques n’ont commencé à être identifiés comme tels et redécouverts dans leur richesse et leurs spécificités qu’à partir de la fin du XIXe siècle. On ne peut que demeurer dans l’incertaine et difficile interprétation de ce continent de pensée englouti. 1. Qu’appelle-t-on « la philosophie présocratique » ? L’expression n’est guère satisfaisante car la diversité de leurs pensées y est ramenée à une unité qui n’a rien d’évident. D’autre part, ceux que l’on nomme « les philosophes présocratiques » ne sont devenus « philosophes » et « présocratiques » que fort longtemps après leur disparition. • Une catégorie historiographique À l’exception de Pythagore, semble-t-il, à qui l’on attribue la création du mot, ils ne se désignèrent pas eux-mêmes comme des « philosophes ». Quant au terme « présocratique », il est porteur de divers sens qui, par ailleurs, ne s’excluent pas. Il donne une indication chronologique (antérieur à Socrate), mais cette indication ne doit pas faire oublier que certains ont été contemporains et même postérieurs à Socrate – Démocrite, par exemple, était plus jeune et lui a survécu presque trente ans. Le terme donne également une indication doctrinale, en laissant entendre que leurs conceptions et leurs méthodes différaient de façon notable de celles de Socrate et des « socratiques » à sa suite, que l’on nomme simplement « philosophes ». Dans tous les cas, il est clair que cette dénomination confirme Socrate comme point de repère et fondateur de la philosophie occidentale : il y a un avant et un après Socrate. Mais Nietzsche, par exemple, préférait désigner ces penseurs par le terme de « préplatoniciens », faisant de la philosophie de Platon le véritable tournant uploads/Philosophie/ la-philosophie-en-60-livres-thibaut-gress.pdf
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- Publié le Jan 10, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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