1970-06-05 RADIOPHONIE In Scilicet 2/3, Paris, Seuil, 1970, pp. 55-99. (55)QUES

1970-06-05 RADIOPHONIE In Scilicet 2/3, Paris, Seuil, 1970, pp. 55-99. (55)QUESTION I : Dans les Écrits, vous affirmez que Freud anticipe, sans s’en rendre compte, les recherches de Saussure et celles du Cercle de Prague. Pouvez-vous vous expliquer sur ce point ? RÉPONSE1 : Votre question me surprend d’emporter une pertinence qui tranche sur les prétentions à « l’entretien » que j’ai à écarter. C’est même une pertinence redoublée, – à deux degrés plutôt. Vous me prouvez avoir lu mes Écrits, ce qu’apparemment on ne tient pas pour nécessaire à obtenir de m’entendre. Vous y choisissez une remarque qui implique l’existence d’un autre mode d’information que la médiation de masse : que Freud anticipe Saussure, n’implique pas qu’un bruit en ait fait prendre conscience à l’un non plus qu’à l’autre. De sorte qu’à me citer (vous), j’ai répondu déjà à votre citation avant de m’en rendre compte : c’est ce que j’appelle me surprendre. Partons du terme d’arrivée. Saussure et le Cercle de Prague produisent une linguistique qui n’a rien de commun avec ce qui avant s’est couvert de ce nom, retrouvât-elle ses clefs entre les mains des stoïciens, – mais qu’en faisaient-ils ? La linguistique, avec Saussure et le Cercle de Prague, s’institue d’une coupure qui est la barre posée entre le signifiant et le signifié, pour qu’y prévale la différence dont le signifiant se constitue absolument, mais aussi bien effectivement s’ordonne d’une autonomie qui n’a rien à envier aux effets de cristal : pour le système du phonème par exemple qui en est le premier succès de découverte. On pense étendre ce succès à tout le réseau du symbolique en (56)n’admettant de sens qu’à ce que le réseau en réponde, et de l’incidence d’un effet, oui, – d’un contenu, non. C’est la gageure qui se soutient de la coupure inaugurale. Le signifié sera ou ne sera pas scientifiquement pensable, selon que tiendra ou non un champ de signifiant qui, de son matériel même, se distingue d’aucun champ physique par la science obtenu. Ceci implique une exclusion métaphysique, à prendre comme fait de désêtre. Aucune signification ne sera désormais tenue pour aller de soi : qu’il fasse clair quand il fait jour par exemple, où les stoïciens nous ont devancé, mais j’ai déjà interrogé : à quelle fin ? Dussé-je aller à brusquer certaines reprises du mot, je dirai sémiotique toute discipline qui part du signe pris pour objet, mais pour marquer que c’est là ce qui faisait obstacle à la saisie comme telle du signifiant. Le signe suppose le quelqu’un à qui il fait signe de quelque chose. C’est le quelqu’un dont l’ombre occultait l’entrée dans la linguistique. Appelez ce quelqu’un comme vous voudrez, ce sera toujours une sottise. Le signe suffit à ce que ce quelqu’un se fasse du langage appropriation, comme d’un simple outil ; de l’abstraction voilà le langage support, comme de la discussion moyen, avec tous les progrès de la pensée, que dis-je ? de la critique, à la clef. Il me faudrait « anticiper » (reprenant le sens du mot de moi à moi) sur ce que je compte introduire sous la graphie de l’achose, l, apostrophe, a, c, h, etc. pour faire sentir en quel effet prend position la linguistique. Ce ne sera pas un progrès : une régression plutôt. C’est ce dont nous avons besoin contre l’unité d’obscurantisme qui déjà se soude aux fins de prévenir l’achose. Personne ne semble reconnaître autour de quoi l’unité se fait, et qu’au temps de quelqu’un où se recueillait la « signature des choses », du moins ne pouvait-on compter sur une bêtise assez cultivée, pour qu’on lui accroche le langage à la fonction de la communication. 1. De ces réponses les quatre premières ont été diffusées par la R.T.B. (3 ème programme) les 5, 10, 19 et 26 juin 1970. Elles ont été reprises par l’O.R.T.F. (France-Culture) le 7 juin 1970. 1 1970-06-05 RADIOPHONIE Le recours à la communication protège, si j’ose dire, les arrières de ce que périme la linguistique, en y couvrant le ridicule qui y rapplique a posteriori de son fait. Supposons la montrer dans l’occultation du langage la figure du mythe qu’est la télépathie. Freud lui-même se laisse prendre à cet enfant perdu de la pensée : qu’elle se communique sans parole. Il n’y démasque pas le roi secret de la cour des miracles dont il ouvre le nettoyage. Telle la linguistique reste collée à la pensée qu’elle (la pensée) se communique avec la parole. C’est le même miracle invoqué à faire qu’on télépâtisse du même bois dont on pactise : pourquoi pas le « dialogue » dont vous appâtent les faux jetons, voire les contrats sociaux qu’ils en attendent. L’affect est là bon pied bon œil pour sceller ces effusions. Tout homme (qui ne sait ce que c’est ?) est mortel (rassemblons nous sur cette égalité communicable entre toutes). Et maintenant parlons de « tout », c’est le cas de le dire, parlons ensemble, passant muscade de ce qu’il y a sous la tête des syllogistes (pas d’Aristote, notons le) qui d’un seul cœur (depuis lui) veulent bien que la mineure mette Socrate dans le coup. Car il en ressortirait aussi bien que la mort s’administre comme le reste, et par et pour les hommes, mais sans qu’ils soient du même côté pour ce qui est de la télépathie que véhicule une télégraphie, dont le sujet dès lors ne cesse pas d’embarrasser. Que ce sujet soit d’origine marqué de division, c’est ce dont la linguistique prend force au-delà des badinages de la communication. Oui, force à mettre le poète dans son sac. Car le poète se produit d’être… (qu’on me permette de traduire celui qui le démontre, mon ami Jakobson en l’espèce)… se produit d’être mangé des vers, qui trouvent entre eux leur arrangement sans se soucier, c’est manifeste, de ce que le poète en sait ou pas. D’où la consistance chez Platon de l’ostracisme dont il frappe le poète en sa République, et de la vive curiosité qu’il montre dans le Cratyle pour ces petites bêtes que lui paraissent être les mots à n’en faire qu’à leur tête. On voit combien le formalisme fut précieux à soutenir les premiers pas de la linguistique. Mais c’est tout de même de trébuchements dans les pas du langage, dans la parole autrement dit, qu’elle a été « anticipée ». Que le sujet ne soit pas celui qui sache ce qu’il dit, quand bel et bien se dit quelque chose par le mot qui lui manque, mais aussi dans l’impair d’une conduite qu’il croit sienne, cela ne rend pas (58)aisé de le loger dans la cervelle dont il semble s’aider surtout à ce qu’elle dorme (point que l’actuelle neurophysiologie ne dément pas), voilà d’évidence l’ordre de faits que Freud appelle l’inconscient. Quelqu’un qui l’articule, au nom de Lacan, dit que c’est ça ou rien d’autre. Personne, après lui maintenant, ne peut manquer à le lire dans Freud, et qui opère selon Freud à psychanalyser, doit s’y régler sauf à le payer du choix de la bêtise. Dès lors à énoncer que Freud anticipe la linguistique, je dis moins que ce qui s’impose, et qui et la formule que je libère maintenant : l’inconscient est la condition de la linguistique. Sans l’éruption de l’inconscient, pas moyen que la linguistique sorte du jour douteux dont l’Université, du nom des sciences humaines, fait encore éclipse à la science. Couronnée à Kazan par les soins de Baudouin de Courtenay, elle y fût sans doute restée. Mais l’Université n’a pas dit son dernier mot, elle va de ça faire sujet de thèse : influence sur le génie de Ferdinand de Saussure du génie de Freud ; démontrer d’où vint à l’un le vent de l’autre avant qu’existât la radio. Faisons comme si elle ne s’en était pas passé de toujours, pour assourdir autant. 2 1970-06-05 RADIOPHONIE Et pourquoi Saussure se serait-il rendu compte, pour emprunter les termes de votre citation, mieux que Freud lui-même de ce que Freud anticipait, notamment la métaphore et la métonymie lacaniennes, lieux où Saussure genuit Jakobson. Si Saussure ne sort pas les anagrammes qu’il déchiffre dans la poésie saturnienne, c’est que ceux-ci jettent bas la littérature universitaire. La canaillerie ne le rend pas bête ; c’est parce qu’il n’est pas analyste. Pour l’analyste au contraire, tremper dans les procédés dont s’habille l’infatuation universitaire, ne vous rate son homme (il y a là comme un espoir) et le jette droit dans une bourde comme de dire que l’inconscient est la condition du langage : là il s’agit de se faire auteur aux dépens de ce que j’ai dit, voire seriné, aux intéressés : à savoir que le langage est la condition de l’inconscient. Ce qui me fait rire du personnage et un stéréotype : au point que deux autres, eux à l’usage interne d’une Société que sa bâtardise (59)universitaire a tué, ont osé définir le passage à l’acte et l’acting-out exactement des termes dont à leur adresse expresse j’avais opposé l’un à l’autre, uploads/Philosophie/ lacan-radiophonie.pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager