Le tournant cognitif en pragmatique Bruno Ambroise To cite this version: Bruno
Le tournant cognitif en pragmatique Bruno Ambroise To cite this version: Bruno Ambroise. Le tournant cognitif en pragmatique : Ou : de la th´ eorie des actes de parole ` a la pragmatique cognitive.. Colloque ”Les sciences de l’homme ` a l’ˆ age du neurone”, ` a l’EHESS, Oct 2010, Paris, France. <halshs-00528027> HAL Id: halshs-00528027 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00528027 Submitted on 20 Oct 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. Draft – ne pas citer sans l'accord de l'auteur Le tournant cognitif en pragmatique (ou : de la théorie des actes de parole à la pragmatique cognitive) EHESS, Paris, le 13 octobre 2010 Présentation : Dans cette intervention, il s'agira pour moi de situer, à la fois historiquement et conceptuellement, les développements de ce qui est devenu une branche de la linguistique, et donc d'une discipline à prétention scientifque : la pragmatique, en tant qu'elle concerne l'usage du langage, c'est-à-dire ce que le langage permet de faire. Mais c'est une préoccupation qui vient de la philosophie (même si des recherches connexes sont apparues en linguistique dans les années 1950 avec Benveniste) et qui n'était l'objet que de réfexions philosophiques jusque dans les années 1960. => passage extrêmement rapide, d'un point de vue historique, d'une réfexion de type philosophique à un travail à prétention scientifque (les travaux philosophiques qui essaient de poursuivre l'éclairage conceptuel ou épistémologique des notions fondatrices étant souvent disqualifés au nom de la prétendue scientifcité des recherches actuelles). Si ce passage très rapide pourrait déjà amener à douter de la scientifcité de la discipline ainsi créé en raison du peu de regard réfexif ainsi projeté sur son objet, il convient de noter que le même mouvement s'observe continûment dans la linguistique ultra- contemporaine, dont tout objet devient immédiatement un nouvel objet pour ce conglomérat intitulé « sciences cognitives ». (Sorte de reprise du modèle linguistique – mais très modifé – pour les SHS en général, tel que cela a eu lieu dans les années 50 et 60 avec le structuralisme). Dès lors, comme le disait F. Récanati dans les années 1980 – qui y voyait une évolution bienvenue – « la pragmatique offre ainsi un laboratoire privilégié du changement de paradigme qui affecte la scène intellectuelle contemporaine1 ». Je vais être d'accord avec le diagnostic porté par F. Récanati : cela reste toujours le lieu privilégié pour observer le « tournant cognitiviste » qui a eu lieu dans les sciences humaines et sociales – et qui opère une profonde transformation de ce qu'il faut comprendre par ces sciences. (en gros : passage d'une considération d'une réalité humaine sociale à la considération d'une réalité humaine cognitive). Mais, sur ce point, je serais en désaccord quant aux bienfaits supposés d'une telle évolution, selon laquelle, je le cite « la philosophie de l'esprit constitue un tout indissociable, parfois appelé “théorie du contenu” et visant à élucider la nature des relations que les représentations, linguistiques ou mentales, entretiennent avec la réalité extra- linguistique ou extramentale2 ». L'objectif de cette courte présentation est précisément de montrer que rapporter la pragmatique à cet objectif n'a rien d'évident, ni de légitime. 1. F. Récanati, « Du tournant linguistique au tournant cognitif : l'exemple de la pragmatique », Préfaces, n°10, nov-déc 1988, p. 80. 2. F. Récanati, Philosophie du langage (et de l'esprit), Paris, Folio-essais, 2008, p. 9. 1 Draft – ne pas citer sans l'accord de l'auteur Introduction : Je vais ici proposer une présentation (trop rapide) des développements à la fois historiques et conceptuels qui ont affecté ce qu'on appelle « la pragmatique », depuis ses balbutiements dans les années 1950. [Ce sera bien sûr extrêmement schématique et, de ce fait, probablement trop partiel pour ne pas être partial, mais l'idée est de présenter une perspective permettant de lire cette évolution, à partir de la découverte initiale qui initie la problématique de cette nouvelle discipline. Je vais m'attarder longuement sur le point de départ, pour mieux permettre de comprendre l'écart d'avec lui]. Plus précisément, il s'agira de vous conter l'histoire de la façon dont la « théorie des actes de parole » s'est transformée en « pragmatique » - et, de ce fait, a perdu son objet même, à savoir, pour présenter immédiatement les choses, la découverte par John L. Austin des « performatifs » ou de « l'aspect illocutoire » du discours. C'est-à-dire, pour le dire grossièrement, le fait que parler, c'est agir ; ou que « dire, c'est faire ». Il s'agira de comprendre que la pragmatique s'appuie sur une compréhension très particulière du « faire » réalisé par le « dire », qui n'était précisément pas celle identifée par Austin, lequel entendait bien plutôt combattre cette conception même ! Il s'agira donc de montrer que l'analyse de l'effcacité de la parole, en se transformant en pragmatique visant à comprendre comment le locuteur, en utilisant le langage en contexte, en vient à créer des effets de sens3 qui ne sont pas réductibles à la sémantique des énoncés mais dépendent d'éléments contextuels, n'est pas resté fdèle à la théorie des actes de parole, telle que Austin l'avait construite, c'est-à-cire comme une analyse de l'effcacité du langage en tant qu'il opère une modifcation (non purement sémantique) du monde ou dans le monde (ex. : l'énoncé de promesse, de baptême, etc. - j'y reviendrai). En réalité, donc, la pragmatique n'offre pas et (au moins depuis les travaux de H. P. Grice) n'entend pas offrir une analyse permettant de rendre compte des mêmes phénomènes, perdant de vue ce qui est véritablement accompli par un acte de parole, en abandonnant un point de vue conventionnaliste pour adopter une conception tout d'abord véri-conditionnelle puis mentaliste des effets du langage. 3. Voir . B. Cornulier, Effets de sens, Paris, Minuit, 1985. 2 Draft – ne pas citer sans l'accord de l'auteur En retraçant cette évolution, j'entends montrer que la pragmatique contemporaine, en tant qu'elle s'allie à une explication mentaliste des phénomènes linguistiques l'autorisant à aller chercher l'aide des sciences cognitives, s'empêche en fait d'expliquer les phénomènes mis au jour par Austin et la théorie des actes de parole, dont elle est incapable de rendre compte conceptuellement4. Premiers jalons : les actes de parole produisent des effets conventionnels. Il est assurément exact que la « théorie des actes de parole » et la « pragmatique » partage l'objectif d'expliquer ou d'analyser des phénomènes linguistiques dont l'analyse logique ou grammaticale du langage ne parvient pas à rendre compte. Ce type d'analyse constituait, dans les années 1940-1950, la conception orthodoxe dans la philosophie du langage et reste encore prégnante dans la tradition « analytique » (puisque ce qu'est devenue la pragmatique cherche à lui être complémentaire – et non plus critique). Elle concentrait son attention sur les aspects « cognitifs » du langage, en considérant que le langage consistait soit à décrire un état du monde (à dire le vrai à son propos), soit à exprimer la pensée du locuteur à propos d'un état du monde. Et elle rejetait les autres aspects, en considérant soit qu'ils étaient dérivés ou secondaires, soit qu'ils n'étaient pas importants (ou même qu'ils ne constituaient pas de véritables usages du langage). Ce type d'analyse du langage pouvait être soit directement issue, dans le champ anglo-saxon, de la philosophie des idées de John Locke5, soit du positivisme logique et, plus lointainement, de l'analyse logique initiée par Frege, quant à elle fortement anti-psychologiste. Mais leur point commun était de considérer que le langage était avant tout un véhicule de la connaissance et qu'à ce titre, on pouvait en analyser la signifcation en termes de « conditions de vérité ». L'idée était ainsi qu'on pouvoir rendre compte de la signifcation des énoncés de manière intemporelle en les comprenant comme des instanciations de propositions dont on pouvait déterminer le « contenu » par l'énumération de leur conditions de vérité (que ces propositions correspondent à des objets abstraits – les « pensées » au sens 4. Non pas qu'il s'agisse de dire que la question est conceptuellement résolue, mais que la recherche conceptuelle sur le phénomène n'est précisément pas terminée. 5. Voir J. Locke, An Essay Concerning Human Understanding, (1689), Oxford : Oxford University Press, 1979, « Book 3 » ; trad. fr. J.-M. Vienne, Essai sur l'entendement humain, Livre 3, Paris : Vrin, 2006. 3 Draft – ne pas citer sans l'accord de l'auteur de Frege – ou au contenu mental des locuteurs). Selon cette conception véri- conditionnelle du sens, une phrase comme « Le chat est sur le tapis » exprime une proposition – la même que celle uploads/Philosophie/ le-tournant-cognitif-en-pragmatique.pdf
Documents similaires










-
25
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 24, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.5890MB