251 Boštjan Marko Turk UDK 821.133.1(493).09Mæterlinck M. Université de Ljublja
251 Boštjan Marko Turk UDK 821.133.1(493).09Mæterlinck M. Université de Ljubljana* MAURICE MAETERLINCK ET LE DÉDALE INEXTRICABLE DE L’EXISTENCE Comme tout ce qui existe, nous sommes impérissables. Nous ne pouvons concevoir que quelque chose se perde dans l’univers. A côté de l’infini, il est impossible d’imaginer un néant où un atome de matière puisse tomber et s’anéantir. Tout ce qui est sera éternellement, tout est, et il n’est rien qui ne soit point. Sinon, il faudrait croire que notre cerveau n’a rien de commun avec l’univers qu’il s’efforce de concevoir. Il faudrait même se dire qu’il fonctionne au rebours de celui-ci, ce qui n’est guère probable, puisqu’après tout, il n’en peut être qu’une sorte de reflet. Maurice Maeterlinck : L’Intelligence des fleurs, 1910. L’idée d’exister est la convention au préalable qu’établit la création proli- fique et pluriforme de Maurice Maeterlinck. Elle présente le dénominateur com- mun d’œuvres disparates parmi lesquelles on dénombre chansons, pièces, féeries, drames lyriques, farces, contes et essais, mais aussi des études analysant les diffé- rentes interprétations des sujets communs à toutes les religions. La poursuite im- manente de la pertinence de l’être est de même le pivot central d’un vaste nombre des ouvrages qui traitent des varia in lato sensu: des observations du monde des insectes et même de l’intelligence des fleurs (Maeterlinck 1926), tout présuppose l’existence d’une actualité infinie synchroniquement dans le temps et dans l’espace et même outre les phénomènes appartenant au présent, c’est-à-dire, une réalité « qui existe indubitablement par delà. » (Cf. infra.) Comme tout ce qui existe, nous sommes impérissables. Nous ne pouvons concevoir que quelque chose se perde dans l’univers. A côté de l’infini, il est impossible d’imaginer un néant où un atome de matière puisse tomber et s’anéantir. Tout ce qui est sera éternellement, tout est, et il n’est rien qui ne soit point. Sinon, il faudrait croire que notre cerveau n’a rien de commun avec l’univers qu’il s’efforce de concevoir. Il faudrait même se dire qu’il fonctionne au rebours de celui-ci, ce qui n’est guère probable, puisqu’après tout, il n’en peut être qu’une sorte de reflet. Ce qui semble périr ou du moins disparaître et se succéder, c’est les formes et les modes sous lesquels nous percevons la matière impérissable ; mais nous ignorons à quelles réalités répondent ces apparences. Elles sont le tissu du bandeau qui, posé sur * Adresse de l’auteur : Filozofska fakulteta, Oddelek za romanske jezike in književnosti, Aškerčeva 2, 1000 Ljubljana. Mél : bostjan-marko.turk@guest.arnes.si 252 nos yeux, donne a ceux-ci, sous la pression qui les aveugle, toutes les images de notre vie. Ce bandeau enlevé, que reste-t-il ? Entrons-nous dans la réalité qui existe indubi- tablement par delà.... ? L’apparition de l’existence, y compris son caractère intentionnel, est la structure épiphénomenologique la plus dense qu’on puisse déceler dans l’œuvre de l’auteur. Néanmoins, il semble qu’on se heurte, de prime abord, à une antinomie. Le domaine de l’être est le domaine du concept dont les origines remontent au judéo-christianisme, notamment à la formule de l’Exode où Dieu expose son habitus opératif par rapport à l’être de tout ce qui existe.1 Par une extension analogique, le terme devient la dispo- sition ultime de ce que la religion chrétienne peut concevoir et englober comme objet de la connaissance et de la foi. La question de l’être est primordiale dans la perception de fidei depositum, l’être coïncidant avec le terme de l’univers, regroupant ce que les sens peuvent percevoir, conjointement à ce qui est ténu ou éloigné à ce point qu’il est imperceptible, l’être est avant tout sa qualité faisant exister. L’univers comme ambiance particulière de la conscience et de l’émotion humaines rentre le premier dans l’inter- prétation restrictive reposant sur les critères entitatifs : « Un des rôles du décor est de fournir au lyrisme les images qu’il emploie, images qui en appellent d’autres, au point que, souvent, à l’amour de ses héros, Maeterlinck intéresse l’univers tout entier ».2 On saisit donc le mot être dans l’ampleur de son instauration iconique, remplissant le côté physique et métaphysique de l’entité en question : « Le mot être peut s’entendre soit comme un verbe, soit comme un nom. Pris comme verbe, il signifie le fait même qu’une chose soit ; pris comme nom, il signifie “un être”, c’est-à-dire l’une quelconque des choses dont on dit qu’elles sont » (Gilson 1981 : 13–14). Le passage cité pourrait s’identifier aux innombrables descriptions que Maeterlinck intègre dans ses études afin de porter un regard exhaustif sur l’ ensemble de tout ce qui existe, considéré comme la totalité des choses perçues, incluant la conscience humaine et même celle des animaux, c’est-à-dire, de tout ce qui est, sans confins qui borneraient l’expansion ad infinitum : Nous sommes plongés dans un Univers qui n’a pas plus de limites dans le temps que dans l’espace. Il ne peut ni avancer ni reculer. Il n’a pas d’origine. Il n’a jamais commencé comme il ne finira jamais. Il a derrière lui autant de myriades d’années qu’il en découvre devant lui. Il est depuis toujours au centre sans bornes des jours. Il ne saurait avoir un but, car s’il en avait un, il l’eut atteint dans l’infini des ans qui nous precède. (Maeterlinck 1929 : 203–204) L’écriture prolifique de l’auteur s’inspire du rayonnement ontologique de l’univers inexhaustible. En reconsidérant la situation de façon plus attentive, on pourrait s’étonner des découvertes épistémologiques reliant le monde des insectes sociaux à l’appréhension 1 »Dixit Deus ad Moysen: Sum qui sum«, Ex., 3, 14 2 Compère (1955 : 174). Comparer aussi la citation en tête du texte, »Sinon, il faudrait croire que notre cerveau n’a rien de commun avec l’univers qu’il s’efforce de concevoir », cit. infra. 253 dont seraient capables les représentants du monde végétal, tout ceci étant le symbolisme ontologique et le syllogisme analogique à la fois. Notons les textes principaux : Le Trésor des humbles (Maeterlinck 1896), La Sagesse et la destinée (Maeterlinck 1826), La Vie des abeilles (Maeterlinck 1922), L’Intelligence des fleurs (Maeterlinck 1926), L’Hôte inconnu (Maeterlinck 1925), Le Grand Secret (Maeterlinck 1925), La Vie des termites (Maeterlinck 1928), La Vie de l’espace (Maeterlinck 1928), La Vie des fourmis (Maeterlinck 1930), La Grande Loi (Maeterlinck 1933), L’Autre monde ou le cadran stellaire (Maeterlinck 1942). On rencontre un espace topologique de la sorte dans les ouvrages empreints de poésie, notamment dans les Serres chaudes (Maeterlinck 1889) : il y va de soi que même la fonc- tion poétique de la féerie L’Oiseau bleu (Maeterlinck 1956) ne pourrait être possible sans les procédés du déplacement spatio-temporel face auxquels la conscience humaine glisse dans les couches subliminales, exploitant les arcanes du temps et de l’espace, se rappro- chant d’une durée sans commencement ni fin. L’être du christianisme, notamment, est de l’inépuisable que vient compléter la présence sempiternelle de Dieu : Quand les hommes ne sont plus pour nous, quand ils n’existent plus pour personne, ils existent toujours virtuellement où personne ne les voit : et ceux qui ont cessé de les voir ne cessent pas d’exister comme s’ils les voyaient. De même, quand Dieu se limite pour se manifester et prendre conscience d’une partie de soi, il ne cesse pas d’être infini et inconnaissable à lui-même. Il semble se mettre un moment au point de vue ou à portée de ceux qu’il a réveillés dans son sein. (Maeterlinck 1925 : 308) Maurice Maeterlinck tend à s’approcher davantage des principes de la subsistance de l’être premier, « réveillant les autres dans son sein » (Cf. op. cit. ), lorsqu’il articule, au point crucial de la « Conclusion » de son livre, intitulé significativement Le Grand Secret, une période à structure visiblement complexe : ses constituants sont organisés de façon à produire le message qui témoigne de la limpidité et de la justesse de la prise de position de l’auteur. Effectivement, sa fin présentant la suite brillante peut être considérée comme une vraie clausule ramenant le principe inspirateur dans la proxi- mité de la cause, élément prépondérant de la métaphysique chrétienne. Afin de préciser l’importance du terme en question, Maeterlinck utilise de même une lettre majuscule : La filiation qui les rattache toutes à la Cause inconnue est de plus en plus oubliée et ne réapparaît que à certains moments, par exemple, longtemps après, dans le bouddhisme, dans les métaphysiques, dans les mystères et dans les traditions occultes. Mais malgré cet oubli, grâce à l’idée de cette cause première, nécessairement une, invisible, intangible, inconcevable, et qu’on est par conséquent obligé de considérer comme purement spirituelle ; dans la religion primitive, deux grands principes, infiltrés par la suite dans celles qui en dérivent, sont demeurés vivaces, qui répètent sourdement, sous toutes les apparences, que l’essence est une et que l’esprit est à la source de tout, l’unique certitude, la seule réalité éternelle. (Maeterlinck 1925 : 309) 254 La causalité est le moteur univoque dans le cercle du créé : Dieu existe appro- bativement per se parce qu’il est négatif par rapport au monde, ce défaut flagrant étant en même temps la source de l’existence. Les uploads/Philosophie/ m-maeterling-et-les-dedales-inextricables-de-l-x27-existence-pdf.pdf
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- Publié le Oct 19, 2022
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