3 Mentir, c'est mal. Nous le savons, nous le répétons assez à nos enfants. Pour
3 Mentir, c'est mal. Nous le savons, nous le répétons assez à nos enfants. Pourtant, nous passons notre vie à faire de petits ou gros arrangements avec la réalité. C'est typique, paradoxalement, d'une époque inondée par l'information. Plus on nous en dit et plus on veut en savoir, mais plus, aussi, on doute de la véracité de ce que l'on nous révèle ! Un cercle vicieux : qu'y a-t-il de plus suspect, en effet, qu'un discours commencé par Très sincèrement... ou Franchement... ! Il est impossible de parler complètement vrai. Cela tient d'abord à la nature même du langage. Dès lors que nous utilisons la parole, nous sommes condamnés à ne pas tout dire, car les mots ne reflètent jamais toute la vérité. Il y a toujours une partie de celle-ci qui reste cachée, inaccessible à la parole. Dire la vérité, toute la vérité, signifierait être dans un rapport direct avec la réalité. Or nous sommes toujours dans l'interprétation, donc dans le mensonge ! Cela signifie plutôt qu'il n'y a de vérité que subjective et affective. Exemple : votre meilleure amie vous demande ce que vous pensez de sa nouvelle coiffure. Ayant promis de ne jamais lui mentir, vous lui avouez : Elle est ratée. Mais une tierce personne pourrait lui dire l'inverse avec autant d'honnêteté. D'ailleurs, vous-même, un autre jour, soumis à d'autres humeurs, vous pourriez tout à fait trouver que sa nouvelle coiffure lui va comme un charme. Ou bien estimer que dans de telles circonstances, être sincère serait lui faire remarquer que la coloration est réussie ou que la coupe lui donne un air plus sérieux, etc. Preuve que chacun sa vérité selon les affects et les personnes engagées. Suivre SA vérité reviendrait à ne jamais (se) mentir. Impossible. Nous sommes incapables de ne pas mentir. Bien sûr, certains mensonges consistent en un détournement conscient et volontaire de la vérité dans le but de tromper l'autre. Mais ceux-là restent très minoritaires. Au quotidien, la majorité de nos mensonges sont « des actes réflexes, instinctifs, auxquels on a recours pour se protéger : d'une atteinte physique, morale, matérielle ou psychique (honte, perte d'estime de soi...). En un mot : pour protéger la relation établie avec autrui. On ment par peur d'être privé de l'amour, au sens large, de l'autre. Le mensonge est d'abord un acte défensif. De fait, ceux qui ont tendance à dire tout ce qu'ils pensent sont avant tout très sûrs d'eux. Ils ont une telle confiance en eux qu'ils ne sont pas retenus par la crainte de perdre l'amour de l'autre. Jouer avec la vérité serait ainsi indispensable à la vie en société. Cela fait partie des conventions sociales. Vous saluez votre collègue par Ça va ? S'il était décidé à dire toute sa vérité, l'autre vous répondrait en détail : Pas totalement, je m'inquiète pour tel dossier que je dois boucler, j'ai peur de ne pas finir à temps », etc. Mais il ment : Très bien merci, et toi ! Preuve non pas de malhonnêteté, mais au contraire de considération et de respect. Bien communiquer c'est savoir prendre en compte l'autre et ce qu'il est prêt à entendre. En d'autres termes, c'est savoir mentir ou, du moins, ne pas dire toute notre vérité. Preuve que, décidément, toute vérité a sa contrevérité. Cette théorie s'oppose à celle qui stipule : c'est en apprenant à dire absolument tout ce qui nous passe par la tête sans aucune censure que nous pouvons apprendre à nous connaître et à connaître les autres. Se décharger des pensées et autres 3 jugements qui nous tourmentent serait, selon lui, le seul moyen de vivre des relations authentiques. Un menteur se trahit par des signes physiques et psychiques. Mentir, par politesse ou omission ne nous empêche pas d’être sincères. La sincérité n’a en effet rien, ou presque, à voir avec la vérité : tout dépend de la façon dont nous désirons nous positionner par rapport à l’autre. Prenant l’exemple du mari qui, par amour pour sa femme et pour ne pas la perdre, décide de ne pas lui avouer qu’il lui a déjà été infidèle, tout en mentant, cet homme reste sincère par rapport à ce qu’il considère comme étant sa vérité la plus profonde, à savoir qu’il ne veut pas blesser et risquer de perdre sa femme. Ainsi, son mensonge révèle une vérité plus essentielle pour lui et pour son couple. Pour la psychanalyse : la parole délibérément fausse en dit au moins autant que la parole vraie. Mieux : le mensonge est lui-même vérité : vérité d’un désir. Ou encore : Le contraire de la vérité n’est pas une erreur mais une vérité contraire. La capacité de mentir apparaît vers 4 ans. L’enfant comprend qu’il n’est pas transparent, que les adultes ne connaissent pas tout de lui. C’est le début de la découverte de l’intimité, qui va s’affirmer tout à fait vers 7 ans. Il assimile le fait qu’il a des pensées secrètes et que toutes n’ont pas à être exprimées. Ainsi, grâce à l’éducation qu’il reçoit (On ne dit pas ça aux gens) (On ne parle pas de ces choses-là), etc. fait-il peu à peu l’expérience du non- dit. C’est la première forme de mensonge. Puis, il découvre qu’il peut également dire autre chose que ce qui est : c’est le mensonge au sens où on l’entend couramment. En se socialisant, et selon les règles morales qu’on lui inculque, il apprendra à jouer toute la gamme du « craque » : depuis le mensonge pieux jusqu’au gros canular en passant par le mensonge de sollicitude. uploads/Philosophie/ mensonges-2.pdf
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- Publié le Jul 05, 2022
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